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pour ainsi dire, de ce magnifique palais qu'on a appelé l'ère chrétienne, nous trouvons, comme un portique splendide joignant à l'austère beauté de l'antiquité romaine je ne sais quel air d'espérance et de douceur, ce siècle d'Auguste qui, par l'éclat et la grandeur des hommes qu'il a vus naître, a mérité d'être mis au nombre des quatre grands siècles de l'humanité.

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CHAPITRE III.

DES SECOURS PUBLICS D'AUGUSTE A TRAJAN.

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SOMMAIRE

I. Auguste. Il essaie de remédier aux vices de l'organisation de Il n'y réussit pas. Pourquoi ? L'esclavage,

l'Empire.

fondement de la société païenne. Grand nombre des affranchis.

II. Organisation pratique des distributions de blé.

III. De l'administration de l'annone.

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Comment le blé venait à

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I

Auguste, héritier de César, n'était pas de cette première race d'hommes qui font les révolutions; il était de cette race secondaire qui en profite, et qui pose avec adresse le couronnement de l'édifice dont une main plus forte a creusé les fondements 1. >>

Plus habile, en effet, et plus politique que César, Auguste maintint les dehors du gouvernement républi

4. Châteaubriand, Études historiques, Étude 1re, p. 120.

cain en concentrant en lui tous les pouvoirs; au lieu d'abolir les magistratures anciennes, il s'en revêtit luimême, préférant ainsi la réalité du pouvoir à ses vaines apparences. Habitant au Palatin une maison modeste, le maître du monde vécut toujours comme un simple citoyen, et ne rougit pas de flatter la multitude, dont il se disait le serviteur pour en rester le maître.

Toutefois, il faut le reconnaître, cette politique d'Auguste donna au monde, fatigué de l'agitation des guerres civiles, un demi-siècle de paix et de stabilité. L'empereur, en effet, une fois maître du pouvoir, travailla résolûment à fonder ce qu'on pourrait appeler l'organisation de la paix; il vit les plaies de l'Empire et essaya de les guérir; il comprit les vices de l'ordre social et tenta d'y porter remède.

Il commença par raffermir la propriété ébranlée par soixante-dix ans de guerres civiles et par les fréquentes propositions de lois agraires. Le premier parmi les généraux vainqueurs, il ne distribua à ses vétérans que les biens vacants, ou indemnisa les rares colons qu'il priva de leurs terres.

Il s'aperçut bien vite de la cause de la dépopulation de l'Italie, et ne dissimula pas son aversion pour ces magnifiques mais improductives villa qui couvraient des régions entières; il encouragea, au contraire, l'agriculture de toute son influence et de son estime spéciale, et chercha par tous les moyens à maintenir et à rappeler dans l'Italie cette classe de colons et de laboureurs qui avait fait sa force.

Les douceurs de la vie des champs, l'éloge des travaux agricoles sont alors dans toutes les bouches; les. poëtes qui entourent le prince, et dont sans doute il in

spire les chants, célèbrent à l'envi ces plaisirs purs et tranquilles. Virgile et Horace, dans des vers immortels qu'on n'a point égalés, font goûter à tous ces sentiments. Le premier surtout fit sentir aux Romains cette beauté de la nature sensible, qu'ils ne comprenaient pas encore; et le second chanta les plaisirs de la campagne dans des vers trop charmants pour qu'on ne nous pardonne pas de les rappeler ici :

«Beatus ille qui, procul negotiis,

Ut prisca gens mortalium,
Paterna rura bobus exercet suis,

Solutus omni fœnore.

Neque excitatur classico miles truci,

Neque horret iratum mare;
Forumque vitat et superba civium

Potentiorum limina ..... >>

Ce n'était là, il est vrai, que des délassements de lettrés; mais au fond de ces vers il y avait une idée, idée sérieuse et juste; et ce n'est pas sans raison que l'on a pu dire que « les Géorgiques de Virgile étaient un délicieux pamphlet contre les domaines de luxe et les grandes propriétés 2. »

En inspirant l'amour des travaux des champs, Auguste voulait repeupler les campagnes de l'Italie et diminuer le nombre de ceux qui vivaient à Rome aux dépens de l'État dans une oisiveté sans souci et par suite sans remède. Il songea même un moment à supprimer tout à fait ces distributions gratuites 3; mais il réfléchit que ses

1. Hor., Epod. lib., ode II.

2. F. de Champagny, Les Césars, tom. I, Aug., § 2.

3. Suét., In Aug., 42.

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