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petites fermes et leur réuuion en grandes exploitations. Le nombre de ses fermes, qui était en 1820 de 340 ou de 35 hectares en moyenne, est aujourd'hui de 65 seulement. Cette réduction dans le nombre des fermiers a permis de choisir les meilleurs, ceux qui présentaient le plus de garanties par leur fortune, leur habileté et leur énergie. Sir James leur a offert des baux de quatorze ans au lieu de sept. Un grand nombre de bâtiments devenus inutiles ont été démolis; on a arraché les haies qui subdivisaient trop les champs. Par ce système, on a obtenu des rentes qui s'élèvent dans les bons terrains jusqu'à 100 fr. l'hectare et qui atteignent en moyenne 70 fr., quoique le sol soit généralement marécageux. Sir James, un des plus résolus partisans du free trade, a tenu à honneur de prouver que, dans les propriétés bien conduites, la baisse des prix ne devait pas amener forcément une réduction de rentes. Il n'a accordé aucune diminution sur ses baux, mais il a augmenté considérablement les travaux de drainage, qu'il fait faire à ses frais, sous la condition ordinaire que les fermiers lui payeront 5 p. 100 par an.

Plus on avance vers l'ouest et le nord, plus le drainage devient nécessaire et efficace. Il n'y a pas dans toute l'Angleterre de pays où il présente plus d'avantages que dans les terres basses du Cumberland. Ce fait tient à deux causes la nature argileuse du sol et du sous-sol, et l'extrême abondance des pluies; il tombe 20 pouces anglais d'eau par an à Londres, 40 dans le comté de Lancastre, 47 sur la côte de Cumberland, et jusqu'à 160 dans les hautes vallées des lacs. Pour que toute cette humidité s'écoule, il faut un drainage plus puissant que dans le reste de l'île. On plaçait d'abord les drains à 2 pieds anglais environ de profondeur, et à 20 mètres de distance, et on n'obtenait que des résul

tats insuffisants. Aujourd'hui les drains sont généralement placés à 4 ou 5 pieds anglais de profondeur, et de 6 à 9 mètres de distance, et on a soin de n'employer que des tuyaux d'un pouce et demi de diamètre intérieur, quand un pouce suffit ailleurs ; de cette façon seulement, on vient à bout d'assainir suffisamment le sol. On compte aujourd'hui dans le pays trente fabriques de tuyaux.

On appelait autrefois Northumberland tout le pays au nord de l'Humber; ce nom ne désigne plus que le comté le plus septentrional de l'Angleterre. Le Northumberland occupe le versant oriental de la chaîne des Apennins britanniques, dont le Cumberland forme le versant occidental, et se divise comme lui en deux parties, les montagnes à l'ouest, les plaines à l'est. La chaîne des Cheviots, qui sépare l'Angleterre de l'Écosse, a d'assez bons pâturages où s'est formée la race de moutons qui porte ce nom. On vante la beauté des vallées qui coupent ce pâté de montagnes, et surtout celle de la Tyne, qui suit l'ancienne muraille des Pictes et débouche dans la mer à Newcastle; la terre y est excellente et se loue un prix élevé.

L'agriculture des basses terres du Northumberland jouit d'une haute réputation. Quand on fait en Angleterre un voyage agricole, tout le monde vous dit: Allez dans le nord, visitez le Northumberland, et s'il est possible, allez jusqu'en Écosse. Pour l'Écosse, le conseil est bon, mais il n'en est pas tout à fait de même du Northumberland. Cette prédilection de l'opinion est fondée jusqu'à un certain point pour les terres légères qui servent d'intermédiaire entre la montagne et la côte; là est né l'assolement quinquennal, connu sous le nom d'assolement de Northumberland, et qui n'est qu'une variante de celui de Norfolk: 1° turneps, 2° blé ou or

ge, 3° trèfle, 4° trèfle, 5° avoine. Là aussi a commencé la culture des turneps en ligne, aujourd'hui généralement adoptée par tous les bons cultivateurs. Mais les terres argileuses qui s'étendent le long de la mer n'ont pas échappé à la crise. La grande propriété et la grande culture y dominent pourtant. Une bonne partie du comté appartient au duc de Northumberland; d'autres grands seigneurs et riches landlors y possèdent de vastes domaines. Le célèbre parc de Chillingham, appartenant à lord Tancarville, est assez grand pour qu'une espèce particulière de bœufs sauvages ait pu s'y conserver. Les fermes ont en moyenne de 100 à 200 hectares; on en trouve de 500 et même de 1,000. Les fermiers passent pour riches; il en est qui exploitent plusieurs grandes fermes à la fois.

