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res les plus productives figure depuis peu le ray-grass d'Italie. M. Caird porte jusqu'à 100,000 kilog. de fourrage vert par hectare ou 40 tonnes par acre, valant au prix actuel 1,200 francs, ce qu'on peut obtenir de ce ray-grass cultivé avec soin.

L'Est-Riding diffère complétement de l'ouest. Plus d'industrie, plus de villes, plus de petites fermes, plus de population surabondante; nulle part peut-être, la propriété n'est moins divisée. Le calme d'un pays exclusivement agricole succède, quand on passe l'Humber, à l'agitation d'un pays industriel. Ces contrastes sont fréquents en Angleterre. Les wolds ou plateaux de l'Est-Riding sont la continuation de ceux du Lincoln. La grande culture y règne en souveraine et en a triplé les produits depuis cinquante ans.

Dans le Nord-Riding, recommence la région montagneuse. Il s'y trouve quelques vallées fertiles, mais l'ensemble forme un vaste plateau qui n'a pas moins de 160,000 hectares et qui s'élève de 1,000 à 1,500 pieds au-dessus du niveau de la mer; on l'appelle les moors du Yorkshire. L'industrie humaine a su en tirer un admirable parti. Montagnes et vallées, presque tout est en pâturages, et les races d'animaux qui s'y élèvent, chevaux, bœufs et moutons, ont toutes une grande réputation. Les chevaux de voiture les plus estimés de l'Angleterre viennent du Nord-Riding; ils tirent leur origine de la vallée de Cleveland; aujourd'hui la race s'est répandue autour de leur vallée natale. Les moutons des montagnes du Yorkshire forment une race à part, améliorée d'après les principes de Bakewell, et qui alimente les principaux marchés du nordQuant au gros bétail, c'est du Nord-Riding que sort aujourd'hui en plus grande quantité la célèbre race à courtes cornes.

Elles est née sur le bord septentrional de la Tees, qui sépare le comté d'York de celui de Durham; mais depuis la mort des frères Collins, elle a passé la rivière, et on trouve aujourd'hui les plus beaux types sur l'autre rive. Il y a tout au plus une demi-douzaine d'éleveurs qui en ont en quelque sorte le monopole, et qui n'épargnent ni soins ni dépenses pour la conserver et la perfectionner. Il n'est pas rare de voir leurs taureaux se vendre de 200 à 400 livres sterling ou de 5,000 à 10,000 francs, ils en louent pour une saison à des prix correspondants.

Le comté de Durham n'a que la moitié de l'étendue du Nord-Riding; sa population est cependant plus du double c'est dire assez que le pays n'est pas seulement agricole; il tire sa principale richesse de ses mines de charbon, dont l'inépuisable produit s'exporte par Newcastle et les ports voisins. Les deux plus grands seigneurs du pays, lord Durham et lord Londonderry, ont gagné depuis trente ans des sommes énormes par l'exploitation de leurs houillères. On jugera des capitaux que cette exploitation met en mouvement par un seul fait lord Londonderry a fait construire à ses frais un port pour exporter son charbon et un chemin de fer pour l'y conduire; le tout a coûté 8 ou 10 millions de francs. L'agriculture n'a encore suivi le mouvement que de loin. Les terres argileuses dominent avec leurs difficultés ordinaires; on suit encore sur ces terres l'antique assolement triennal. Les fermes. sont en moyenne de 25 hectares, et les fermiers, rudes travailleurs qui font presque toute la besogne par euxmêmes, ne sont pas assez riches pour prêter beaucoup au sol.

Avec les bas prix, ces petits fermiers, si économes et si laborieux qu'ils soient, ne pouvaient pas vivre. Il a

donc fallu, là aussi, une révolution. Heureusement la propriété était moins divisée que la culture, et la plupart des propriétaires, à défaut de leurs fermiers, ont pu faire des efforts. Lord Londonderry, lord Durham le duc de Cleveland, ont rivalisé en quelque sorte de générosité. Une grande partie des bénéfices réalisés dans les houillères passe en travaux de tout genre pour l'amélioration du sol. De tous côtés on pose des tuyaux, on construit des étables, on transporte des masses nouvelles d'amendements et d'engrais; dans quelques années la face du pays sera changée. Tout n'est pas d'ailleurs à refaire, et dans quelques parties du comté, dans les terres légères déjà soumises à l'assolement de Norfolk, dans les grasses vallées à herbages, la culture était déjà riche et florissante. Il ne faut pas oublier que la race des boeufs courtes-cornes sort d'une des vallées de Durham.

