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J'ai l'honneur d'être, monsieur, avec des sentimens remplis de respect et de considération.

Agréez, je vous prie, les assurances de la haute considération avec laquelle j'ai l'honneur d'étre, monsieur, &c.

Les expressions ci-dessus sont suivies de la formule d'usage:

Votre très-humble et très-obéissant, ou très-dévoué, ou trèsaffectionné serviteur, &c. pour un homme.

Votre très-humble et très-obéissante, ou très-dévouée, ou trèsaffectionnée servante, &c. pour une femme.-La signature se place immédiatement au-dessous.

Il est bon d'observer que le choix parmi ces locutions et beaucoup d'autres, que nous aurious pu également douner dépend, en général, de la nature des liaisons et des rapports, entre les personnes qui s'écrivent.

On veut qu'il soit impoli dans une lettre que le respect a dictée, de faire des complimens à un tiers; il faut au moins que cette espèce de liberté soit préparée par un mot d'excuse. Auriez-vous assez de bonté, monsieur, pour me rappeler au souvenir de, &c.; oserais-je vous prier, madame, de, &c.

La manière la plus simple de plier une lettre est la meilleure ; c'est une marque de respect que de la mettre sous enveloppe. Quand on envoie quelques papiers dans une lettre pour être remis à un tiers, on doit prévenir par une formule telle que celles-ci: souffrez que Monsieur N. trouve sous ce pli ma réponse au billet, que vous m'avez envoyé de sa part. Permettez que je mette sous votre couvert, &c.

Vous trouverez ci-joint, &c. Je dois avertir que ce mot ci-joint est adverbe s'il précède, et adjectif s'il suit; exemple: vous trouverez ci-joint les mémoires, les pièces, &c.; ou bien les pièces cijointes vous prouveront, &c.

Nous croyons n'avoir oublié aucun détail nécessaire. L'usage et les liaisons ou les rapports, avec les personnes en place et en dignité apprendront d'ailleurs ce qui a pu être omis.

DES LETTRES D'AFFAIRES.

INSTRUCTION.

Le premier, et peut-être le seul mérite de ce genre de lettres, est de dire clairement ce qu'il faut, et de ne rien dire de plus. Toute affectation à l'esprit doit en être bannie. La plaisanterie y serait déplacée: comment celui à qui vous écrivez, s'occupera-t-il sérieusement de vos affaires, si vous ne les traitez vous-même qu'en badinant? Le seul parti qu'il puisse prendre est de vous imiter, et de n'y pas mettre plus d'importance que vous.

Voltaire savait sans contredit, être plaisant dans une lettre; sa

correspondance en offre partout des preuves; mais il se garde dien de plaisanter avec l'Abbé Moussinot, chargé de ses affaires à Paris. Il ne prodigue pas non plus avec lui cet esprit dont il était si libéral avec tant d'autres: il sentait bien que l'esprit, dans ce cas-là, n'esɩ propre qu'à détourner l'attention.

Madame de Maintenon en usait de même: point de verbiage, point de phrases; elle va droit au fait; son style sévère se presse, les pensées se serrent, et les mots s'arrêtent toujours où finissent les choses. Ses lettres sont aussi des modèles en ce genre.

C'est du jugement surtout qu'il demande pour ne dire que ce qui est absolument nécessaire. Là il faut toujours sacrifier l'agrément à la précision, ne s'étendre qu'autant que la clarté l'exige, et rejeter avec .e plus grand soin ces tournures étranges, ces expressions barbares, ces tours incorrects qu'ont adoptés la plupart des négocians Frangais.

Un comptoir, je le sais, n'est pas l'académie Française; mais puisqu'on y écrit en langue Française, encore faut-il que cette langue 'y soit pas estropiée sous la plume des commis.

MODÈLES.

Lettre de Voltaire à M. l'Abbé Moussinot.

M. de Brézé est-il bieu solide? qu'en pensez-vous, mon prudent ami? cet article d'intérèt nettement examiné, prenez 20,000 livres chez M. Michel, et donnez-les à M. de Brézé en rentes viagères, au dix pour cent. Cet emploi sera d'autant plus agréable, qu'on sera payé aisément, et régulièrement sur ses maisons à Paris. Arrangez cette affaire pour le mieux; et une fois arrangée, si la terre de Spoy peut se donner pour 50,000 livres, nous les trouverons vers le mois d'Avril. Nous vendrons des actions, nous emprunterons au denier vingt, &c.

