Tes cris, tes longs sanglots remplissent | Voyez quels succès ils obtiennent? toute l'ile. Les citoyens de loin reconnaissent tes pleurs. "La voici, disent-ils, la femme de douleurs !" L'étranger, te voyant mourante, échevelée, Demande: "Qu'as-tu donc, ô femme désolée !" -"Ce qu'elle a? Tous les dieux contre elle sont unis: La femme désolée, elle a perdu son fils." AU PIED DE L'ÉCHAFAUD.1 ANDRE CHÉNIER. Une victoire chaque jour; Ce fameux Charleroi qu'ils prennent Et ce Fleurus-Dieu me pardonne, Par lui sans honte on est vaincu ; Par un général sans-culotte. COMME un dernier rayon, comme un Goddem! c'est trop. De tous côtés, dernier zéphyre Anime la fin d'un beau jour, Voyez-vous nos villes se rendre, Au pied de l'échafaud j'essaye encor ma De la Belgique et de la Flandre? lyre. Peut-être est-ce bientôt mon tour; Peut-être avant que l'heure en cercle promenée Ait posé sur l'émail brillant, Ces Français, comme des volcans, Dans les soixante pas où sa route est Que, dominateurs de la gloire, Avant que de ses deux moitiés Et souverains des élémens, Je date de ce jour maudit, Ce vers que je commence ait atteint la Qu'avec tous ses plans de conquête dernière, Peut-être en ces murs effrayés Cobourg ne sait trop ce qu'il dit ; Le messager de mort, noir recruteur des Mon cher lord Pitt est un peu bête. ombres, Escorté d'infâmes soldats, J'enrage et tenez, savez-vous, Savez-vous bien que nous en sommes Remplira de mon nom ces longs corridors Pour notre argent et pour nos hommes, sombres. ÉPITRE DE GEORGE, ROI D'ANGLE- JEAN-ARMAND CHARLEMAGNE. 1794. QUELS enragés, mon cher confrère, Et qu'on se moque encor de nous ? 1 Composé le 7 thermidor 1794, au matin, peu Que, par un revers de médaille, d'instants avant d'aller au supplice. Sur le théâtre où l'on nous raille, LA PRISE DE TOULON. Les peuples sont d'honnêtes gens, Et nous autres rois la canaille. Voyez-vous, j'ai peur quelquefois ; N'achève la farce des rois. Entre nous deux, soyons sincères. Avisez-y, la crise est forte, Que ferions-nous en pareil cas? 59 Que plus des trois quarts de la terre, En risquant cet événement, LA PRISE DE TOULON. LA HARPE. 1794. AIR: De la Marseillaise. ILS ont payé leur perfidie; Ils ont fui, ces Anglais pervers. En vain par un lâche incendie, Ils ont cru venger leurs revers; En embrasant ces édifices, Ces murs qu'ils n'ont pu garantir, Ils n'ont rien fait qu'anéantir Les repaires de leurs complices. Triomphe, Liberté ! donne partout des lois; Ton sort est désormais de vaincre tous les rois. De leurs cohortes fugitives, Si Dunkerque fut le cercueil, Toulon contemple de ses rives Le naufrage de leur orgueil. Poursuivis par notre vengeance, Ces ennemis, jadis si fiers, N'auront montré sur les deux mers Que leur crime et leur impuissance. Triomphe, Liberté, etc. O vous, dont la funeste adresse, Changeant de masque chaque jour, Par l'excès ou par la faiblesse, Voulut nous perdre tour à tour, Cédez aux destins de la France; Vos trahisons n'ont plus d'appui, Et l'Anglais emporte avec lui, Et sa honte et votre espérance. Triomphe, Liberté ! donne partout des lois ; Ton sort est désormais de vaincre tous les rois. 1 "Cette ode a une histoire. Sa bonne fortune a attiré, dès le premier pas, l'attention sur son auteur. Elle a dû son succès à une méprise, car quelques traits heureux ne lui auraient pas mérité tant d'honneur. "Faite