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MODÈLES.

Lettre de Mademoiselle d'Haut

à sa Mère.

Saint-Cyr, 1718.

Je viens, ma chère maman, de faire, avec mes compagnes, la visite du jour de l'an à la respectable fondatrice de cette maison. L'étiquette et la reconnaissance nous ont conduites auprès d'elle. Un sentiment plus doux, plus tendre, plus fort, et bien durable, car il ne finira qu'avec ma vie, me ramène à vous, chère et bonne maman: je vous souhaite la santé, je vous souhaite des jours heureux, je vous souhaite tout ce que vous pouvez désirer, je vous souhaite, enfin, autant d'années qu'il se débite en ce jour de dragées et de mensonges.

C'est à la simple et franche vérité que je rends hommage quand je vous assure que je vous aime, que je vous adore, qu'il n'est pour moi point de bonheur sans le vôtre, que je ne supporte votre absence et les ennuis de la retraite, qu'à fin de me rendre plus digne de vous, et de vous faire trouver un jour votre meilleure amie dans la plus respectueuse, la plus reconnaissante, et la plus tendre des filles.

Lettre du jeune Chateau* ••, à son Père.

C'est à mon père, à mon meilleur ami, que j'adresse mes souhaits pour la nouvelle année. L'usage ne les dicte point à ma plume; elle obéit à mon cœur; elle ne fait qu'exprimer au jour de l'an, ce que tous les jours je demande à l'être suprême. Oui, père bien respecté, et encore plus chéri, vous êtes au matin l'objet de ma première pensée, et sur vous, le soir, se réunissent toutes mes affections. Puisse le ciel rendre vos années aussi nombreuses que l'ont été les soins infinis que vous avez pris de mon enfance! Jouissez de la santé la plus parfaite et la plus constante; que votre bonheur, surtout, soit inaltérable et durable comme le seront envers vous les sentimens de respect et d'attachement avec lesquels, &c.

Lettre de Mademoiselle R. de Ch**, pensionnaire à P

sa Tante.

On veut, ma chère tante, que je vous fasse un compliment de bonne année. Je ne le voulais pas; on m'a tant dit que les faiseurs de complimens étaient des menteurs! j'obéis pourtant, mais pour vous redire sans cérémonie, sans complimens, sans fadeur, que je vous aime, que je vous aimerai; que, si j'avais la baguette de ces fées dont m'a parlé ma bonne, tous vos vœux seraient bientôt remplis, et que vous vivriez,

Madame de Maintenon.

ma chère tante, long-temps, pour continuer à faire le bonheur de tout le monde, et surtout de votre petite amie. Henriette.

Lettre de Voltaire au Roi Stanislas.

Je souhaite à votre majesté que votre vie, utile au monde, s'étende au-delà des bornes ordinaires. Aureng-Zeb et Muley Ismaël ont vécu l'un et l'autre au-delà de cent-cinq ans: si Dieu accorde de si longs jours à des princes infidèles, que ne fera-t-il point pour Stanislas le bienfaisant!

Lettre de M. d'Alembert au Roi de Prusse.

SIRE,-Pénétré, comme je le suis des sentimens aussi tendres que respectueux que V. M me connaît depuis long-temps pour sa per. sonne, je la prie de me permettre de commencer la lettre que j'ai l'honneur de lui écrire, a veu-près comme Demosthène commence sa harangue pour la couronne. Je prie d'abord tous les Dieux et toutes les déesses de conserver dans l'année où nous entrons, comme ils ont fait dans les précédentes, un prince si précieux aux lettres, à la philosophie, et à moi chétif personnage en particulier. Je prie encore ces mêmes dieux, s'il est vrai que le cœur des rois soit entre leurs mains, de vouloir bien conserver ce grand et digne prince dans les sentimens de bouté dont il m'a honoré jusqu'ici, et dont je me flatte de n'être pas tout-à-fait indigne, par la vivacité, de ma reconnaissance, de mon dévouement et de mon admiration pour lui.

Lettre de Marne de Sévigné au Comte de Bussy.

Bon jour, bon an, mon cher comte : que cette année vous soit plus heureuse que celles qui sont passées; que la paix, le repos, et la santé vous tiennent lieu de toutes les fortunes que vous n'avez pas, et que vous méritez; enfin que vos jours désormais soient filés d'or et de soie, &c.

Lettre de la même au même.

Je commence par vous souhaiter une heureuse année, mon cher cousin: c'est comme si je vous souhaitais la continuation de votre philosophie Chrétienne: car c'est ce qui fait le véritable bonheur. Je ne comprends pas qu'on puisse avoir un moment de repos en ce monde, si l'on ne regarde Dieu et sa volonté, où par nécessité il faut se scu

* Le premier régna dans le Mogol, et le second à Maroc.

mettre: avec cet appui, dont on ne saurait se passer, on trouve de la force et du courage pour soutenir les plus grands malheurs. Je vous souhaite donc, mon cousin, la continuation de cette grâce: c'en est une, ne vous y trompez pas; ce n'est point dans nous que nous trou

vons ces ressources.

Lettre du Chevalier de Saint-Véron, à Madame la Marquise de***.

Des complimens, des étrennes, des vœux, c'est, madame, toute la monnaie du jour: mais comment, avec cela, puis-je m'acquitter à votre égard? Des complimens, vous en méritez sans doute plus que personne: il n'y a qu'un petit malheur, c'est que votre modestie vous les fait toujours refuser; je pourrais ajouter aussi que je n'ai pas le talent de les bien faire. Pour des étrennes, ce n'est pas sans doute à moi d'en offrir à celle que la fortune a comblée de ses dons: il ne me reste que des vœux, et ceux que je fais pour vous, madame, sont les plus étendus; ils n'ont de terme que mon respect, l'un et l'autre sont infinis.

