CVI.

MADRIGA L.

PROJET flatteur d'engager une belle,
Soins concertés de lui faire la cour,
Tendres écrits, fermens d'être fidelle,
Airs empreffés, vous n'êtes point l'amour.
Mais fe donner fans espoir de retour,
Par fon défordre annoncer que l'on aime,
Refpect timide avec ardeur extrême,
Perfévérance au comble du malheur,
Voilà l'amour: il n'eft que

CVII.

dans mon cœur.

A MADAME DE POMPADOUR,

Alors madame d'Etiole, qui venait de jouer la comédie aux petits appartemens....

AINSI donc vous réuniffez

Tous les arts, tous les goûts, tous les talens de plaire : Pompadour, vous embelliffez

La cour, le Parnaffe et Cythère.

Charme de tous les cœurs, tréfor d'un feul mortel, Qu'un fort fi beau soit éternel !

Que vos jours précieux foient marqués par des fêtes; Que la paix dans nos champs revienne avec Louis! Soyez tous deux fans ennemis,

Et tous deux gardez vos conquêtes.

CVIII.

A M. LE MARECHAL DE RICHELIEU,

En lui envoyant plufieurs pièces détachées.

QUE de ces vains écrits, enfans de mes beaux jours, La lecture au moins vous amufe:

Mais charmant Richelieu, ne traitez point ma muse
Ainfi que vos autres amours;

Ne l'abandonnez point, elle en fera plus belle;
Votre aimable fuffiage animera ma voix.

Richelieu, foyez-lui fidelle:

Vous le ferez pour la première fois.

CIX.

A MADAME DE BOUFFLERS, QUI

S'APPELAIT MADELEINE.

Chanfon fur l'air des folies d'Espagne.

favait plaire;

VOTRE patronne en fon temps
Mais plus de cœurs vous font affujettis.
Elle obtint grâce, et c'est à vous d'en faire,
Vous qui caufez les feux qu'elle a fentis.

Votre patronne, au milieu des apôtres,
Baifa les pieds de fon divin époux :
Belle Boufflers, il eût baifé les vôtres,
Et faint Jean même en eût été jaloux.

C X.

IMPROMPTU

A madame du Châtelet déguisée en turc, et conduifant au bal madame de Boufflers, déguifée en fultane.

Sous cette barbe qui vous cache,

Beau Turc, vous me rendez jaloux :

Si vous ôtiez votre moustache,

Roxane le ferait de vous.

CX I.

A M. DE PLEEN,

Qui attendait l'auteur chez madame de Graffigny, où l'on devait lire la Pucelle.

COMMENT! Ecoffais

que vous êtes ร

Vous voilà parmi nos poëtes!
Votre efprit eft de tout pays.
Je ferai fans doute fidelle

Au rendez-vous que j'ai promis;
Mais je ne plains pas vos amis,
Car cette veuve aimable et belle
Par qui nous fommes tous féduits,
Vaut cent fois mieux qu'une pucelle.

CXII.

A MADAME DU CHATELET.

IL en deux Dieux qui font tout ici bas :
J'entends qui font que l'on plaît et qu'on aime ;
Si ce n'eft tout, du moins je ne crois pas
Etre le feul qui fuive ce fyftême.

Ces deux divinites font l'Efprit et l'Amour,

Qui rarement vivent ensemble;

L'Intérêt les fépare, et chacun a fa cour.
Heureux celui qui les rassemble!
Affez d'ouvrages imparfaits

Sont les fruits de leur jaloufie.

Ils voulurent pourtant un jour faire la paix :
Ce jour de paix fut unique en leur vie ;
Mais on ne l'oublîra jamais,

Car il produifit Emilie.

CXIII.

Etrennes à la même, au nom de madame de Boufflers.

UNE étrenne frivole à la docte Uranie!

Peut-on la présenter? oh, très-bien, j'en réponds.
Tout lui plaît, tout convient à fon vaste génie :
Les livres, les bijoux, les compas, les pompons,
Les vers, les diamans, le biribi, l'optique,
L'algèbre, les foupers, le latin, les jupons,
L'opéra, les procès, le bal et la physique.