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A M. COURIER,

CHEF D'ESCADRON D'ARTILLERIE, A NAPLES.

MON COMMANDANT,

Hanovre, le 8 novembre 1806.

Vous m'excuserez si je prends la liberté de vous écrire; c'est pour vous demander un cerficat concernant mes actions devant mon ennemi, si vous vous rappelez le 17 août que nous avons été attaqués par les brigands. Le général Reynier a demandé après les pièces de canon, les mulets ne pouvant pas passer, j'en ai pris une sur mon épaule et je l'ai portée à l'emplacement où elle devait être mise en batterie. Le général Reynier a demandé mon nom; mais comme tout le monde était occupé à voir la pleine déroute des brigands, dans le même moment le général a commandé de mettre les pièces sur les mulets et de descendre dans le village, où il y avait un drapeau blanc sur le clocher.

Mon commandant, si vous voulez bien vous rappeler le terrible passage de Corigliano lorsque nous y avons été pris par les brigands, que le sort de notre vie ne tenait plus à rien. Rappelez-vous

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aussi du passage de Corigliano à Tarente pour la première fois que nous avons été débarqués à Gallipoli. Rappelez-vous aussi qu'à Matera le parc d'artillerie m'a été confié sous ma main, en outre ma diligence faite pour les mulets et les caisses nécessaires pour le transport des munitions d'infanterie, le nombre en était de cent soixante mille cartouches qui ont été rendues en juste compte à Cassano à notre arrivée à la division du général Reynier.

Vous m'excuserez si je me permets de vous demander tout ceci, c'est que dans ce moment on a demandé les certificats de tous ceux qui sortent des différens corps d'artillerie.

Signé LEFAIVRE,

Canonnier dans la 5o compagnie de l'artillerie de la garde impériale.

[Courier quitta, dans les premiers jours de novembre, la division du général Reynier, et fut appelé à Naples, où il arriva le 14.]

AU MINISTRE DE LA GUERRE,

A PARIS.

Naples, le 1er janvier 1807.

Monseigneur, après une campagne pénible dans la Calabre, je me trouve à Naples sans rien faire, parce qu'il n'y a rien à faire. Cette oisiveté dont j'ai perdu l'habitude, jointe à la mollesse du climat, détruit ma santé. Je suis malade, Monseigneur, et ne puis me rétablir, à moins que Votre Excellence ne daigne me tirer d'ici. Les médecins, tout d'une voix, assurent qu'il faut pour me guérir un air moins tiède que celui-ci et une vie plus active; je vous supplie donc, si cela peut s'accorder avec le bien du service, de me faire passer à la grande armée.

[Courier ne passa que deux mois à Naples, après lesquels il fat envoyé à Foggia, dans la Pouille, pour veiller à une levée de chevaux et de mulets qui se faisait dans cette province pour le service de l'artillerie. Force lui fut de partir avant d'avoir pu remonter son équipage, et sans avoir obtenu la moindre indemnité des pertes qu'il avait éprouvées en Calabre. Il obtint 4,900 francs en août seulement.

Pendant ce court séjour dans la capitale il avait repris ses études littéraires et établi des rapports intimes avec plusieurs érudits. Ceux-ci lui procurèrent la connaissance du marquis Tacconi, qui mit à sa disposition une riche bibliothèque. ]

A M. LE GÉNÉRAL REYNIER.

Foggia, le 17 février 1807.

Mon général, avec le tableau de mes misères, que vous pouvez voir ci-joint, je vais depuis trois mois de porte en porte, implorant le secours d'un chacun; mais la charité est éteinte, on me dit: Dieu vous assiste, et on me tourne le dos.

Quelqu'un pourtant me fait espérer (car il y a encore de bonnes ames), si vous voulez bien certifier que par votre ordre j'ai pris la poste pour aller et revenir de Reggio à Tarente, voyage que je fis deux fois, comme vous savez; sur ce certificat on dit qu'on me paiera quelque chose. Il est très-vrai, mon général, que vous m'avez donné cet ordre; mais quand cela serait faux, comme il s'agit d'une aumône et de soulager un malheureux, ce seul motif sanctifie tout, et vous ne devriez faire aucun scrupule de mentir par charité. Pour donner aux pauvres, saint François volait sur les grands chemins.

Notez, je vous prie, mon général, que ce certificat sera d'accord avec un autre certificat de vous, qui atteste fort inutilement que j'ai perdu trois chevaux laissés à Reggio parce que j'étais parti en poste pour Tarente. Bon Dieu! que de certificats! et quel style! Je devrais bien recommencer tout ceci pour vous écrire plus, décemment et plus intelligiblement; mais je compte à la fois sur votre indulgence et sur votre pénétration : deux choses dont je vous puis donner de bons certificats.

[A cette lettre se trouvait joint un État de pertes, imprimé à Naples en janvier 1807: nous le plaçons après la lettre qui suit, relative au même objet.

Le général Reynier observa que le sieur Courier était le seul officier qui eût demandé à venir en Calabre, et le seul qui n'eût jamais demandé à en sortir. ]

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les

Foggia, le 17 février 1807.

Monseigneur, si Votre Excellence daigne jeter yeux sur l'état ci-joint, elle y verra que mes pertes réelles dans la dernière campagne montent

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