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physionomie devient différente: au lieu des vallées et des collines boisées du Hampshire, s'étendent de larges plateaux calcaires, nus et ouverts, sans arbres, sans abris; une population beaucoup plus rare, puisqu'il ne s'y trouve qu'une tête humaine pour deux hectares; peu d'habitations, surtout peu de châteaux; de très grandes fermes; une richesse agricole plutôt inférieure, mais une rente moyenne plus élevée. Le pays étant triste et peu agréable, rien n'y distrait la production, et cette production étant obtenue sans beaucoup de travail, il en revient une plus large part au propriétaire.

Les pâtures couvrant la plus grande partie du comté, les industries agricoles généralement pratiquées sont l'élève des moutons pour la boucherie et l'entretien des vaches laitières pour le beurre. Sur ce sol maigre et brûlant comme celui des downs de Sussex, qu'il reproduit à beaucoup d'égards, tout autre système de culture serait probablement onéreux. Celui-ci permet de payer en moyenne une rente d'environ 60 francs. Le comté de Dorset ayant peu d'industrie, peu d'activité commerciale, et ne vivant guère que de son agriculture, est un des points de l'Angleterre où le salaire tombe le plus bas, quoique la population soit peu nombreuse.

Là réside M. Huxtable, un des plus hardis pionniers de l'agriculture anglaise. M. Huxtable a publié un des premiers une brochure où il essayait de prouver que, même après la baisse des denrées agricoles, les fermiers anglais pouvaient se retrouver, s'ils ne perdaient pas courage. On devine la tempête qu'une pareille assertion a soulevée; M. Huxtable a été traité comme un ennemi public. Il est cependant fermier luimême, en même temps que recteur de la paroisse de Sulton-Waldron. Les fermes où il met ses théories à

par

l'épreuve redoutable de la pratique sont au nombre de deux. Dans la première, la moins importante, a pris naissance le mode de distribution de l'engrais liquide des canaux souterrains. La seconde se compose de 112 hectares; c'est un coteau calcaire, nu, aride, battu des vents, s'élevant par une pente abrupte à plusieurs centaines de pieds; il était autrefois à peu près inculte, il est aujourd'hui admirablement cultivé. On peut y voir tous les nouveaux procédés pris en quelque sorte à leur source. Les constructions de M. Huxtable méritent surtout l'attention par l'extrême économie qui y règne. En général, les Anglais mettent moins d'amourpropre que nous dans leurs constructions rurales; ils ne donnent rien au luxe et à l'apparence, l'utile seul est recherché. Chez M. Huxtable, les murs des étables sont en claies de genêts et de branchages, les couvertures en chaume; mais rien de ce qui peut contribuer au bien-être et à la bonne alimentation des animaux n'a été négligé.

Les deux derniers comtés du sud sont montagneux et granitiques. Le Devon, qui succède au Dorset, contient environ 1,650,000 acres ou 660,000 hectares. Fort renommé pour ses sites et la tiédeur de son climat, il ne mérite pas moins l'attention par l'état de son agriculture, qui a fait de grands progrès depuis vingtcinq ans. Il en est des parties cultivables des montagnes comme des districts argileux et en général de ceux qui exigent beaucoup de travail sur un étroit espace ils se divisent naturellement en petites exploitations. Les petites fermes abondent dans le comté de Devon, on en trouve de 5, 10, 15, 20 hectares; mais ces fermiers pauvres ne sont pas ceux qui ont fait le plus rapidement avancer la culture. C'est dans les grandes exploitations de 200 à 250 hectares qu'ont été

entreprises et menées à bien les améliorations qui ont changé la face du pays. Les petits fermiers profitent ensuite des exemples qui leur sont donnés.

Nulle part en Angleterre l'art des irrigations n'a été poussé aussi loin que dans le Devonshire; les eaux qui traversent des terrains granitiques sont particulièrement fécondantes, et la disposition accidentée du sol se prête admirablement à ces travaux. On peut dire qu'il n'y a pas aujourd'hui dans tout le comté de source, si petite qu'elle soit, qui ne soit recueillie et utilisée. La race nouvelle de gros bétail passe avec raison pour une des plus gracieuses et des plus productives de la Grande-Bretagne. Le lait des vaches est peu abondant, mais renommé pour la qualité du beurre qu'il produit; c'est en effet du beurre et de la crême que fournissent les nombreuses laiteries du Devon. On cultive très peu de céréales, le sol se prêtant plus aux cultures vertes. Le pays est couvert de pommiers, et on y fait beaucoup de cidre; il ressemble, avec ses prairies et ses vergers, à la haute Normandie. La rente des terres dans les environs d'Exeter monte à 100 francs l'hectare; dans le reste du comté, elle est de 60 francs en moyenne.

Le Cornwall, le plus méridional des comtés anglais, occupe l'extrémité sud de cette presqu'île longue et étroite qui s'étend entre le canal de Bristol et la Manche, et que recouvre un amas de montagnes stériles. Cependant, comme il doit à sa position presque insulaire un climat égal et doux, notamment sur la côte occidentale, l'agriculture y est plus avancée et plus productive qu'on ne pouvait s'y attendre. On y compte environ une tête humaine par hectare, ce qui est énorme pour un sol aussi ingrat. Les mines d'étain et de cuivre du Cornwal occupent un nombre considérable d'ouvriers;

une autre industrie, celle de la pêche, emploie à son tour beaucoup de bras; l'agriculture n'a que le troisième rang parmi les travaux et les richesses du comté. On sent à chaque pas, dans la culture de ce district sauvage et reculé, les heureux effets du voisinage de l'industrie. La rente moyenne de ces mauvaises terres est de 50 à 60 fr.

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CHAPITRE XV

Les comtés de l'est.

Passons maintenant la Tamise, et entrons dans la région de l'est. Nous rencontrons d'abord le comté de Middlesex, qui n'a, à proprement parler, aucune valeur agricole; car, outre qu'il est un des plus petits, 70,000 hectares environ, son territoire presque tout entier disparaît sous l'immense métropole de l'empire britannique.

Hors de la ville proprement dite, tout ce qui n'est pas en villas ou en jardins forme des prairies naturelles ou artificielles dont le foin se vend à Londres ou sert à alimenter les laiteries de la capitale. Le voisinage d'une aussi grande population fournit des quantités énormes de fumier qui renouvellent la fertilité du sol, épuisé par une incessante production. On s'accorde cependant à reconnaître que la culture n'est pas aux environs de Londres tout ce qu'elle pourrait être. Quelque haute que soit la rente des terres cultivées, 125 francs en moyenne, elle ne dépasse, elle n'atteint même pas le taux où elle arrive sur d'autres points de l'Angleterre. L'état de l'agriculture dans les comtés environnants se fait sentir jusqu'aux portes du plus

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