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« Mais dans les graces qu'elle obtint de la tendresse de Jupiter, sa propre famille ne fut pas oubliée. Sans elle, ses deux frères, Castor et Pollux, qui avaient déjà terminé leur vie, n'eussent jamais joui des honneurs divins; sans elle, leur eût servi d'avoir aidé de leur valeur Hercule et Jason; avec les titres de héros et d'enfants de Jupiter, ils périssaient, eux et leur nom, si elle ne les eût arrachés à la mort, et placés entre les astres, d'où ils apaisent les tempêtes, et sauvent du naufrage ceux dont la piété a su se les rendre propices. Pour elle, à qui sa patrie ne cessa jamais d'être chère, elle protège Lacédémone, où son culte est établi, et les mêmes lieux qui la virent si belle, désirée de tant de héros, la voient encore adorée de toute la Grèce. C'est là qu'elle reçoit les vœux des mortels, et signale son pouvoir sur ceux qui ont mérité ses bienfaits ou sa colère. L'épouse d'Ariston, roi de Sparte, n'était pas née pour devenir la plus belle personne de la Grèce. Même à Lacédémone, où nulle femme n'est sans beauté, on se souvenait de l'avoir vue si disgraciée de la nature, que ses parents la cachaient et ne se pouvaient consoler; car ils n'avaient point d'autre enfant. Chaque jour ils la menaient au temple d'Hélène, dont ils invoquaient la pitié pour elle. Dès qu'elle put parler, elle sut avec eux implorer la déesse. Qu'arriva-til? La piété de ces bons parents eut sa récom

vers,

pense. Leur fille changeait de jour en jour, et bientôt cette enfant qu'on rougissait de montrer fit la gloire de sa famille. Ce poète qui, dans ses osa offenser Hélène, n'eut pas lieu de s'en réjouir; en punition de son blasphème, elle le rendit aveugle. Qui médit de la beauté n'est pas digne de voir; mais employer à l'outrager un art consacré à sa louange! un pareil abus de la faveur des Muses aurait mérité que les dieux lui ôtassent la voix avec la lumière. Hélène toutefois lui pardonna. Lorsqu'il reconnut sa faute, et répara par d'autres chants l'impiété des premiers, elle lui rendit la vue; car ayant été femme sensible, elle ne pouvait être déesse inexorable.

Mais ces exemples nous apprennent qu'elle peut également récompenser et punir. Comme fille de Jupiter, ayant fait l'ornement de son siècle et la gloire de son pays, elle a mérité ses autels; comme déesse, il faut la craindre et l'honorer, les riches par des hécatombes, et les sages par des hymnes; car c'est l'offrande que les dieux aiment de ceux qui les savent composer. J'ai tâché de rassembler ici quelques traits de son éloge; mais ce que j'en ai dit est loin d'égaler ce que je laisse à dire à d'autres. Car, sans parler de tant de connaissances utiles ou agréables, dont nous serions encore privés, sans la guerre entreprise pour elle, on peut dire que nous lui devons de n'être pas aujourd'hui assujétis aux Barbares. Ce fut par

elle, en effet, que la Grèce apprit à unir toutes ses forces contre eux, et l'Europe lui doit le premier triomphe qu'elle ait obtenu sur l'Asie, triomphe qui fut l'époque d'un changement total dans le sort de la Grèce. Car nous étions depuis long-temps accoutumés à voir nos villes commandées par ceux d'entre les Barbares que la fortune réduisait à fuir leur propre pays. C'est ainsi que Danaüs était sorti de l'Egypte pour venir gouverner Argos; que Cadmus, né à Sidon, avait régné sur les Thébains; que les Cariens bannis s'étaient emparés des îles, et la postérité de Tantale, de tout le Péloponèse. Mais après avoir détruit Troie, la Grèce reprit bientôt une telle supériorité, qu'elle soumit, à son tour, jusque dans le cœur de l'Asie, des villes et des provinces.

Ceux donc qui voudront entreprendre d'ajouter à l'éloge d'Hélène de nouveaux ornements, trouveront assez dans de semblables considérations de quoi composer à sa louange des discours fleuris. »

Ce petit discours d'Isocrate renferme beaucoup de traits qui ne peuvent être sentis, à moins qu'on n'ait quelque connaissance de la mythologie grecque et de ce genre d'éloquence fort goûté chez les anciens. On l'a traduit pour une personne parfaitement instruite de toutes ces choses, et pour qui les éclaircissemens que d'autres pourraient désirer, eussent été fastidieux. C'est ce qui a empêché d'y joindre aucune note.

FIN DU TROISIÈME VOLUME,

TABLE DES MATIÈRES.

LETTRES ÉCRITES DE FRANCE ET D'ITALIE, de 1787 à 1812.

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