Page images
PDF
EPUB

Ah, monfieur de Corlon, que vous êtes heureux ! Plus libertin que moi fans être paresseux,

On vous trouve à toute heure, et vous favez tout faire. De grâce enseignez-moi ce fecret précieux

De vous lever matin, de dîner et de plaire.

LXXXI.

A M. LE DUC DE GUISE,

Qui prêchait l'auteur à l'occafion des vers précédens.

LORSQUE je vous entends, et que je vous contemple,
Je profite avec vous de toutes les façons;
Vous m'inftruifez par vos leçons,

A

Et me gâtez par votre exemple.

LXXXII.

M. JORD A N, à Berlin.

1738.

UN prince jeune, et pourtant fage,
Un prince aimable, et c'est bien plus,
Au fein des arts et des vertus,

Jordan, vous donne fon fuffrage;

Ses mains mêmes vous ont paré
De ces fleurs que la poëfie
Sous fes pas fait naître à son gré.
Par vous ce prince est adoré,
Et chaque jour de votre vie
A Frédéric eft confacré.
Si je n'étais pas à Cirey,
Que je vous porterais d'envie !

LXXXIII.

PORTRAIT

DE MADAME LA DUCHESSE DE LA VALLIERE.

ETRE femme fans jaloufie,

Et belle fans coquetterie,

Bien juger fans beaucoup favoir,

Et bien parler fans le vouloir,
N'être haute, ni familière,

N'avoir point d'inégalité ;

C'est le portrait de la Vallière ;
Il n'eft ni fini, ni flatté.

LXXXIV.

EPIGRAM ME.

CONNAISSEZ-VOUS certain rimeur obfcur,
Sec et guindé, toujours froid, toujours dur,
Ayant la rage, et non l'art de médire,

Qui ne peut plaire, et peut encor moins nuire,
Pour fes méfaits dans la geole encagé,
A Saint-Lazare après ce fuftigé,

Chaffé, battu, détefté pour fes crimes,

Honni, berné, confpué pour ses rimes,
Cocu, content, parlant toujours de foi ?
Chacun s'écrie: Eh! c'eft le poëte Roi.

LXXXV.

IMPROMPTU

Fait dans les jardins de Cirey, en fe promenant au clair de la lune.

ASTRE brillant, favorable aux amans, Porte ici tous les traits de ta douce lumière : Tu ne peux éclairer, dans ta vafte carrière,

Deux cœurs plus amoureux, plus tendres, plus conftans.

LXXXVI.

A MADAME DU CHATELET,

En recevant fon portrait.

TRAITS charmans, image vivante

Du tendre et cher objet de ma brûlante ardeur!
L'image que l'amour a gravée en mon cœur,
Eft mille fois plus reffemblante.

[blocks in formation]

MON cœur eft pénétré de tout ce qui vous touche; De la félicité je vous fais des leçons :

Mais je

fuis peu favant; un mot de votre bouche,

Vaut bien mieux que tous mes fermons.

A M.

LXXXVIII.

CLOZIER,

Qui avait envoyé à l'auteur un poëme fur la grâce.

LORSQUE Vous me parlez des grâces naturelles
Du héros votre commandant, (*)

Et de la déité qu'on adore à Bruxelles; (**)
C'eft un langage qu'on entend.

La grâce du Seigneur eft bien d'une autre espèce:
Moins vous nous l'expliquez, plus vous en parlez bien:
Je l'adore et n'y comprends rien.
L'attendre et l'ignorer, voilà notre fageffe.

Tout docteur, il eft vrai, fait le fecret de Dieu :

Elus de l'autre monde, ils font dignes d'envie.
Mais qui vit auprès d'Emilie,

Ou bien auprès de Richelieu,

Eft un élu de cette vie.

(*) M. le duc de Richelieu.

(**) La marquife du Châtelet était alors à Bruxelles.

« PreviousContinue »