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CHAPITRE VII.

DES SECOURS PUBLICS JUSQU'A LA FIN DES EMPIRES D'ORIENT ET D'OCCIDENT

SOMMAIRE

I. Distributions de blé à Rome, à Constantinople.
II. Julien l'Apostat. Les médecins des pauvres.

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III. Règne de Théodose.

IV. Règne de Justinien.

Fin de l'Empire d'Occident.

Fin de l'Empire d'Orient.

Après avoir vu ce que fit en faveur des malheureux l'Église secondée par le Pouvoir, il convient de se demander ce que fit le Pouvoir seul et livré à lui-même. Aussi bien devons-nous rechercher ce que devint alors l'institution que nous avons dit se rapprocher davantage de la bienfaisance publique les distributions de blé.

A Rome, elles subsistèrent toujours et elles montèrent encore à 200,000 modii (17,342 hectol.) par an. Des lois assez nombreuses aux Codes Théodosien et Justi

nianéen s'en occupent encore, et sous les titres De canone frumentario urbis Roma, De annonis civilibus, règlent différents points de détail. Les révolutions qui bouleversèrent l'Empire durant la seconde moitié du II° siècle empêchèrent souvent les flottes de blé d'arriver d'Égypte et d'Afrique. Constantin, pour prémunir autant que possible le peuple de Rome contre la famine, remit en vigueur les priviléges que nous connaissons. Plus tard, Valentinien ordonna qu'au lieu de vingt pains grossiers pesant 50 onces, chaque citoyen reçût gratis 36 onces de pain blanc 1 (environ 1 kil.).

Mais Rome n'avait plus la première place dans l'attention des peuples et les préoccupations des empereurs, depuis que Constantin avait jeté sur les bords du Bosphore les fondements de la ville qui porte son nom. Parmi les choses qu'il transporta, quelquefois sans grand discernement, dans cette cité créée de toutes pièces, furent quelques-uns des plus tristes priviléges de l'ancienne capitale des Césars. Constantinople existait depuis deux ans à peine que déjà l'on y faisait des distributions de blé qui montèrent jusqu'à 80,000 modii (6,937 hect.) par an. Certes, l'empereur, dans ce cas, avait moins en vue une idée de bienfaisance que le désir d'attirer du monde et de faire bâtir dans la ville qu'il fondait; et en effet, il attribua le secours non aux personnes, mais aux maisons, de sorte que ceux qui n'avaient pas d'habitation ne pouvaient pas le recevoir, et ceux qui la cédaient abandonnaient avec elle le droit au secours : « Edes sequantur annonæ2. » C'est à peine si l'on peut voir là un

1. Cod. Theod., lib. XIV, tit. XVII, loi 5.

2. Cod. Theod., lib. XIV, tit. XVII, lois 1, 12, 13.

acte d'assistance, car, évidemment, ceux qui n'avaient pas de maison étaient ceux qui auraient eu le plus besoin de secours, et pour recevoir le blé public, il fallait, pour ainsi dire, être capable de s'en passer.

Constance, pour se venger d'une émeute, diminua de moitié la quantité de blé distribuée; mais cette disposition fut abolie par ses successeurs. Théodose augmenta la distribution, et Marcien la porta à 125 modii par jour 1.

Les distributions gratuites de vivres produisirent du reste à Constantinople le même effet qu'à Rome; loin de prévenir le paupérisme, elles ne firent que l'augmenter, et le titre De Mendicantibus validis suit immédiatement au Code ceux qui traitent des distributions de blé, comme pour indiquer que la mendicité était le seul produit engendré par ces générosités sans raison.

Justinien s'aperçut, mais trop tard, des inconvénients de l'existence de la population oisive, famélique et dangereuse, attirée dans les murs de Constantinople au grand détriment de l'agriculture des provinces 2; il fut même obligé de prendre des mesures rigoureuses pour en débarrasser sa-capitale; il ordonna que les mendiants valides, s'ils étaient esclaves, fussent ramenés à leurs maîtres; s'ils étaient libres, qu'ils fussent reconduits dans les provinces ou les villes d'où ils étaient sortis, et enfin que le reste fût employé aux travaux publics 3. L'institution de Constantin fut tout à fait supprimée par l'empereur Héraclius, en 662.

? 2.

1. Cod. Just., De Annonis civilibus, loi 2.

2. Serriguy, Droit public et administratif romain, tit. IV, ch. 11, sect. 2,

3. Imp. Just., Novel. Const. LXXX, cap. 4 et 5.

Nous avons ainsi retracé le tableau de l'assistance publique sous les empereurs chrétiens; il ne nous reste plus qu'à noter différentes mesures moins importantes qui furent prises par les empereurs jusqu'à la fin des deux Empires d'Orient et d'Occident.

II

Auparavant, il faut rappeler que l'empereur Julien rompit un moment, par son retour au paganisme, l'alliance du pouvoir et de la religion chrétienne. Il fit presque renaître le siècle des persécutions, et la charité ne fut pas une des dernières choses auxquelles il s'attaqua. Il révoqua les dons accordés par Constantin et annula les libéralités faites en faveur des pauvres.

Mais Julien, qui avait été chrétien, savait bien que la charité était l'une des grandes armes et l'une des vertus réservées de la religion du Christ. Il voulut l'imiter, il voulut créer des hospices et des moines païens; il n'y réussit pas. Et s'il était besoin de prouver que le christianisme peut seul engendrer la charité et l'abnégation qu'elle suppose, rien ne le montrerait mieux que la lettre découragée envoyée par le puissant empereur à Arsace, pontife de Galatie. Cette épître, nous l'avons déjà vu, rend un magnifique hommage à la charité chrétienne : «Que ne tournons-nous les yeux, s'écrie Julien, vers ce qui a grandi la secte impie des chrétiens, c'est-à-dire leur bienveillance envers les voyageurs, les soins qu'ils donnent à la sépulture des morts et la pureté qu'ils simulent? Je pense, en vérité, que nous devons suivre ces exemples... Ces maudits Galiléens, outre leurs pauvres,

nourrissent aussi les nôtres, qu'on voit manquer de nos secours 1. >>

Bientôt, sous le règne de Valentinien et de Valens, la charité reprit un nouvel essor.

Ces deux empereurs confirmèrent une institution excellente qui existe, ou plutôt qui devrait exister encore aujourd'hui : celle des médecins gratuits chargés de donner des secours aux pauvres. Tirant peut-être son origine de ce fait qu'autrefois les temples d'Esculape étaient pourvus de lits où les malades étaient reçus et soignés par les prêtres du dieu de la médecine, cette institution persista, paraît-il, dans les municipes romains; les empereurs, notamment Valentinien, Valens, Théodose et Arcadius, assurèrent l'existence de ces médecins, qui purent, sans autre préoccupation, se livrer entièrement au soin des pauvres; ils devaient même ne demander aucun paiement à leurs malades; ils pouvaient seulement en recevoir quelque présent, quand ceux-ci étaient guéris et en bonne santé 2.

III

Théodose réunit pour la dernière fois sous sa main les deux Empires d'Orient et d'Occident. Chrétien fervent et convaincu, inspiré d'ailleurs par les conseils de saint Ambroise, il ne pouvait que favoriser les développements de la charité chrétienne. Cet empereur, qui fut, si l'on peut dire, l'Auguste du Bas-Empire, dont Con

1. Julian. imp., Epist., Ad Arsac., epist. 49.

2. Cod. Just., De Profes. et Medicis, loi 9, — - Cod. Theod., eod. tit., lois 8,

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