RÉPONSES A DES LETTRES DE BONNE ANNÉE.

Réponse de M. Fléchier à M.***.

Il y a long-temps, monsieur, que je jouis de la sincérité et de la constance de votre amitié. Sur cela les années finissent comme elles ont commencé, et commencent comme elles ont fini. Je suis pourtant bien aise qu'il y ait un jour où nos vœux se réunissent, et où votre cœur s'ouvre tout entier. J'en connais tous les sentimens, et j'aime à les entendre renouveller. Je vous souhaite, à mon tour, une santé parfaite, un doux repos, et des prospérités plutôt utiles qu' agréables, telles que je crois que vous les souhaitez vous-même.

Réponse de Madame de Simiane.

Je ne pourrais en quatre pages d'écriture répondre aux lignes que je reçois de vous, monsieur: je n'ai rien vu de si joli, de si galant. Comment faites-vous pour rendre si agréable un compliment si commun, si trivial, si répété? Expliquez-le moi, je vous en prie. Désespérée de ces lettres de bonne année, il me prend envie de souhaiter toutes sortes de guignons à ceux à qui j'écris, afin de varier un peu la phrase.

Je n'ai pas la force de commencer par vous: ainsi, monsieur, apprenez que je vous souhaite de bonnes années sans nombre, tous les

bonheurs que vous méritez, et que je suis avec un attachement trèsparfait, &c.

Réponse de Madame de Sévigné à sa Fille.

Si j'avais un cœur de cristal où vous puissiez voir la douleur triste et sensible dont j'ai été pénétrée, en voyant comme vous souhaitez que ma vie soit composée de plus d'années que la vôtre, vous connaîtriez bien clairement avec quelle vérité je souhaite aussi que la Providence ne dérange point l'ordre de la nature qui m'a fait venir en ce monde beaucoup avant vous pour être votre mère. La raison et la règle veulent que je parte la première et Dieu sait avec queke instance je lui demande que cet ordre s'observe en moi! Il est impossible que la justice de ce sentiment ne vous touche pas autant que j'en suis touchée. De là, ma fille, vous n'aurez point de peine à vous représenter quelle sorte d'intérêt je prends à votre santé.

DES BILLETS.

Ils supposent une sorte de familiarité entre ceux qui se les envoient. On en écrit aussi à ses inférieurs; on n'en reçoit point d'eux. Ils diffèrent d'une lettre en ce qu'ils n'exigent aucun cérémonial, qu'ils sont plus courts, qu'ils ne portent qu'un simple nom pour adresse, que, jusqu'à la manière tortillée ou bizarre de les plier, ils bravent toute étiquette, qu'enfin ils ne s'emploient guère que pour faire une invitation, accompagner un petit présent, annoncer un événement de société, se donner même une simple marque de souvenir, et tenir lieu d'une visite.

Lorsqu'un mot agréable ou ingénieux se place naturellement dans un billet il y ajoute quelque prix.

"Les affaires et les ennuis continuent à me tourmenter. Je vous attends à dîner aujourd'hui; venez jeter quelques fleurs sur ma vie.” Voltaire invita l'auteur de l'Art d'Aimer à souper chez Madame du Châtelet par ce quatrain si connu.

Au nom du Pinde et de Cythère
Gentil Bernard est averti,

Que l'art d'aimer doit samedi

Venir souper chez l'art de plaire.

On écrit communément les billets en se servant de la troisième personne, et sous ce rapport, ils demandent beaucoup d'attention pour ne pas être amphibologiques. Par exemple: M. A*** prie Mr. B*** de vouloir bien dîner chez LUI. Chez qui? Il y a évidemment ici une équivoque au moins grammaticale.

Madame D*** prévient Madame G *** qu'ELLE a aujourd'hui 8.4 loge à l'Opéra. A laquelle des deux se rapportent ces pronoms elle et sa.

Il est facile d'imaginer d'autres manières de tourner saus amphibo logie ces billets qu'on nomme du matin. Par exemple: Madume de M** • aura samedi au soir, un ou deux violons et quelques danseurs; elle s'estimerait heureuse si Madame et Mesdemoiselles de L., venaient embellir sa petite fête ainsi qu'elle a l'honneur de les en prier.

Madame Ma aujourd'hui sa loge aux Français.

plaisir du spectacle sera doublé pour elle si elle peut avoir l'avant tage d'en jouir avec Madame le P*** à qui elle offre une ou même deux places.

M. de serait bien aimable s'il pouvait aujourd'hui venir diner chez M. L. qui l'en prie avec instance et lui dit mille choses honnêtes.

Madame S*** envoie savoir des nouvelles de la migraine de Mademoiselle P***, à qui elle fait les plus tendres complimens. Elle espère que cette indisposition n'aura pas de suites, et que la déesse de la santé ne voudra pas se brouiller avec les grâces.

Les billets suivans et leurs réponses relatives aux circonstances les plus ordinaires de la société, peuvent servir de modèles en ce genre.

Lundi, à une heure.

Mr. de Cimar présente ses plus sincères complimens à Mlle. de Bourdic, et lui demande la permission de l'accompagner à l'assemblée demain soir.

Réponse.

Lundi, trois heures.

Mlle. de B. fait mille remercîmens à Mr. de C. pour son offre obligeante, qu'elle est très-fâchée de ne pouvoir accepter, étant elle. même déjà engagée.

Lundi, diz heures du matin.

Mme. Deshayes fait ses respectueux complimens à Mme. Maillard, et l'engage à lui fare l'honneur de venir ce soir prendre le thé.

Réponse.

Onze heures du matin.

Mme. M. fait ses complimens à Mine. D.; elle se fait un plaisir d'accepter son mable invitation.

Nom du principal théâtre de Paris

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