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nom

66 en vain; voici ce que vous avez donné au de Dieu, voilà ce que Dieu vous envoie.” Elisabeth était si pressée d'arriver auprès de ses parents, qu'elle voyageait la nuit et le jour; mais à Sarapoul elle voulut s'arrêter, elle voulut aller visiter la tombe du pauvre missionnaire; c'était presque un devoir filial, et Elisabeth ne pouvait pas y manquer. Elle revit cette croix qu'on avait placée au-dessus du cercueil, ce lieu où elle avait versé tant de larmes; elle en versa encore: mais elles étaient douces; il lui semblait que du haut du ciel le pauvre religieux se réjouissait de la voir heureuse, et que, dans ce cœur plein de charité, la vue du bonheur d'autrui pouvait même ajouter au parfait bonheur quil goûtait dans le sein de Dieu.

Je me hâte, il en est temps; je ne m'arrêterai point à Tobolsk, je ne peindrai point la joie de Smoloff en présentant Elisabeth à son père, ni la reconnaissance de celle-ci envers ce bon gouverneur; comme elle, je ne serai satisfait qu'en arrivant dans cette cabane, où on compte avec tant de douleur les jours de

son absence. Elle n'a point voulu qu'on prévînt ses parents de son retour; elle sait qu'ils se portent bien, on le lui a dit à Tobolsk, on le lui confirme à Saïmka, elle veut les surprendre, elle ne permet qu'à Smoloff de la suivre. Oh! comme son cœur palpite en traversant la forêt, en approchant des rives du lac, en reconnaissant chaque arbre, chaque rocher! elle aperçoit la cabane paternelle, elle s'élance........Elle s'arrête, la violence de ses émotions l'épouvante, elle recule devant trop de joie. Ah! misère de l'homme, te voilà bien tout entière! Nous voulons du bonheur, nous en voulons avec excès, et l'excès du bonheur nous tue; nous ne pouvons le supporter. Elisabeth, s'appuyant sur le bras de Smoloff, lui dit: "Si j'allais trouver

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ma mère malade!" Cette crainte qui venait se placer entr'elle et ses parents, tempéra la félicité qui l'accablait, et lui rendit toutes ses forces. Elle court, elle touche au seuil, elle entend des voix, elle les reconnaît, son cœur se serre, sa tête se perd, elle appelle ses parents: la porte s'ouvre, elle voit son père; il

riantes, les scènes heureuses se prolongent trop, elles fatiguent, parcequ'elles sont sans vraisemblance; on n'y croit point, on sait trop qu'un bonheur constant n'est pas un bien de la terre. La langue, si variée, si abondante pour les expressions de la douleur, est pauvre et stérile pour celles de la joie; un seul jour de félicité les épuise. Elisabeth est dans les bras de ses parents, ils vont la ramener dans leur patrie, la replacer au rang de ses ancêtres, s'enorgueillir de ses vertus, et l'unir à l'homme qu'elle préfère, à l'homme qu'ils ont eux-mêmes trouvé digne d'elle. C'en est assez, arrêtons-nous ici, reposonsnous sur ces douces pensées. Ce que j'ai connu de la vie, de ses inconstances, de ses espérances trompées, de ses fugitives et chimériques félicités, me ferait craindre, si j'ajoutais une seule page à cette histoire, d'être obligée d'y placer un malheur.

FIN D'ELISABETH.

NOTES.

(1) Page 1.

La mer Glaciale, ou Septentrionale, à la quelle les Russes donnent le nom de Ledovietoe More, borne la frontière de tout le nord de la Russie; c'est à dire, depuis le 50e. degré, jusqu'au 205e. de longitude. Du côté du pôle arctique, Phipps, Cook, et d'autres navigateurs célèbres ont en vain tenté de passer de la mer Glaciale dans les mers de l'Inde, qui séparent l'Asie de l'Amérique; mais Cook a observé, en 1778, que le cap Tschurtschi n'est éloigné que de trente six milles du cap opposé de l'Amérique, auquel il a donné le nom de cap du prince de Galles.

