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Et grâce au ciel, je fuis loin de les croire.
Que s'il advient que ces petits vers-ci,
Tombent ès mains de quelque galant homme,
C'eft bien raifon qu'il ait quelque fouci

De les cacher s'il fait voyage à Rome.

1

CONTES

DE

GUILLAUME VADÉ.

AVERTISSEMENT.

LES Contes fuivans, jusqu'à celui qui a pour titre La Bégueule, parurent en 1762 fous le nom de Guillaume Vadé, avec quelques autres petits ouvrages en vers et en profe. Catherine Vadé, coufine de Guillaume, en était l'éditeur : nous avons cru devoir conferver la préface.

DE CATHERINE VADÉ.

Je pleure encore la mort de mon coufin JE

Guillaume Vadé qui décéda, comme le fait tout l'univers, il y a quelques années. Il était attaqué de la petite vérole; je le gardais et lui difais en pleurant : Ah! mon coufin, voilà ce que c'eft que de ne vous être pas fait inoculer! il en a coûté la vie à votre frère Antoine, qui était comme vous une des lumières du fiècle. Que voulezvous que je vous dife? me répondit Guillaume ; j'attendais la permiffion de la forbonne, et je vois bien qu'il faut que je meure pour avoir été trop scrupuleux.

L'Etat va faire une furieufe perte, lui répondis-je. Ah! s'écria Guillaume, Alexandre et frère Berthier font morts; Sémiramis et la Fillon, Sophocle et Danchet font en pousfière. Oui, mon cher coufin, mais leurs grands noms demeurent à jamais; ne voulez-vous pas revivre dans la plus noble partie de vous-même ? ne m'accordez-vous pas la permiffion de donner au public, pour le confoler, les contes à dormir debout dont vous nous régalâtes l'année

paffée? ils fefaient les délices de notre famille; et Jérôme Carré, votre coufin issu de germain, fefait prefque autant de cas de vos ouvrages que des fiens : ils plairont fans doute à tout l'univers, c'est-à-dire à une trentaine de lecteurs qui n'auront rien à faire.

Guillaume n'avait pas de fi hautes prétentions; il me dit avec une humilité convenable à un auteur, mais bien rare : Ah! ma coufine, penfez-vous que dans les quatre-vingt-dix mille brochures imprimées à Paris depuis dix ans, mes opufcules puiffent trouver place, et que je puisse surnager fur le fleuve de l'oubli qui engloutit, tous les jours, tant de belles chofes ?

Quand vous ne vivriez que quinze jours après votre mort, lui dis-je, ce ferait toujours beaucoup; il y a très-peu de personnes qui jouiffent de cet avantage. Le deftin de la plupart des hommes eft de vivre ignorés; et ceux qui ont fait le plus de bruit font quelquefois oubliés le lendemain de leur mort; vous ferez diftingué de la foule, et peut-être même le nom de Guillaume Vadé, ayant l'honneur d'être imprimé dans un ou deux journaux, pourra paffer à la dernière poftérité. Sous quel titre voulez-vous que j'imprime vos opufcules? Ma coufine, me

dit-il,

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