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cela. Par occasion, je donnerai des conjectures, explications ou corrections de certains passages qui n'ont été entendus ni de M. Schweighauser, ni même de Casaubon, tout Casaubon qu'il est. Pour parler plus exactement, je ne prétends pas pouvoir expliquer ce que Casaubon n'a point entendu; mais j'ai pu avoir des idées qui ne lui sont pas venues dans un travail aussi vaste et aussi admirable que le sien; il y a de ces idées dont je suis tenté d'être content; mais il faut voir le jugement que vous en porterez.

Je vous adresserai le cahier, si vous voulez vous charger de le remettre à M. Millin: au reste, je ne sais trop comment cela se pratique, et si on lui adresse ces choses-là directement. Vous me feriez grand plaisir, Monsieur, de vous en informer et de me marquer ce que vous en savez. Par exemple, vous pourriez demander à M. Millin à quelle époque il faut que je lui envoie mon travail, et les bornes que j'y dois mettre. Mes notes sont fort concises et ne peuvent être autrement, étant faites sans livre, su due piedi, comme disent les Italiens; mais je ne laisse pas d'en avoir un bon nombre, sur les trois premiers livres seuls, qui sont ceux dont je parlerai.

Je me promets de jolies choses de votre inscription d'Oropus: j'ai grande foi à votre oracle pour ce genre de divination. A quoi tient-il que vous ne m'en envoyiez une copie? je la montre

rais aux adeptes, s'il y en a en ce pays-ci, et elle pourrait aller plus loin, ou demeurer entre mes mains, selon que vous le jugeriez convenable.

Je suis tenté en vérité de vous féliciter de n'avoir point obtenu cette place que vous demandiez, et d'avoir malgré vous tout le temps de vous livrer à des études qui vous font honneur et plaisir. Croyez-moi, Monsieur, tout le monde peut être juge, administrateur, ou pis que cela; mais peu de gens peuvent, comme vous, être chargés de dévoiler et de rétablir dans leur pureté primitive ces beaux modèles de l'antiquité. Voilà l'emploi qui vous convient, et, encore un coup, je me réjouis, pour vous et pour nous, que l'autre, quel qu'il pût être, vous ait échappé. Si pourtant vous en êtes fâché, il faudra bien que je le sois aussi.

Je n'espère pas pouvoir me rendre à Paris avant vendémiaire prochain, à moins de certains évènemens possibles, mais peu probables, qui me feraient changer de garnison. Mais si je vis dans quatre mois, je serai certainement à Paris, où le grand plaisir que je me promets, c'est de causer avec vous, Monsieur, et de rendre mes devoirs à madame Clavier. Si je pouvais croire qu'elle pensât quelquefois à moi, je serais bien heureux; car il est doux de l'occuper, même de cent lieues. Je me prosterne aux pieds de madame de Vinche : sûrement elle ne pense plus au voyage de Saint

Domingue; que ferait-elle de ses nègres qui ont perdu l'habitude d'obéir aux jolies femmes? Et pour avoir des esclaves, faut-il qu'elle aille si loin? J'ai grande envie que madame Pipelet se souvienne un moment de moi pour cela il faut, s'il vous plaît, que vous preniez la peine de l'assurer de mon respect. C'est par vous seul que je puis avoir de ses nouvelles; car notre ami Schweighæuser, quelque sommation que je lui fasse, ne m'en dit mot dans tout ce qu'il écrit.

[La paix dont on jouissait alors dans toute l'Europe, permit à Courier d'obtenir un congé de semestre, dont il profita pour se rendre à Paris; il y arriva le 10 septembre 1802.

On imprimait alors dans le Magasin encyclopédique (cahier de fructidor, an X) l'article dont il est fait mention dans la lettre qui précède, sur la nouvelle édition d'Athénée, donnée par Schweighæuser; il était suivi de 20 pages de notes sur le texte

grec.

Il ne put alors passer que peu de jours à Paris; il se rendit à la Véronique, où des affaires d'intérêt réclamaient sa présence.]

A M. LE GÉNÉRAL DUROC,

A PARIS.

De la Véronique, près Langeais, 6 octobre 1802.

Mon général, en apprenant de quelle façon vous avez bien voulu recommander ma demande au général ***, je voudrais bien être à Paris pour vous exprimer de vive voix toute ma reconnaissance. Mais puisque de maudites affaires, aussi fâcheuses qu'indispensables, me privent de ce plaisir, trouvez bon, mon général, que je vous témoigne ici combien je suis sensible à une marque d'intérêt si flatteuse et en même temps si honorable pour moi. La moitié seulement de cette bonté m'aurait attaché à vous pour la vie. Mais c'était une affaire faite, et chez moi l'inclination, permettez-moi de vous le dire, avait précédé le devoir et la reconnaissance.

[Dans la solitude de la Véronique, Courier s'occupait de diverses compositions qu'il nous a laissées : l'une d'elles est le récit du voyage entrepris par Ménélas, pour aller à Troie redemander Hélène; cet ouvrage n'a point été terminé.

Il retoucha à la même époque l'Éloge d'Hélène qu'il avait ébauché en 1798; il y ajouta une dédicace pour madame Pipelet, depuis princesse de Salm-Dik, et l'apporta à Paris au commencement de 1803, pour le faire imprimer, ce qui eut lieu à la fin de mars.]

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A M. SCHWEIGHAUSER,

A PARIS.

Paris, 12 mars 1803.

Je vous envoie, mon cher ami, un livre que m'a prêté M. Boissonnade. Je ne puis retrouver son adresse pour le lui reporter moi-même, comme c'était mon dessein. Faites-lui, je vous prie, mes excuses et mes remercîmens. J'ai la plus grande envie de causer avec vous avant mon départ, mais je ne puis vous donner de rendezvous précis, à cause des affaires qui m'occupent dans le peu de temps que j'ai encore à rester ici.

Je ne connais point Coupé, mais je ne crois pas que son ouvrage puisse avoir rien de commun avec le mien'. Si l'épisode de Thésée est sans intérêt aujourd'hui, j'ai manqué mon but. En cet endroit comme dans tout le reste, je n'ai presque rien pris d'Isocrate. Vous ne vous êtes pas aperçu que je voulais donner un ouvrage nou

'L'Eloge d'Hélène.

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