Page images
PDF
EPUB

L.

A M. DE FORCALQUIER,

Qui avait eu fes cheveux coupés par un boulet de canon au fiége de Kehl,

1733.

DES boulets allemands la pefante tempête
A, dit-on, coupé vos cheveux :
Les gens d'efprit font fort heureux
Qu'elle ait refpecté votre tête.

On prétend que Céfar, le phénix des guerriers,
N'ayant plus de cheveux, fe coiffa de lauriers.

Cet ornement eft beau, mais n'eft plus de ce monde.
Si Céfar nous était rendu,

Et qu'en fervant Louis il eût été tondu,

Il n'y gagnerait rien qu'une perruque blonde.

LI.

A M. LE COMTE DE SADE,

Aide de camp du maréchal de Villars, fur fon mariage avec mademoiselle de Carman.

1734.

Vous fuivez donc les étendards
De Bellone et de l'Hymenée :
Vous vous enrôlez cette année

Et fous Carman et fous Villars.
Le doyen des héros, une beauté novice
Vont vous occuper tour à tour;
Et vous nous apprendrez un jour
Quel eft le plus rude fervice
Ou de Bellone ou de l'Amour.

Réponse de M. le comte de Sade.

AMI, je fuis les étendards

De Bellone et de l'Hymenée ;
Si je quitte une épouse aimée,
C'eft pour voir triompher Villars.

Mars et l'Amour me trouveront novice,
Et je m'inftruirai tour à tour

Avec Villars des rigueurs du service,

Avec Carman des douceurs de l'amour.

Vous voyez, mon cher ami, que quand on me fournit la rime et la pensée, je fais des vers tant que l'on veut.

LII.

A MADEMOISELLE DE GUISE,

Dans le temps qu'elle devait époufer M. le duc de Richelieu.

GUISE, des plus beaux dons affemblage célefte,

Vous dont la vertu fimple et la gaîté modeste

Rend notre fexe amant et le vôtre jaloux,
Vous qui ferez le bonheur d'un époux
Et les défirs de tout le refte;

Quoi, dans un recoin de Monjeu,

Vos doux appas auront la gloire
De finir l'amoureuse hiftoire

De ce volage Richelieu !

Ne vous aimez pas trop, c'est moi qui vous en prie;
C'est le plus sûr moyen de vous aimer toujours:
Il vaut mieux être amis tout le temps de fa vie,
Que d'être amans pour quelques jours.

LIII.

LE PORTRAIT MANQUÉ,

A MADAME LA MARQUISE DE - B**.

ON ne peut faire ton portrait :
Folâtre et férieuse, agaçante et févère,
Prudente avec l'air indifcret,
Vertueufe, coquette, à toi-même contraire :
La reffemblance échappe en rendant chaque trait.
Si l'on te peint conftante, on t'aperçoit légère:
Ce n'eft jamais toi qu'on a fait.

Fidelle au fentiment avec des goûts volages,

Tous les cœurs à ton char s'enchaînent tour à tour.
Tu plais aux libertins, tu captives les fages,
Tu domptes les plus fiets courages,

Tu fais l'office de l'Amour.

On croit voir cet enfant en te voyant paraître ;
Sa jeuneffe, fes traits, fon art,

Ses plaifirs, fes erreurs, fa malice peut-être :

Serais-tu ce Dieu hafard?

par

LIV.

Sur ce que l'auteur occupait à Sceaux la chambre de M. de Saint-Aulaire, que madame la ducheffe du Maine appelait fon berger.

J'AI la chambre de Saint-Aulaire
Sans en avoir les agrémens ;

Peut-être à quatre-vingt-dix ans (10)
J'aurai le cœur de fa bergère :

Il faut tout attendre du temps,

Et furtout du défir de plaire.

L V.

A MADAME DE NOINTEL.

A fes écarts Nointel allie

L'amour du vrai, le goût du bon:

En vérité, c'eft la raifon

Sous le mafque de la folie.

(10) M. de Saint-Aulaire avait fait, à 95 ans, de jolis vera

pour madame la ducheffe du Maine.

« PreviousContinue »