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le prive un injuste et cruel destin? Quels sentiments le retiendront sur la pente fatale du vice ou du crime? Parlez-lui de probité, de réputation, d'honneur, et vous verrez ce qu'il vous répondra. Pour nous, nous n'oublierons jamais cette parole que nous dit, d'un air à la fois cynique et attristé, un malheureux auquel nous reprochions certains actes malhonnêtes : Ah! monsieur, y at-il de l'honneur pour les pauvres?...

Disons-le donc avec un écrivain peu suspect: « Il y a des questions d'économie politique qui demeureront insolubles tant que la religion n'y mettra pas la main1. » La religion est plus nécessaire encore au pauvre qu'au riche, car elle est souvent sa seule consolation. Et pour terminer par les paroles d'un homme dont nul ne peut contester l'autorité en cette matière : « La religion embrasse le système entier des facultés humaines, comme le cours entier de la vie; elle est tout ensemble un flambeau qui éclaire l'intelligence, une loi qui règle les mœurs, une puissance qui s'empare de l'âme, un mobile qui préside aux actions aucune pensée ne lui reste étrangère, aucun sentiment ne lui échappe. Éminente institutrice, elle fait pénétrer ses enseignements jusqu'au fond des cœurs, et leur imprime une autorité sainte... En opérant le perfectionnement moral de l'homme, la religion prépare indirectement son bien-être matériel : c'est qu'elle anime d'une étincelle sacrée le foyer même des forces humaines 2. >>

1. Blanqui, Histoire de l'Économie politique, tome I, ch. 9.

2. De Gérando, De la Bienfaisance publique, tome III, liv. III, ch. 6, art. 4.

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CHAPITRE XIII.

DE L'ASSISTANCE PAR L'ÉTAT ET LE DÉPARTEMENT.

SOMMAIRE

I. Du rôle de l'État dans l'assistance.

Des hôpitaux militaires.

Des Établissements généraux de bienfaisance: Quinze-Vingts,
Jeunes-Aveugles, Sourds-Muets, etc.

II. De l'assistance judiciaire.

III. De l'assistance départementale : les aliénés.

tives aux aliénés indigents.

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IV. Des enfants assistés.

Question du tour.

De la protection des

enfants du premier âge. De la tutelle des enfants assistés.

De la répartition des dépenses.

I

La société, nous l'avons dit, a l'obligation morale de venir au secours des malheureux qu'elle renferme dans son sein. C'est l'un des plus doux, mais non l'un des plus faciles des devoirs qui lui incombent.

Que faut-il entendre par la société? Est-ce l'État, le département, la commune? Laquelle de ces trois person

nifications de la société, également importantes quoique placées à des degrés divers de la hiérarchie, doit être chargée de remplir cette mission de dévouement? Sur ce point, comme sur tant d'autres, des controverses se sont élevées.

Les uns, partisans de la décentralisation à outrance, ont attribué à la commune ou à la paroisse, comme en Angleterre, la mission exclusive de secourir les indigents et les malades, et cela sans immixtion d'aucun autre pouvoir et sans la surveillance d'aucune autorité.

D'autres ont voulu centraliser toutes les ressources entre les mains du gouvernement, et le faire seul dispensateur des secours à donner aux pauvres qui couvrent le territoire.

La vérité, comme il arrive souvent, se trouve entre ces deux théories extrêmes, et consiste à associer les - deux pouvoirs pour le plus grand bien des malheureux. « L'action locale et l'action centrale ont chacune leur sphère; loin de se combattre, elles ont besoin de se concerter, et dans leur concert est la perfection du système 1. »

Tout d'abord il est incontestable que, en principe, l'assistance est une charge de la commune. La famille, en effet, est la première unité qui doit prendre soin de celui de ses membres qui devient indigent ou malade; après elle, vient immédiatement la commune, qui n'est en quelque sorte que la famille agrandie, et doit, elle aussi, recueillir ceux de ses citoyens qui tombent dans la misère ou sont accablés par la maladie.

1. De Gérando, De la Bienfaisance publique, tome IV, liv. 11, ch. 2, art. 1, § 2.

C'est donc aux communes qu'il appartient de prendre l'initiative de la fondation d'asiles destinés à recevoir les malades et les infirmes.

Mais est-ce à dire que l'État n'a aucune mission à remplir et qu'il peut se désintéresser de l'administration des secours publics? Loin de là. L'État, comme on l'a dit, est la famille de ceux qui n'en ont pas. Il est le tuteur des pauvres ; il a donc le droit d'exercer une surveillance générale, et il peut même, dans certains cas, créer des établissements de bienfaisance administrés et dirigés par lui.

Nous allons le voir tout-à-l'heure; mais disons d'abord qu'après les communes et au-dessus d'elles, les départements, unité plus récente et plus factice, sont chargés d'une partie spéciale du service de l'assistance qu'ils semblent plus aptes à remplir.

L'assistance, en effet, est un service public, et comme tous les services publics elle est soumise à la surveillance et à la haute tutelle de l'État. Le gouvernement a le devoir de maintenir le lien hiérarchique des diverses unités administratives et de veiller à ce que les malheureux reçoivent partout la plus grande somme de secours possible.

Aussi a-t-il été souvent proposé de créer auprès du ministre de l'intérieur, dont dépend le service des secours, un conseil supérieur de la bienfaisance publique ; quoique ce projet n'ait pas été réalisé, le ministre n'en reste pas moins chargé d'un contrôle supérieur qu'il exerce au moyen des inspecteurs généraux des établissements de bienfaisance. Ces inspecteurs, au nombre de sept, ont été définitivement institués par le décret du 15 janvier 1832; ils reçoivent des missions de tout

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