(30 Avril.) Extrait d'une lettre de Toulouse, du 15 avril.... On ne peut rien d'égal à l'impression que les talens de Mlle. Colombe ont fait à Toulouse. L'enthousiasme le plus vif et le plus juste a signalé chacune des représentations qu'elle a données; les acclamations, les lauriers, les couronnes en ont été le gage, la preuve et la récompense. Les vers suivans furent faits sur le champ à l'occasion de deux colombes qui s'élevèrent du milieu du parterre, et qui prirent leur vol vers le théâtre. Quels nobles traits! que de beautés! Et quelle voix enchanteresse ! Ah! tous les cœurs sont dans l'ivresse, Retentit d'applaudissemens. De l'amour, du plaisir les doux frémissemens Si tu n'es pas une immortelle. Mais quel objet s'offre à mes yeux surpris! C'est l'attellage de Cypris, Et la déesse est reconnue. (9 Mai 1782.) On ne sait si l'épigramme suivante sur la pièce de Molière à la nouvelle salle, par la Harpe, est de l'abbé Aubert, ou de M. Charnois, ou de quelque autre ; car il ne manque pas d'ennemis mais elle est au moins juste et porte à plomb sur l'étrange audace de ce poëte. Désespéré de voir tous ses écrits Pouvait-il mieux? Ses vers sont applaudis. (10 Mai.) On trouve dans le Mémoire pour les prévôt des marchands et échevins de la ville de Paris, contre M. le duc de Chartres, un historique, assez curieux, et du Palais-Royal et de la salle de spectacle. Le Palais-Cardinal, construit par Richelieu, à sa mort, le 4 décembre 1642, fut habité par Louis XIII, en vertu d'une donation du défunt, et prit le nom de Palais-Royal. Après ce roi, Anne d'Autriche s'y fixa jusqu'en 1651, avec Louis XIV et Monsieur, ses enfans. En 1652 Louis XIV céda à la reine Anne d'Angleterre sa tante, l'usage de ce palais jusqu'en 1661, que Monsieur, frère du roi, y fut logé, et ensuite l'eut par augmentation d'apanage, suivant les lettres-patentes du mois de février 1692, titre de la maison d'Orléans. A ce palais était annexée une salle de spectacle, appelée la salle des comédies et machines. Les chefs-d'œuvres de Corneille y ont été joués. Lorsqu'on détruisit le petit hôtel de Bourbon et son théâtre pour travailler à la colonnade du Louvre, Louis XIV voulut que la troupe de Molière passât sous le titre de troupe de Monsieur, dans la salle du Palais-Royal, où elle joua pour la première fois le 5. novembre 1660, la comédie de l'Étourdi: elle y continua ses représentations jusqu'au décès de cet inimitable comique, arrivé le 17 février 1673. A cette époque, l'établissement à Paris d'une académie de musique était nouveau. L'abbé Perrin en obtint le premier privilége en 1669; il fut révoqué au mois de mars 1672, et accordé à Lully, qui représentait au jeu de Paume du Bel-Air, rue Mazarine. Le roi lui donna Ja salle du Palais-Royal, où il se transporta et débuta par Cadmus. Lully mourut en mars 1687: Francine, son gendre lui succéda, etc. En 1749, les affaires de l'académie royale de musique étaient en fort mauvais état; ses dettes montaient à 1,900,000 liv. Louis XV, par un arrêt du conseil du 25 août 1749, pour rétablir ce spectacle, en confia l'administration à la ville. Elle acheta deux maisons pour faciliter l'entrée dans la salle. Le 6 avril 1763, elle fut brûlée; M. le duc d'Orléans en sollicita le rétablissement au Palais-Royal: de-là un arrêt de conseil revêtu de lettres patentes du 11 février 1764, qui l'ordonne conformément aux desirs de son altesse, et aux offres elle de rendre cette salle plus spacieuse et plus commode, en fournissant tout le terrain nécessaire à cet effet. par En exécution des ordres du roi et du traité de 1764, la nouvelle salle a été construite par les soins des administrateurs, moyennant le coût de 2,300,000 livres. Au mois de mars 1780, Louis XVI a retiré à la ville l'administration de l'Opéra, toujours de plus en plus dispendieuse et à charge. Le feu y a pris le 8 juin 1781. L'incendie étant arrivé depuis la cessation de son administration, la ville ne se prétend plus garante de rien, et veut que M. le duc de Chartres soit déclaré non-recevable dans la demande qu'il a formée contre elle le 19 octobre 1781, pour qu'elle lui remette la salle de l'Opéra au même état de construction qu'en 1771, ou soit condamnée à lui en payer la valeur, suivant les devis et marchés faits et passés alors. (27 Mai.) M. Linguet a été purgé trois fois depuis sa sortie de la Bastille (1), et il paraît que sa santé, pour laquelle on craignait, s'est raffermie. Pendant l'espèce de retraite dans laquelle il a été obligé de passer quelques jours, il s'est fait rendre compte par (1) Où l'on avait cru qu'il avait été pendu secrètement. ses émissaires affidés, de la manière dont s'étaient conduits ses ennemis durant sa détention; et pour la plupart, il a remarqué qu'elle avait été honnête; qu'on avait gardé sur lui un silence profond, et respecté son infortune. Il a cependant été fort scandalisé du propos de M. Gerbier, tenu au parquet, qui, lorsqu'on lui dit : Hé bien, voilà votre ami Linguet qui est pendu... répondit avec un sourire ironique : non, il n'est encore que pendable. e (2 Juin 1782.) M. le comte du Nord, qui n'omet aucun de nos beaux monumens à voir, n'a pas manqué d'aller en Sorbonne visiter le fameux tombeau du cardinal de Richelieu. Le docteur qui lui montrait l'église et ce mausolée, lui rappela les paroles mémorables du czar qui en voyant ce grand ministre, s'écria: O grand homme! que ne vis-tu encore; je te donnerais la moitié de mes états pour m'apprendre à gouverner l'autre ! Oh! Monsieur, a repris avec vivacité le jeune prince, ce n'aurait pas eté pour long-tems, il la lui aurait bientôt reprise. (9 Juin.) Les adieux des Français aux Tuileries (1). Vaudeville, sur l'air : Mon père était pot. Le mauvais goût, l'esprit grossier, Sans force et sans malice, Pensent en vain se déguiser Sous ce vaste édifice. Les nouveaux venus, ! (1) Attribués au marquis de Louvois et à M. de Champcenets. |