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CCXIII.

A M. LE KAI N.

ACTEUR fublime et foutien de la scène,
Quoi! vous quittez votre brillante cour,
Votre Paris, embelli par fa reine !
De nos beaux arts la jeune fouveraine
Vous fait partir pour mon trifte féjour !
On m'a conté que fouvent elle-même,
Se dérobant à la grandeur suprême,
Sèche en fecret les pleurs des malheureux ;
Son moindre charme eft, dit-on, d'être belle.
Ah! laiffons là les héros fabuleux :

Il faut du vrai, ne parlons plus que d'elle.

CCXIV.

A M.

NECKER,

Directeur général des Finances.

1777.

ON vous damne comme hérétique :
On vous damne bien autrement
Pour votre plan économique,

Fruit du génie et du talent :

Mais ne perdez point l'efpérance,
Allez toujours à votre but,

En réformant notre finance :

On ne peut manquer fon falut,
Quand on fait celui de la France.

CCXV.

A M. LE PRINCE DE LIGNE.

Sous un vieux chêne, un vieux hibou
Prétendait aux dons du génie ;

Il fredonnait, dans fon vieux trou,
Quelques vieux airs fans harmonie:
Un charmant cygne, au cou d'argent,
Aux fons remplis de mélodie,
Se fit entendre au chat-huant,
Et le trifte oiseau fur le champ
Mourut, dit-on, de jaloufie.
Non, beau cygne, c'eft trop mentir;
Il n'avait pas tant de faiblesse :
Il eût expiré de plaifir,

Si ce n'eût été de vieilleffe.

CCXVI.

A M. D'HERMENCHES,

Baron de Conftant, &c. qui avait joué la comédie à Ferney, et chanté des couplets à la louange de l'auteur, fur l'air, Vive la forcellerie, à la fuite d'une petite pièce où il fefait le rôle d'un magicien.

DE nos hameaux vous êtes l'enchanteur ;
De mes écrits vous voilez la faibleffe;
Vous y mettez, par un art féducteur,
Ce qu'ils n'ont point, la grâce, la nobleffe.
C'eft bien raifon qu'un forcier fi flatteur
Pour fon épouse ait une enchantereffe.

CCXVII.

A MADAME DE SAINT-JULIEN.

DANS un défert, un vieux hibou
Tombait fous le fardeau de l'âge.
Un ferin fit, près de fon trou,
Briller fa voix et fon plumage.
Que faites-vous, ferin charmant?
Pourquoi prodiguer vos merveilles,
Sans pouvoir à ce chat-huant
Rendre des yeux et des oreilles ?

CCXVIII.

A M. DESRIVIERES,

Sergent aux Gardes-Françaifes, qui avait adreffe à l'auteur le livre intitulé, Loifirs d'un foldat.

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IL eft vrai que le dieu d'amour,

Fatigué du plaifir volage,

Loin de la ville et de la cour,

Dans nos champs a fait un voyage.

Je l'ai vu ce dieu féducteur;
Il courait après le bonheur,

Il ne l'a trouvé qu'au village.

CCXX.

A MADAME DE FLORIAN,

Qui voulait que l'auteur vécût long-temps.

Vous voulez arrêter mon ame fugitive;
Ah! Madame, je le vois bien,

De tout ce qu'on possède on ne veut perdre rien ;
On veut que fon esclave vive.

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JE le ferai bientôt ce voyage éternel

Dont on ne revient point au féjour de la vie :
En vain vous prétendez que le Dieu d'Ifraël
Daignera me prêter, comme au bon homme Elie,
Un beau cabriolet des remifes du ciel,
Avec quatre chevaux de fa grande écurie ;
Dieu fait depuis ce temps moins de cérémonie :
Le luxe était permis dans le vieux Testament ;
De la nouvelle loi la rigueur le condamne ;
Tout change fur la terre et dans le firmament:
Elie eut un carroffe, et Jéfus n'eut qu'un âne.

Contes, Satires, &c.

PP

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