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et l'Irlande. L'Angleterre forme à elle seule la moitié environ du territoire; l'Ecosse et l'Irlande se partagent le reste à peu près également. Chacune de ces trois grandes fractions doit elle-même se diviser, sous le rapport de la culture comme sous les autres points de vue, en deux parties principales : l'Angleterre, en Angleterre proprement dite et pays de Galles ; l'Écosse, en haute et basse; l'Irlande, en région du sudest et région du nord-ouest.

L'Angleterre proprement dite, la portion la plus grande et la plus riche des trois royaumes, comprend 13 millions d'hectares, ou un peu plus du tiers de l'étendue totale des Iles-Britanniques et l'équivalent d'un quart de la France. C'est d'elle surtout qu'il doit être question dans cette étude. En lui comparant le quart de la France le mieux cultivé, c'est-à-dire l'angle du nord-ouest, qui comprend les anciennes provinces de la Flandre, de l'Artois, de la Picardie, de la Normandie, de l'Ile-de-France, et même en y ajoutant les départements les plus riches des autres régions, nous n'avons pas une égale étendue de terres bien cultivées à lui opposer. Certaines parties de notre sol, comme le département du Nord presque tout entier et quelques autres cantons détachés, sont supérieures comme production à ce qu'il y a de mieux en Angleterre ; d'autres, comme les départements de la Seine-Inférieure, de la Somme, du Pas-de-Calais, de l'Oise, peuvent soutenir la comparaison; mais 13 millions d'hectares comparables comme culture aux 13 millions d'hectares anglais, nous ne les possédons pas.

Le sol et le climat de l'Angleterre seraient-ils donc naturellement supérieurs aux nôtres? Bien loin de là. Un million d'hectares sur 13 sont restés tout à fait improductifs et ont résisté jusqu'ici à tous les efforts de

l'homme; sur les 12 millions restants, les deux tiers au moins sont des terres ingrates et rebelles que l'industrie humaine a eu besoin de conquérir.

La pointe sud de l'île, qui forme le comté de Cornouailles et plus de la moitié du Devon, se compose de terrains granitiques analogues à ceux de notre Bretagne. Il y a là, dans les anciennes forêts d'Exmoor et de Dartmoor, dans les montagnes qui finissent au Land's End et dans celles qui avoisinent la presqu'île galloise, près d'un millon d'hectares qui n'ont que bien peu de valeur. Dans le nord, d'autres montagnes, celles qui séparent l'Angleterre de l'Écosse, couvrent de leurs ramifications les comtés de Northumberland, Cumberland, Westmoreland, et une partie de ceux de Lancastre, Durham, York et Derby. Cette région, qui comprend plus de 2 millions d'hectares, ne vaut guère mieux que la première. C'est un pays pittoresque par excellence, parsemé de lacs et de cascades, mais qui n'offre, comme les pays pittoresques en général, que peu de ressources à la culture.

Presque partout où le sol n'est pas montueux, il est naturellement couvert de marécages. Les comtés de Lincoln et de Cambridge, qui comptent aujourd'hui, surtout le premier, parmi les plus productifs, n'étaient autrefois qu'un marais couvert en partie par les eaux de la mer, comme les polders de Hollande qui leur font face de l'autre côté du détroit. De nombreuses tourbières appelées mosses montrent encore çà et là l'état primitif du pays. Sur d'autres points sont de grandes étendues de sables délaissés par l'Océan; le comté de Norfolk, où a pris naissance le système agricole qui a fait la fortune de l'Angleterre, n'est pas autre chose.

Restent les collines onduleuses qui font la moitié en

viron de la surface totale, et qui ne sont ni aussi arides que les montagnes, ni aussi humides que les plaines sans écoulement; mais ces terres elles-mêmes n'ont pas toutes la même composition géologique. Le bassin de la Tamise est formé d'une argile de Londres, d'où sont tirées les briques pour la construction de l'immense capitale, et qui ne s'ouvre qu'avec difficulté sous la main du laboureur. Les comtés d'Essex, de Surrey et de Kent appartiennent, avec celui de Middlesex, à cette couche argileuse désignée en Angleterre sous le nom de stiff land, terre forte, et dont les agriculteurs de tous les pays connaissent bien les inconvénients, que vient aggraver encore la fraîcheur du climat. Livrée à elle-même, cette argile ne sèche jamais; quand elle n'est pas transformée par des amendements et assainie par le drainage, elle fait le désespoir des fermiers. Elle domine dans tout le sud-est et reparaît sur beaucoup de points du centre, de l'ouest et du nord.