Quelque riches que fussent ces fermiers, ils n'avaient pas tous un capital suffisant pour les immensités qu'ils exploitent, et la baisse des prix, en portant sur des masses énormes de denrées, a eu pour eux des conséquences désastreuses. Il est à remarquer que cette province est la seule en Angleterre où la rente ait diminué depuis 1815; de 50 francs environ par hectare qu'elle atteignait à la fin de la guerre, elle était tombée à 40 avant la crise, et elle a encore baissé depuis. Le duc de Northumberland a accordé sur ses baux, dans ces dernières années, une remise de 10 p. 100. Un autre grand propriétaire, le duc de Portland a été plus loin ; ses remises atteignent, dit-on, 25 p. 100. En même temps, ces puissants landlords ont fait faire à leurs frais d'mmenses travaux de drainage et autres, sous la condition ordinaire du 5 p. 100. A la faveur de ces améliorations, et sous la condition d'une division des trop grandes fermes, comme dans le Wiltshire, l'équilibre finira par se rétablir.

CHAPITRE XIX

Le pays de Galles et les îles.

Ici finit notre tour d'Angleterre, de cette portion souveraine des trois royaumes, cette île sceptrée, comme dit Shakespeare, cette pierre précieuse enchâssée dans la mer d'argent :

This royal throne of kings, this sceptered isle,
This precious stone set in the silver sea.

Avant de passer à l'Écosse et à l'Irlande, je ne dirai que quelques mots des pays annexes, comme la principauté de Galles et les îles. Le pays de Galles est cette presqu'île hérissée de montagnes qui s'étend, entre les er bouchures de la Severn et de la Mersey, sur une étendue d'environ 2 millions d'hectares, et qui, fort analogue aux comtés de Cumberland et de Westmoreland, rappelle même, dans quelques parties, les pics les plus inaccessibles de la haute Écosse. Partout ailleurs un pareil pays serait à peu près abandonné par les hommes; mais il abonde, comme la plupart des pays de montagnes, en richesses minérales, et l'exploitation de ses mines et carrières par les capitaux anglais a suffi pour y créer un développement relatif.

Sous le rapport agricole, la presqu'île galloise peut se diviser en trois régions distinctes: la bonne, qui

comprend les comtés de Flint, d'Anglesea, de Denbigh et de Pembroke; la médiocre, qui comprend ceux de Glamorgan, Caermathen, Montgomery et Caernarvon; la mauvaise, qui comprend ceux de Cardigan, Radnor, Brecon et Merioneth. Dans le comté de Flint, le meilleur de tous, la rente atteint la moyenne de l'Angleterre, 75 francs par hectare; dans celui de Merioneth, le plus stérile, elle tombe à 15 francs. La moyenne générale de la principauté doit être égale à celle de la France, bien que le sol et le climat soient incomparablement inférieurs. La population suit à peu près la même proportion. La moyenne est d'une tête humaine pour 2 hectares. Si les parties montagneuses peuvent compter parmi les plus inhabitées de l'Europe, les parties basses sont aussi populeuses que les comtés anglais voisins; les déserts même ont fait depuis cinquante ans d'assez grands progrès comme culture; la terre y vaut de 500 à 1,000 francs l'hectare, autant que dans la moitié de la France.

C'est encore et toujours le bétail qui permet de tirer parti à ce point d'un sol si ingrat. Dans la région cultivable, l'assolement quadriennal s'étend chaque jour, et les races perfectionnées de l'Angleterre se naturalisent; dans les contrées incultes et abruptes, on trouve des espèces à demi sauvages de bœufs, de moutons et de chevaux, petites de taille, mais sobres et vigoureuses, qui savent chercher leur nourriture au milieu des rochers et des précipices. La viande des bœufs et des moutons gallois est très estimée, la seule île d'Anglesea importe tous les ans en Angleterre des milliers de ces animaux, qui traversaient autrefois le détroit à la nage, et dont on constate aujourd'hui le passage sur le pont de Menai. Les petits chevaux gallois ne sont pas moins recherchés.

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