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Convertiffons ceux qui devant l'idole
De fon rival ont fléchi les genoux :
Il vous créa la prêtreffe du temple :
A l'hérétique il faut prêcher d'exemple :
Prêchez donc vite, et venez, dès ce jour,
Sacrifier au véritable Amour.

LE COCUAGE.

1716.

JADIS Jupin, de fa femme jaloux,

Par cas plaifant, fait père de famille,
De fon cerveau fit fortir une fille,

Et dit: Du moins celle-ci vient de nous.
Le bon Vulcain, que la cour éthérée
Fit pour les maux époux de Cythérée,
Voulait avoir auffi quelque poupon
Dont il fût sûr et dont feul il fût père.
Car de penfer que le beau Cupidon,
Que les Amours, ornemens de Cythère,
Qui, quoiqu'enfans, enseignent l'art de plaire,
Fuffent les fils d'un fimple forgeron,

Pas ne croyait avoir fait telle affaire.
De fon vacarme il remplit la maison ;

Soins et foucis fon efprit tenaillèrent,

Soupçons jaloux fon cerveau martelèrent.
A fa moitié vingt fois il reprocha
Son trop d'appas, dangereux avantage.
Le pauvre dieu fit tant qu'il accoucha
Par le cerveau de quoi ? de Cocuage.
C'eft-là ce dieu révéré dans Paris,

Dieu mal-fefant, le fléau des maris :
Dès qu'il fut né, fur le chef de fon père
Il effaya fa naiffante colère ;
Sa main novice imprima fur fon front
Les premiers traits d'un éternel affront.
A peine encore eut-il plume nouvelle,
Qu'au bon Hymen il fit guerre immortelle ;
Vous l'euffiez vu l'obfédant en tous lieux,
Et de fon bien s'emparant à fes yeux,
Se promener de ménage en ménage
Tantôt porter la flamme et le ravage,

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Et des brandons allumés dans les mains
Aux yeux de tous éclairer fes larcins.
Tantôt rampant dans l'ombre et le filence,
Le front couvert d'un voile d'innocence,
Chez un époux le matois introduit,
Fefait fon coup fans fcandale et fans bruit.
La Jaloufie au teint pâle et livide,
Et la Malice à l'œil faux et perfide
Guident fes pas où l'Amour le conduit ;
Nonchalamment la Volupté le fuit:
Pour mettre à bout les maris et les belles

De

De traits divers fes carquois font remplis :
Flèches y font pour le cœur des cruelles ;
Cornes y font pour le front des maris.
Or, ce dieu - là mal-fefant ou propice,
Mérite bien qu'on chante son office ;
Et par befoin ou par précaution,

On doit avoir à lui dévotion,

Et lui donner encens et luminaire.
Soit qu'on épouse ou qu'on n'épouse pas,
Soit que l'on faffe ou qu'on craigne le cas,
De fa faveur on a toujours affaire.
O vous, Iris, que j'aimerai toujours,
Quand de vos vœux vous étiez la maîtresse, -
Et qu'un contrat, trafiquant la tendreffe,
N'avait encore affervi vos beaux jours,
Je n'invoquais que le Dieu des amours :
Mais à préfent, père de la trifteffe,
L'Hymen hélas ! vous a mis fous fa loi :
A Cocuage il faut que je m'adresse ;
C'est le feul dieu dans qui j'ai de la foi.

Contes, Satires, &s.

B

LA MULE DU PAPE.

FRERES

RERES très-chers, on lit dans Saint Matthieu Qu'un jour le diable emporta le bon Dieu (a) Sur la montagne ; et puis lui dit : Beau fire, Vois-tu ces mers, vois-tu ce vafte empire, L'Etat romain de l'un à l'autre bout? L'autre reprit, je ne vois rien du tout; Votre montagne en vain serait plus haute. Le diable dit: Mon ami, c'eft ta faute. Mais avec moi veux-tu faire un marché ? Oui- dà, dit Dieu, pourvu que fans péché Honnêtement nous arrangions la chose. Or voici donc ce que je te propofe, Reprit fatan Tout le monde eft à moi, Depuis Adam j'en ai la jouiffance; Je me démets, et tout fera pour toi Si tu me veux faire la révérence.

Notre Seigneur ayant un peu rêvé,

(a) Le jefuite Bouhours fe fervit de cette expreffion, JESUS-CHRIST fut emporté par le diable fur la montagne: c'est ce qui donna lieu à ce noël qui finit ainfi :

Car fans lui faurait-on, don, don,

Que le diable emporta, la, la,
Jéfus notre bon maître ?

Dit au démon que quoiqu'en apparence
Avantageux le marché fût trouvé,
Il ne pouvait le faire en confcience :
Car il avait appris dans fon enfance
Qu'étant fi riche on fait mal fon falut.
Un temps après notre ami Belzébut
Alla dans Rome. Or c'était l'heureux âge
Où Rome avait fourmillière d'élus ;
Le pape était un pauvre perfonnage,
Pasteur de gens, évêque, et rien de plus.
L'efprit malin s'en va droit au faint-père,
Dans fon taudis l'aborde et lui dit : Frère,
Je te ferai, fi tu veux, grand feigneur.
A ce feul mot l'ultramontain pontife
Tombe à fes pieds et lui baife la griffe.
Le farfadet d'un air de fénateur

Lui met au chef une triple couronne :
Prenez, dit-il, ce que Satan vous donne ;
Servez-le bien, vous aurez fa faveur.
O papegots! voilà la belle fource

De tous vos biens, comme favez. Et pour ce
Que le faint-père avait en ce tracas
Baifé l'ergot de meffer Satanas,
Ce fut depuis chose à Rome ordinaire
Que l'on baisât la mule du faint-père.
Ainfi l'ont dit les malins huguenots
Qui du papifme ont blafonné l'hiftoire ;
Mais ces gens-là fentent bien les fagots:

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