Une longue bande de terres crayeuses de médiocre qualité traverse du sud au nord ce grand banc d'argile, et forme la plus grande partie des comtés de Hertford, Wilts et Hants; la craie presque pure s'y montre à la

surface.

Les terres argilo-sableuses à sous-sol calcaire, les terres limoneuses ou loams du fond des vallées, n'occupent que 4 millions d'hectares environ. Les rivières étant plus courtes dans cette île étroite et les vallons plus resserrés qu'ailleurs, les alluvions y tiennent peu de place. Ce sont les sols légers qui dominent, ceux qu'on appelait autrefois poor lands, terres pauvres. Ces terres formaient, il n'y a pas bien longtemps, de vastes landes qui venaient jusqu'aux portes de Londres du côté de l'ouest, et presque partout elles sont devenues par la culture aussi productives que les loams. Il a fallu

un mode d'exploitation parfaitement approprié à leur nature pour en tirer un si bon parti.

Il en est de même du climat. Les agriculteurs britan niques ont su admirablement utiliser les caractères distinctifs de ce climat particulier, mais en soi il n'a rien de séduisant. Ses brumes et ses pluies sont proverbiales; son extrême humidité est peu favorable au froment, qui est le but principal de toute culture; peu de plantes mûrissent naturellement sous ce ciel sans chaleur, il n'est propice qu'aux herbes et aux racines. Des étés pluvieux, des automnes prolongés, des hivers doux, entretiennent, sous l'influence d'une température à peu près constante, une végétation toujours verte. Là s'arrête son action; ne lui demandez rien de ce qui exige l'intervention du grand créateur, le soleil.

Combien le sol et le climat de la France sont supérieurs! En comparant à l'Angleterre, non plus seulement le quart, mais la moitié nord-ouest de notre territoire, c'est-à-dire les trente-six départements qui se groupent autour de Paris, à l'exclusion de la Bretagne, nous trouvons plus de 22 millions d'hectares qui dépassent, en qualité comme en quantité, les 13 millions d'hectares anglais. Presque pas de montagnes, très peu de marécages naturels, de vastes plaines presque partout saines, un sol suffisamment profond et formé dans des proportions assez justes des éléments les plus favorables à la production, de riches dépôts dans les larges vallées de la Loire, de la Seine et de leurs affluents, un climat un peu moins humide, mais plus chaud, moins favorable peut-être à la végétation des prairies, mais plus propre à la maturation du froment et des autres céréales, tous les produits de l'Angleterre, obtenus avec moins de peine, et avec eux des produits nouveaux et précieux, tels que le sucre, les plantes

textiles, les oléagineux, le tabac, le vin, les fruits, etc. Il serait facile de suivre pas à pas cette comparaison et d'opposer, par exemple, au comté de Leicester, le plus fertile des comtés anglais, notre magnifique département du Nord, aux terrains crayeux du Wiltshire ceux de la Champagne, aux sables les sables, aux argiles les argiles, aux loams les loams, et de chercher ainsi pour la plupart des districts anglais un district. correspondant dans le nord de la France. Cette étude de détail démontrerait en quelque sorte, hectare par hectare, sauf un petit nombre d'exceptions, la prééminence de notre territoire; il n'y a pas de terrain, parmi les plus mauvais du sol français, qui ne rencontrât plus mauvais encore de l'autre côté du détroit; il n'y a pas de si riche sol en Angleterre qui ne trouvât chez nous son équivalent et souvent même son supérieur.

Le pays de Galles n'est qu'un massif de montagnes couvertes de terrains stériles appelés moors. En y ajoutant les îles qui l'avoisinent et la partie du sol auglais qui le touche de plus près, il comprend 2 millions d'hectares, dont la moitié seulement susceptible de culture. On trouve en France l'analogue du pays de Galles dans la presqu'île de Bretagne, dont les habitants sont unis aux Gallois par une origine commune; mais, outre que la Bretagne occupe relativement moins de place sur la carte de France, l'Armorique anglaise est plus âpre et plus sauvage que notre Armorique; l'analogie n'est vraiment complète que pour quelques cantons.

Les deux parties de l'Écosse ont une étendue à peu près égale, elles sont toutes deux bien connues par des noms que la poésie et le roman ont popularisés : les basses terres ou lowlands occupent le sud et l'est, les

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