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Te la rendra par fon art enchanté.

De tes beaux jours la fleur n'eft point flétrie ;
Mais je voudrais de tes deftins pervers,
En corrigeant l'influence ennemie,
Contribuer au bonheur d'une vie

Que tu rendras célèbre par tes vers.

Mais

XXVII.

MADRIGAL.

AH, Camargo (6), que vous êtes brillante ! que Sallé, grands Dieux, eft raviffante ! Que vos pas font légers, et que les fiens font doux ! Elle eft inimitable, et vous êtes nouvelle ;

Les Nymphes fautent comme vous,

Et les Grâces danfent comme elle.

(6) Célèbre danseuse de l'opéra, ainfi que mademoiselle Salle

XXVIII.

IMPROMPTU A M. THIRIOT,

Qui s'était fait peindre, la Henriade à la main.

1735.

Si je voyais ce monument,
Je dirais, rempli d'allégreffe :
Meffieurs, c'eft mon plus cher enfant
Que mon meilleur ami careffe.

XXIX.

A MADAME DE FLAMARENS,

Qui avait brûlé fon manchon parce qu'il n'était plus à la mode.

IL eft une déeffe inconftante, incommode,
Bizarre dans fes goûts, folle en fes ornemens,
Qui paraît, fuit, revient et naît en tous les temps:
Protée était fon père, et fon nom eft la Mode.
Il eft un Dieu charmant, fon modefte rival,

Toujours nouveau comme elle, et jamais inégal,

Vif fans emportement, fage fans artifice :

Ce Dieu, c'eft le Mérite. On l'adore dans vous.
Mais le Mérite enfin peut avoir un caprice ;
Et ce Dieu fi prudent que nous admirions tous,
A la Mode à fon tour a fait un facrifice.

Vous, que pour Flamarens nous voyons foupirer,
Vous qui redoutez fa fageffe,

Amans, commencez d'espérer;

Flamarens vient enfin d'avoir une faibleffe.

Infcription pour l'urne qui renferme les cendres

du manchon.

Je fus manchon, je fuis cendre légère :
Flamarens me brûla, je l'ai pu mériter;
Et l'on doit ceffer d'exifter,

Quand on commence à lui déplaire.

X X X.

A M. LINANT.

CONNAISSEZ mieux l'oifiveté :
Elle eft ou folie, ou fageffe;

Elle eft vertu dans la richeffe,
Et vice dans la pauvreté.

On peut jouir en paix, dans l'hiver de fa vie,
De ces fruits qu'au printemps fema notre industrie :
Courtifans de la gloire, écrivains ou guerriers,
Le fommeil eft permis, mais c'est fùr des lauriers.

XXX I.

A MADAME

LA DUCHESSE DE BOUILLON,

Qui vantait fon portrait, fait par Clinchetet.

CESSE, Bouillon, de vanter davantage
Ce Clinchetet qui peignit tes attraits:

Un meilleur peintre, avec de plus beaux traits,
Dans tous nos cœurs a tracé ton image,
Et cependant tu n'en parles jamais.

XXXII.

A LA ME ME.

DEUX Bouillons tour à tour ont brillé dans le monde,
Par la beauté, le caprice et l'efprit;
Mais la première eût crevé de dépit
Si par malheur elle eût vu la feconde.

XXXIII.

LES DEUX

AMOUR S.

A madame la marquise du Châtelet.

CERTAIN enfant qu'avec crainte on careffe,
Et qu'on connaît à fon malin fouris,
Court en tous lieux précédé par les ris,
Mais trop fouvent fuivi de la trifteffe ;

Dans les cœurs des humains il entre avec foupleffe,
Habite avec fierté, s'envole avec mépris.

Il eft un autre Amour, fils craintif de l'eftime,
Soumis dans fes chagrins, conftant dans fes défirs,
Que la vertu foutient, que la candeur anime,
Qui réfifte aux rigueurs et croît par les plaifirs.
De cet Amour le flambeau peut paraître
Moins éclatant; mais fes feux font plus doux:
Voilà le Dieu que mon cœur veut pour maître,
Et je ne veux le fervir que pour vous.

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