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ment de Norfolk et aux achats d'engrais supplémentaires, on y a obtenu des résultats remarquables. La moyenne de la rente atteint aujourd'hui 50 francs. Les fermes sont vastes, et les fermiers aisés en général. L'écobuage est très usité, mais mieux entendu qu'en France; au lieu de semer sur le terrain écobué une céréale qui l'épuise du premier coup, on y sème d'abord des turneps, mangés sur place par des moutons, puis de l'orge avec des graines fourragères; le trèfle occupe la troisième année, et le froment n'arrive qu'à la quatrième. Le principal bétail des cotswolds est encore le mouton. L'ancienne race du pays, devenue, par les perfectionnements modernes, une des plus belles de l'Angleterre, rivalise avec les Dishley et les Southdowns. En résumé, l'agriculture des cotswolds peut être présentée comme un modèle pour les sols pau

vres.

C'est dans les cotswolds, que se trouve le collège agricole de Cirencester, fondé par une réunion de souscripteurs sur un domaine appartenant à lord Bathurst et loué spécialement à cet effet. Les hommes les plus considérables de l'Angleterre se sont fait un devoir de souscrire pour ce grand établissement, qui a beaucoup d'analogie avec notre Institut national agronomique. Il n'a pas été plus que le nôtre à l'abri des hésitations et des difficultés qui embarrassent la marche de toute institution naissante; mais la persévérance anglaise ne se rebute pas pour si peu. Le collége de Cirencester est aujourd'hui tout à fait florissant.

C'est dans cette région que résidait un des grands propriétaires anglais occupés de perfectionnements agricoles, lord Ducie. Cet habile agronome vient de mourir, et la vente de ses étables, le 24 août 1853, a offert un de ces spectacles qui ne se voient qu'en An

gleterre. Près de 3,000 amateurs étaient accourus à la ferme de Tortworth-Court; 62 bêtes de la race courtescornes ont produit 9,371 livres sterling ou 234,000 francs, soit en moyenne 3,775 francs par tête. Une seule vache de 3 ans s'est vendue avec sa génisse, âgée de 6 mois, 1,010 guinées ; il est vrai qu'elle descendait de la célèbre Duchess de Charles Collins.

La vallée de Glocester a été bien autrement douée par la nature que les cotswolds; mais l'industrie humaine a moins fait pour elle. La moyenne de la rente y atteint 90 francs par hectare. Le sol presque tout entier est en herbages, et la réputation du fromage qu'il produit est ancienne et méritée. Malgré ces avantages, on s'accorde à dire que l'organisation agricole pourrait être meilleure, et le produit aisément accru. Le drainage est peu usité, l'emploi des engrais supplémentaires peu commun. On attribue généralement cet état arriéré à la division de la propriété et de la culture. Le crise, qui a en général épargné les pays d'herbages, a sévi dans la vallée de Glocester. La baisse générale des prix s'est fait sentir sur le fromage. Les petits fermiers, pauvres déjà et réduits par la concurrence au strict nécessaire, n'ont pas pu supporter cette réduction. A leur tour, les propriétaires, ayant besoin de tout leur revenu, ont pu difficilement diminuer leurs rentes ou faire des sacrifices pour augmenter le produit. Tel est le cercle vicieux ordinaire dont il faut cependant sortir.

Au fond de cette pauvreté accidentelle, il y a une grande richesse réelle, car le produit brut est toujours là. Rien ne révèle à l'œil ces souffrances; il est difficile de voir un plus charmant paysage que ces fraîches vallées de la Severn et de l'Avon, avec leur éternelle verdure, leurs haies luxuriantes et leurs milliers de va

ches au pâturage. Il semble que l'aisance et le bonheur devraient toujours habiter un pareil pays.

Parmi les six comtés de l'ouest, trois forment la région des herbages, les trois autres appartiennent à la région montagneuse qui sépare l'Angleterre du pays de Galles. Le petit comté de Monmouth, le plus méridional des trois, placé entre la mer et les montagnes, présente les aspects les plus variés vers l'ouest et le nord, les aspérités sauvages des Alpes; vers l'est et le sud, sur les bords de la Wye, un véritable jardin. On y cultive encore quelquefois avec des bœufs, ce qui devient de plus en plus rare en Angleterre. La rente monte très haut sur le bord de la mer ; à mesure qu'on s'avance vers les montagnes, elle descend. La population, bien plus nombreuse que ne le feraient supposer les ressources naturelles du sol, révèle tout de suite un état industriel florissant de nombreuses mines de charbon et de fer y entretiennent beaucoup d'ou

vriers.