Le petit comté de Westmoreland est, comme son nom l'indique, terre des landes de l'ouest, la région la plus montagneuse, la plus inculte et la moins peuplée de l'Angleterre. On n'y trouve qu'un habitant pour 4 hectares. L'agriculture fleurit dans les vallées, notamment dans celles d'Éden au nord et de Kendal au sud. Ailleurs c'est la Suisse de l'Angleterre, le pays des lacs tant célébrés par les poëtes. Uu chemin de fer mène en quelques heures de Manchester et de Liverpool au bord du lac de Windermere, le premier le plus grand et le plus gracieux de tous. En sortant du tumulte et de la fumée des districts manufacturiers, on se trouve comme par magie dans une riante solitude, où tout est calme, frais et pur; les eaux limpides, l'air vif et le sol vert succèdent aux eaux bourbeuses, à l'air épais et au sol noirci des marécages d'où sort le charbon. Un bateau à vapeur vous promène sur le lac long et étroit qui serpente

comme une large rivière au milieu d'un paysage ravissant. Le Windermere n'a que quatre lieues de long sur un quart de lieue de large. A son extrémité, on débarque près du joli village d'Ambleside, où vous attendent d'élégantes voitures qui conduisent de gorge en gorge et de lac en lac jusqu'à Keswick.

Dans le sud-est du Cumberland s'élèvent les plus hautes cimes de l'Angleterre proprement dite: le Scawfell, le Helvellyn, le Skiddaw, qui ne sont dépassés dans le reste de l'île que par les montagnes du pays de Galles et du nord de l'Ecosse. Les lacs creusés par le temps au pied de ces masses rocheuses font suite à ceux du Westmoreland. Il y avait autrefois au bord de ces lacs une population de petits propriétaires qu'on appelait des statesmen. Chaque famille possédait de 20 à 40 hectares qu'elle cultivait depuis de nombreuses générations. On suppose que ces tribus devaient leur origine à une nécessité de défense: ce point étant très près de la frontière d'Écosse et très exposé aux incursions des maraudeurs écossais, les lords avaient fait, dit-on, de nombreuses concessions de terres sous la condition d'un service personnel, comme dans les clans des Highlands. Que cette supposition soit vraie ou non, les statesmen existaient encore en assez grand nombre au commencement de ce siècle. Un poëte qui a beaucoup vécu au bord des lacs, Wordsworth, a décrit en termes charmants leur manière de vivre.

On voudrait que ce portrait fût encore vrai; malheureusement il ne l'est plus. Les statesmen disparaissent rapidement devant la grande propriété; on voit encore çà et là leurs anciens cottages, mais ce sont des fermiers qui les habitent; où une famille de petits propriétaires n'avait pas pu vivre, quoique n'ayant pas de rente à payer, un fermier paye la rente et fait ses affaires. Les

dettes, en s'accumulant par une cause ou par une autre sur ces petites propriétés, avaient fini par en absorber le revenu. L'attachement des familles de statesmen à leurs anciens usages, l'absence de capitaux mobiliers, l'ignorance, rendaient la terre moins productive entre leurs mains que dans celles des cultivateurs plus aisés et plus habiles. Rien ne peut arrêter cette décadence. Dans les terres basses du Cumberland, les mines de charbon reparaissent; la houille qui en sort s'exporte par les ports de la côte. Ce commerce fait vivre une nombreuse population, dont les besoins exercent sur l'agriculture leur influence ordinaire. Quels que soient les progrès que l'art de cultiver ait faits depuis un demi-siècle, ils n'ont pu aller aussi vite que la consommation locale, et les villes populeuses sont forcées de faire venir du dehors une partie de leur approvisionnement. Les fermiers voisins ont donc devant eux un débouché indéfini, leur émulation est fortement excitée par la certitude du profit. La race des boeufs courtescornes commence à se répandre parmi eux. Leurs moutons sont presque tous des cheviots ou des têtes noires; depuis quelques années, les métis cheviot et Leicester prennent beaucoup de faveur.

L'immense terre de sir James Graham, Netherby, occupe l'extrémité nord-ouest du comté, sur la frontière d'Écosse, au fond du golfe de Solway. Elle ne comprend pas moins de 12,000 hectares ou 30,000 acres d'un seul tenant, et passe avec raison pour une des mieux gouvernées du royaume. Sir James, un des premiers orateurs du parlement, un des hommes d'État qui semblent réservés à prendre l'héritage de sir Robert Peel, est en même temps un administrateur habile de ses intérêts et un agronome du premier ordre. Le point de départ de ses améliorations a été la suppression des

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