Lettre du même au même.

Trente cinp mille livres pour les tapisseries de la Henriade! C'est beaucouq, moncher trésorier. Il faudrait, avant tout, savoir ce que la tapisserie de Don Quichotte a été vendue; il faudrait surtout, avant de commencer, que M. de Richelieu me payât mes 50,000 francs. Suspendons donc tout projet de tapisserie, et que M. Oudri ne fasse rien sans un plus amplement informé.

Faites-moi, mon cher abbé, l'emplette d'une petite table qui puisse servir à la fois d'écran et d'écritoire, et envoyez-la de ma part chez Madame de Vinterfield, rue Platrière.

Encore un autre plaisir: il y a un chevalier de Mouhy, qui demeure à l'hôtel Dauphin, rue des Orties. Ce chevalier veut m'em prunter cent pistoles, et je veux bien les lui prêter. Soit qu'il vienne

VOL II.

chez vous, soit que vous alliez chez lui, je vous prie de lui dire que mon plaisir est d'obliger les gens de lettres quand je le puis; mais que je suis actuellement très-mal dans mes affaires; que cependant vous ferez vos efforts pour trouver cet argent, et que vous espérez que le remboursement en sera délégué de façon qu'il n'y ait rien à risquer. Après quoi vous aurez la bonté de me dire ce que c'est que ce chevalier, et le résultat de ces préliminaires.

Dix-huit francs au petit d'Arnaud: dites-lui que je suis malade, et que je ne puis écrire. Pardon de toutes ces guenilles; je suis un bavard bien importun; mais je vous aime de tout mon cœur.

Lettre du même au même.

Je vous prie, mon cher abbé, de faire chercher une montre à secondes chez Leroi, ou chez Lebou, ou chez Tiout, enfin la meileure montre, soit d'or ou d'argent, il n'importe, le prix n'importe pas davantage. Si vous pouvez charger de cette montre à répétition, l'honnête Savoyard que vous nous avez dejà envoyé ici à cinquante sous par jour, et que nous récompenserons encore outre le prix convenu, vous l'expédierez tout de suite, et vous ferez là une affaire dont je serai satisfait.

D'Hombre, que vous connaissez, a fait banqueroute; il me devait 15,000 francs: il vient de faire un contrat avec ses créanciers, que je n'ai point signé. Parlez, je vous prie, à un procureur, et qu'on m'exploite ce drôle dont je suis très-mécontent.

J'ai lu l'épître de d'Arnaud : je ne crois pas que cela soit imprimé, ni doive l'être. Dites-lui que ma santé ne me permet pas d'écrire à personne, mais que je l'aime beaucoup. Retenez-le quelquefois à dîner chez M. Dubreuil; je paierai les poulardes très-volontiers. Eprouvez son esprit et sa probité, afin que je puisse le placer. Je vous le répète, mon cher ami, vous avez carte blanche sur tout, et je n'ai jamais que des remercîmens à vous faire.

DES LETTRES DE DEMANDE.

INSTRUCTION.

Une demande par écrit ne se fait que de deux manières; par un placet ou par une lettre. Le premier ne s'adresse qu'à des gens en place, et il est soumis à des formes qui n'ont rien de commun avec le style épistolaire. La seconde n'a de règles que celles qui son* dictées par la circonstance: que demande-t-on et à qui?

Si la personne est fort au-dessus de nous, il faut un ton plus respectueux que si l'on en était à une moindre distance. Si la chose est aisée à obtenir, il ne faut pas mettre autant d'instance que dans le cas où il y aurait des obstacles à vaincre. Si le service, enfin, dépend de celui à qui l'on s'adresse, il y a pent-être quelques ménagemeus de

moins à garder que si le service exigeait de sa part l'entremise d'un

tiers

Homère, en peignant les prières humbles, boiteuses, et marchant les yeux baissés, nous indique assez qu'un air présomptueux et vain n'est pas propre à concilier la bienveillance de celui dont on sollicite la faveur.

Ces sortes de lettres souffrent un peu de prolixité, soit pour exposer l'espèce d'embarras où l'on se trouve, soit pour détailler la nature du service que l'on attend.

Elles veulent, surtout, beaucoup d'adresse, afin de rendre favorable à nos désirs l'homme qui peut les satisfaire. Parlez à son cœur, intéressez son amour-propre, faites valoir vos rapports avec lui, développez l'importance que vous attachez à la grâce demandée, peignez, surtout, la durée et la vivacité de la reconnaissance que vous en conserverez, &c.