Le comté de Hereford offre moins de contrastes que le Monmouth; il s'y trouve à la fois moins de montagnes et moins de plaines, et sa surface est généralement accidentée sans d'aussi brusques oppositions. La rente s'élève en moyenne un peu plus haut que dans le Monmouth. Quant au comté de Salop, le dernier et le plus grand des trois comtés frontières, une partie de son territoire est la continuation du Hereford; l'autre sert de transition entre cette région accidentée et le comté plus plat de Chester; les mines de fer y abondent, et les fabriques de poteries rivalisent avec celles de son autre voisin, le comté de Stafford.

La principale industrie agricole de cette région est l'élève de cette belle race de bœufs rouges à tête blanche connus sous le nom de Hereford. Ces bœufs, les plus esti

més des herbagers du centre qui les achètent pour les engraisser, prennent la graisse plus facilement qu'aucune autre race, quand ils sont transportés dans de bons pâturages; leur viande est meilleure que celle des Durham, mais plus lente à se former. Si, comme tout l'annonce, l'élève des bœufs courtes-cornes se développe dans les pays qui n'élevaient pas jusqu'ici, l'industrie la plus florissante de la frontière galloise pourra être menacée; les éleveurs du Hereford seront forcés de se faire engraisseurs.

Vient enfin le comté de Chester, le plus riche des six. Le fromage de Chester est encore plus connu hors d'Angleterre que celui de Glocester. L'étendue totale du comté est de 270,000 hectares, dont la moitié environ en herbages. On y entretient plus de 100,000 vaches laitières, dont chacune donne de 200 à 400 livres de fromage et de 15 à 20 livres de beurre. La rente des herbages dépasse en général 100 francs; mais, comme celle des terres arables reste audessous, la moyenne générale du comté est de 80 à 90 francs, le fermier payant en outre la dîme et les taxes. La propriété est moins divisée dans le Glocester et le Somerset, mais la culture l'est au moins autant. On cite seulement une ou deux fermes de 150 hectares. Le plus grand nombre n'en a pas plus de 30, et beaucoup, dans les districts à fromage, en ont moins de 5.

Cette organisation agricole n'a pas eu dans le comté de Chester les mêmes inconvénients que dans le Glocester et le Somerset, soit parce qu'elle ne coïncide pas avec une égale division de la propriété, soit plutôt à cause du voisinage des districts manufacturiers, qui ouvrent d'immenses débouchés. Le salaire moyen des ouvriers ruraux s'élève à 12 shillings par semaine, ou 2 francs 50 cent. par jour de travail. Le drainage

est généralement pratiqué, l'emploi des engrais supplémentaires fréquent.

Cette antique et prospère économie rurale n'a pas empêché l'esprit d'innovation de pénétrer dans le Cheshire. La ferme de M. Littledale située près de la Mersey, en face de Liverpool, est déjà célèbre par son admirable stabulation. Les vaches de cette ferme ne sortent jamais, ce qui doit paraître une monstruosité aux herbagers voisins; elles sont nourries en été avec du trèfle, du ray-grass d'Italie et des vesces en vert, en hiver avee du grain, du foin haché, des navets et des betteraves. On assure que par ce moyen on nourrit parfaitement, sur 32 hectares, 83 vaches laitières et 15 chevaux de travail.

Le marquis de Westminster, très grand propriétaire, dont le magnifique château fait l'ornement du pays, encourage particulièrement le drainage sur ses terres; il fabrique lui-même un million de tuyaux par an et les donne gratuitement à ses fermiers.

L'engrais qui réussit le mieux dans ces herbages est la poudre d'os, bone dust. Les fermiers n'hésitent pas à payer 7 p. 100 de la dépense faite par les propriétaires pour répandre ce puissant engrais sur le sol; on obtient, dit-on, par hectare et demi de quoi nourrir une vache de plus. La chimie agricole explique parfaitement pourquoi ce merveilleux effet se produit. Les phosphates du sol s'épuisent par l'exportation constante du lait, et ont besoin d'être renouvelés. On emploie d'une à deux tonnes d'os broyés par acre, l'effet en est immédiat et dure de quinze à vingt ans. Ces os viennent de Manchester, où ils ont été dépouillés de leur gélatine pour faire de la colle. Ainsi l'industrie et l'agriculture se prêtent un mutuel secours, et la troisième sœur, la science, les rapproche et les unit, divinités

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