au prytanée de Saint-Cyr au moment même où se passaient les événements et à mesure que les bulletins de la grande armée arrivaient au collège, l'Ode à la grande armée fut publiée par le Moniteur, presque en même temps que la victoire d'Austerlitz, et parvenait à l'empereur lorsqu'il était encore pour ainsi dire sur le champ de bataille. "Le comte Daru, alors intendant général de la grande armée, a plus d'une fois raconté à l'au teur, devenu son confrère à l'Académie fran-çaise, comment Napoléon en a eu connaissance Osez - -vous rappeler la guerre sur vos bords? Et ne voyez-vous pas que vers vous l'Angleterre Détourne le tonnerre Qui déjà menaçait de dévorer ses ports? Par son large Océan vainement remparée, Elle perdait l'orgueil qui l'avait rassurée, Et, pâle, se troublait derrière ses vais seaux ; L'œil tourné vers nos camps, ses subites alarmes, Dès que brillaient des armes, et quel accueil il lui fit. C'était le soir, dans le Se figuraient la France avançant sur les salon de Schoenbrunn. Le prince de Talleyrand, le prince de Neuchâtel et le comte Daru avaient dîné avec l'empereur. L'empereur assis prenait son café, quand M. Daru, ouvrant le Moniteur, eaux. qu'il trouva sur la cheminée, fit un mouvement De loin, dans tous les vents, son oreille de surprise. Qu'est-ce, Daru?' dit l'empereur. Voilà, sire, dans le Moniteur, une ode sur la bataille.' Ah! et de qui?' 'De Lebrun, sire.' 'Ah! ah! voyons, lisez-nous cela, Daru.' L'empereur ne doutait pas que ce ne fût du Lebrun que ses admirateurs comme ses critiques avaient surnommé Pindare. On n'en connaissait pas d'autre. L'ode fut louée et critiquée. Finalement, ordre fut donné d'écrire au ministre de l'intérieur qu'il était accordé à Croyait Comme Et vous, inquiète sans cesse ouïr le bruit de la trompette, un cerf qui frissonne au son lointain du cor: cerfs imprudents qu'elle lance à sa place, Vous venez, dans sa trace, Lebrun une pension de 6,000 francs. On ne Au pas de nos coursiers pour elle fuir tarda pas à connaître que l'ode attribuée, à Schoenbrunn comme à Paris, au poëte de l'Institut, etait d'un élève de Saint-Cyr. N'importe,' encor. dit l'empereur, donnez la pension à l'auteur de Comme elle aura souri d'orgueil et d'artil'ouvrage.' Seulement elle fut proportionnée à l'âge de cet auteur, doublement heureux et de la fice faveur qui lui était faite, et de celle dont il fut À voir tomber sur vous, tranquille spec l'occasion, car la pension de 6,000 francs fut en effet donnée peu après au vieux poëte, qui en la même époque, 1er janvier 1806.”—P. LEBRUN. tatrice, avait besoin. Les deux pensions partirent de Tous ces traits que déjà vers elle nous lancions! ODE À LA GRANDE ARMÉE. 61 Et quels mépris pour vous! mépris bien Et qu'a dit Albion? "Je suis reine de légitimes, Si, vendant les victimes, Vous livrez à son or le sang des nations. Mais, pour notre salut, l'infernale tempête Respecta les lauriers qui défendaient sa tête. Sous un si noble abri le héros fut sauvé; Ou plutôt le pouvoir qui dans le ciel réside Couvrit de son égide l'onde; En avant, grenadiers! Déjà, qui le peut croire ? Le canon dans Paris annonce une victoire. Trente drapeaux conquis sont venus l'attester. Chaque jour nous en vient apprendre une nouvelle, Qu'un bulletin fidèle Ce front qu'au diadème il avait réservé. S'en va, de place en place, au peuple |