La familiarité siérait mal dans une lettre de ce genre, la gaiété encore moins: on ne croit guère au besoin de celui qui demande en riant.

Il n'est permis qu'à l'amitié de plaisanter, de commander même quand elle sollicite.

MODÈLES.

Lettre de Voltaire à M. de s'Gravcsende.

Vous vous souvenez, monsieur, de l'absurde calomnie que l'on fit ourir dans le monde pendant mon séjour en Hollande; vous savez si nos prétendues disputes sur le spinosisme, et sur des matières de religion, ont le moindre fondement: vous avez été si indigné de ce mensonge que vous avez daigné le réfuter publiquement; mais la calomnie a pénétré jusqu'à la cour de France, et la réfutation n'y est pas parvenue. Le mal a des ailes, et le bien va à pas de tortue. Vous ne sauriez croire avec quelle noirceur on a écrit et parlé au cardinal de Fleuri. Tout mon bien est en France, et je suis dans la nécessité de détruire une imposture que, dans votre pays, je me contenterais de mépriser à votre exemple.

Souffrez donc, mon aimable et respectable philosophe, que je vous supplie très-instamment de m'aider à faire connaître la vérité. Je n'ai point encore écrit au cardinal pour me justifier. C'est une posture humiliante que celle d'un homme qui fait son apologie: mais c'est un beau rôle que celui de prendre en main la défense d'un homme innocent. Le rôle est digne de vous, et je vous le propose comme à un homme qui a un cœur digne de son esprit. Ecrivez au cardinal; deux mots et votre nom feront beaucoup, je vous en réponds. It en croira un homme accoutumé à démontrer la vérité. Je vous remercie, et je me souviendrai toujours de celles que vous m'avez enseignées: je n'ai qu'un regret, c'est de n'en plus apprendre sous vous. Je vous

lis au moins ne pouvant vous plus vous entendre.

L'amour de la

En

vérité m'avait conduit à Leyde; l'amitié seule m'en a arraché. quelque lieu que je sois, je conserverai pour vous le plus tendre attachement, et la plus parfaite estime.

Lettre de M. de Baville à Madame de Maintenon, 1714.

MADAME,-Vous avez eu la bonté de me permettre de recourir à vous dans les affaires les plus importantes qui pouvaient me regarder. Dans cette confiance, je vous prie de m'accorder votre protection. Je demande au roi de donner à mon fils une place de conseiller d'état en remettant celle que je remplis. J'ai considéré qu'étant hors d'état de servir S. M. dans ses conseils, à cause de ma surdité, j'étais devenu inutile; et n'ayant qu'un fils, j'avoue que l'objet de mes vœux serait de lui voir cet établissement.

Daignez, madame, me donner en cette occasion des marques de vos anciennes bontés pour un vieillard sourd, goutteux, reconnaissant, et revenu de toute ambition, mais non des sentimens paternels.

Lettre de Marmontel à M. le duc de Choiseul, pour lui demander une audience particulière.

MONSEIGNEUR,--On me dit que vous prêtez l'oreille à la voix qui m'accuse et qui sollicite ma perte. Vous êtes puissant, mais vous êtes juste; je suis malheureux, mais je suis innocent. Je vous prie de m'entendre et de me juger.

Je suis avec un profond respect, &c.

DES RÉPONSES AUX LETTRES DE DEMANDE.

INSTRUCTION.

Je ne connais que trois manières de répondre à une lettre de demande, accorder, refuser, ou promettre. La première est, sans contredit, la plus agréable: il est si doux d'obliger! et celui qui rend le service jouit peut-être encore plus que celui qui le reçoit. Mais, en ce cas, joignez la promptitude à la manière gracieuse; c'est double: le bienfait que de ne le pas différer; l'homme qui l'attend est dans une sorte d'impatience dont on ne peut trop tôt le délivrer; et l'on s'assure un droit de plus à sa reconnaissance, en accélérant le moment qui doit satisfaire son désir.

Au reste il faut peu d'art pour donner: c'est le refus qui en exige; parce qu'alors on n'est plus soutenu par son cœur et que l'on a même souvent à le combattre en raison de ce que le refus tient à des objets ou s'adresse à des personnes qu'il est pénible de refuser. On s'étend alors plus ou moins sur le chapitre des regrets, sans donner pourtant

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