Je vais avec Brutus, en ces murs désolés, Et de la liberté réparer les ruines. Vous, Romains, seulement consentez d'être heureux; Romains. S'il vous ose accuser, que lui-même il périsse. SCÈNE VIII. ANTOINE, Romains, DOLABELLA. Un Romain. Mais Antoine paraît. Qu'osera-t-il nous dire? Un Romain. Ses yeux versent des pleurs; il se trouble, il soupire. Un Autre. Il aimait trop César. Ant. (Antoine monte à la tribune aux harangues.) Oui, j'aurais de mes jours prolongé ses destins; Un Romain. Il les fallait verser quand Rome avait un maître. César fut un héros; mais César fut un traitre. Autre Romain. Puisqu'il était tyran, il n'eut point de vertus. Un troisième. Oui, nous approuvons tous Cassius et Brutus. Ant. Contre ses meurtriers je n'ai rien à vous dire; C'est à servir l'état que leur grand cœur aspire. De votre dictateur ils ont percé le flanc; Comblés de ses bienfaits, ils sont teints de son sang. Du monde qu'il soumit vous triomphez en paix, Vous le savez, grands dieux! vous, dont il fut l'image; Romains. Il est vrai que César fit aimer sa clémence. Sur tous ses meurtriers il versa ses bienfaits Brutus-où suis-je ? ô ciel! ô crime! ô barbarie! Ant. Ant. Rome est son héritière: Ses trésors sont vos biens: vous en allez jouir: Au-delà du tombeau César veut vous servir : C'est vous seuls qu'il aimait; c'est pour vous qu'en Asie Il allait prodiguer sa fortune et sa vie : O Romains, disait-il, peuple-roi que je sers, Commandez à César, César à l'univers. Brutus ou Cassius eût-il fait davantage ? Romains. Ah! nous les détestons. Ce doute nous outrage. On l'apporte à vos yeux. (Le fond du théâtre s'ouvre; des licteurs apportent le corps de César couvert d'une robe sanglante. Antoine descend de la tribune, et se jette à genoux auprès du corps.) Romains. O spectacle funeste! Ant. Du plus grand des Romains voilà ce qui vous reste ; Voilà ce dieu vengeur idolâtré par vous, Que ses assassins même adoraient à genoux, Qui, toujours votre appui dans la paix, dans la guerre, Une heure auparavant fesait trembler la terre, Qui devait enchaîner Babylone à son char, Vous les voyez, Romains, vous touchez ces blessures, Un Romain. O monstre que les dieux Devaient exterminer avant ce coup affreux! Autres Romains. (en regardant le corps dont ils sont proche.) Dieux! son sang coule encore. Ant. Au dieu de la patrie immoler ces victimes. Romains. Oui, nous les punirons? oui, nous suivrons vos pas. Nous jurons par son sang de venger son trépas. Courons. Ant. (à Dolabella.) Ne laissons pas leur fureur inutile, Précipitons ce peuple inconstant et facile; Entraînons-le à la guerre; et, sans rien ménager, Succédons à César, en courant le venger. 206 LE RECUEIL EPISTOLAIRE; ου, Instructions Générales et Particulières sur les divers Genres de Correspondance; suivies d'Exemples puisés dans les Meilleurs Ecrivains Français. Ecris-moi, je le veux. Ce commerce enchanteur, COLARDEAU, Du Style Epistolaire. PEU de personnes dans le cours de leur vie éprouvent le besoin de faire un discours, une dissertation, une pièce de vers; il n'en est point qui ne sentent fréquemment la nécessité d'écrire une lettre. Ainsi, les règles du style épistolaire doivent faire partie même de l'éducation la plus ordinaire. Les lettres ont pour objet de communiquer ses pensées et ses sentimens à des personnes absentes; elles sont dictées par l'amitié, la confiance, la politesse, ou l'intérêt. C'est une conversation par écrit: aussi le ton des lettres ne doit différer de celui de la conversation ordinaire, que par un peu plus de choix dans les objets, de correction dans le style et une plus grande précision. Le naturel et l'aisance forment donc le caractère essentiel du style épistolaire; la prétention à l'esprit et l'afféterie y sont insupportables. La philosophie, la politique, les arts, les anecdotes, les bonsmots, tout peut entrer dans les lettres; mais avec l'air d'abandon, d'aisance et de premier mouvement qui distingue la conversation des gens d'esprit. Il ne sera question dans ce recueil que de lettres familières sur les sujets qui intéressent la société. De l'idée que nous venons de donner du style épistolaire naissent toutes les règles qui doivent le caractériser. Elles sont en petit nombre on pourrait même les réduire à une seule, et la voici: puisqu'une lettre et sa réponse ne sont qu'une conversation entre absens, écrivez, comme vous leur parleriez s'ils étaient là, c'est-à-dire avec ce naturel, cette facilité, cet agrément même que demande un entretien familier. Quelle doit être une conversation? claire et simple, ce sont-là aussi les deux qualités du style épistolaire. Les lettres dont nous avons enrichi ce recueil ont été puisées dans les meilleures sources, puisque c'est Madame de Sévigné, Voltaire, le Cardinal de Bernis, &c. qui vont nous fournir la leçon et l'exemple du bon style. Du Cérémonial des Lettres. Madame, monsieur, mademoiselle, se placent au-dessus de la pre-. mière ligne d'une lettre lorsqu'on écrit à quelqu'un que l'on veut traiter avec beaucoup d'égards ou de politesse. La distance se mesure ordinairement sur le degré de respect qu'on lui porte. Dans les lettres plus familières ces qualifications viennent dans la ligne après les premiers mots: J'ai reçu, monsieur; je suis bien reconnaissant, madame; permettez, mademoiselle, &c. Lorsque la personne est décorée d'un titre, d'une dignité, ou rem. plit une charge honorable, &c. il est d'usage de les répéter une ou plusieurs fois suivant l'étendue de la lettre, monseigneur (en parlant à un évêque, à un ministre, &c.) monsieur le maréchal, madame la duchesse, monsieur le président, &c. Dans les lettres d'affaires, d'égal à égal, entre amis, la date se place au haut de la page. La placer au bas est une marque de défé. rence ou de respect. Les lettres se terminent ordinairement par l'expression d'un sentiment de respect, de reconnaissance, d'attachement dont voici quelques exemples: Recevez, madame, avec bonté l'assurance de mon respectueux attachement. Agréez, madame, l'hommage de mon respect. Les sentimens que vous m'avez inspirés, monsieur, sont aussi sincères que durables. Comptez à jamais, monsieur, sur la reconnaissance et l'attachement de, &c. Mon tendre et respectueux attachement ne finira qu'avec ma vie. Adieu, je vous embrasse comme je vous aime, et c'est de tout mon rœur. Agréex, monsieur, l'hommage des sentimens distingués que je vous ai voués et que vous méritez si bien, &c. J'ai l'honneur d'être, monsieur, avec un respect infini. Agréez, je vous prie, mademoiselle, mes sentimens les plus res vectueux. |