(2) Page 1.

La verste est une mesure dont on se sert pour marquer les distances en Russie comme du mille en Angleterre, ou de la lieue en France; elle est de trois mille cinq cents pieds. Une verste et demie vaut à peu près un mille d'Angleterre, la verste étant au mille comme 1044 est à 69. Le degré en Russie est de cent quatre verstes et demie.

(3) Page 2.

L'aurore boréale appartient presque exclusivement aux régions Septentrionales du globe terrestre, quoique le pôle du midi, suivant quelques voyageurs, ait aussi ses aurores australes. Ce phénomène est une espèce de nuage circulaire, étendu sur l'horizon, dont il sort des jets, des colonnes, des gerbes de feu de diverses couleurs. On vit une aurore boréale en France en 1621, et c'est alors que Gassendus lui donna ce nom. La première histoire que nous ayons de ce phénomène est écrite par Dr. Halley, et se trouve dans le No. 347 des Philosophical Transactions. Dr. Franklin en parle aussi dans un essai qu'il lut à l'Académie Royale des Sciences de Paris en 1779, et auquel, avec cette modestie qui lui étoit si naturelle, et qui d'ordinaire accompagne le mérite, il a donné le titre de " Suppositions and Conjectures towards forming an Hypothesis for the explanation of the Aurora Borealis." La matière de l'aurore boréale paroit avoir son siège dans l'atmosphère, à des hauteurs considérables, la même ayant été vue à Pétersbourg, à Naples, à Rome, à Lisbonne et même à

Cadix. On prétend que ces sortes de phénomènes ont ordinairement entre trois et neuf cents milles d'élévation; et que les nappes de lumière de l'aurore boréale semblent autant de courants électriques, qui se meuvent dans l'air très rarifié des régions élevées de l'atmosphère.

Le lecteur Anglais trouvera des détails fort intéressants sur ce phénomène dans l'appendice d'un livre qui a paru cette année, intitulé: "Narrative of a Journey to the Polar Sea, by Captain Francklin."

(4) Page 2.

Hyperborée, ou hyperboréen, se dit des peuples des pays très septentrionaux. Voltaire est le premier qui ait hasardé de franciser l'adjectif latin hyperboreus, et d'en faire hyperborée.

(5) Page 2.

Le cercle d'Ischim ou Issim (qu'on nomme aussi la steppe ou le désert d'Ischim) prend son nom de la rivière de ce nom. C'est une immense plaine de la Sibérie, au Sud de Tobolsk, entre l'Irtish et la rivière Ischim.

(6) Page 2.

Les Kirguis (the Kirghises) sont une nation indépendante, divisée en plusieurs hordes. Le pays est froid mais riche en pâturages, qui nourrissent beaucoup de bestiaux; la langue des Kirguis tient du Tartare; la population des trois hordes pourroit être de 1,200,000 habitants, vivant du produit de leurs troupeaux et de brigandages.

(7) Page 2.

Le Tobol a sa source dans le pays des Kirguis, entre le 52e. et le 53e. degré de latitude, et le 81e. de longitude, il se jette dans l'Irtish, près de Tobolsk, vers le 58e. degré de latitude, et le 86e. de longitude, après avoir fourni un cours d'environ cinq cents verstes. Ses bords sont si peu élévés qu'il les dépasse ordinairement au printemps, et inonde une vaste étendue de pays.

(8) Page 3.

Arctique, pour Septentrionale, n'est guères en usage que dans ces phrases; pôle arctique, cercle arctique, terres arctiques, &c. (9) Page 3.

Le chaton, terme de botanique [amentum, julus catulus, en anglais catkin.] C'est un assemblage de petites feuilles, ou écailles florales fixées sur un axe commun, et qui ressemble as

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