NOTES ET VARIANTE S.
(1) L'AUTEUR avait environ vingt ans quand il fit cette pièce adreffée à une dame contre laquelle fon mari avait pris cette étrange précaution; elle fut imprimée en 1724 pour la première fois.
La pièce, dans cette édition, commençait par les vers fuivans :
Jeune beauté, qui ne favez que plaire, A vos genoux, comme bien vous favez, En qualité de prêtre de Cythère, J'ai débité, non morale févère, Mais bien fermons par Vénus approuvés, Gentils propos et toutes les fornettes Dont Rochebrune orne fes chansonnettes. De ces fermons votre cœur fut touché; Jurâtes lors de quitter le péché Que parmi nous on nomme indifférence: Même un baifer m'en donna l'affurance; Mais votre époux, Iris, a tout gâté. Il craint l'Amour: époux fexagénaire Contre ce dieu fut toujours en colère ; C'est bien raifon Amour de fon côté : Affez fouvent ne les épargne guère. Celui-ci donc tient de court vos appas. Plus ne venez fur les bords de la Seine Dans ces jardins où filvains à centaine Et le dieu Pan vont prendre leurs ébats; Où tous les foirs nymphes jeunes et blanches,, Les Courcillons, Polignacs, Villefranches, Près du baffin, devant plus d'un Pâris,
:
De la beauté vont difputer le prix.
Plus ne venez au palais des Francines, (*) Dans ce pays où tout eft fiction,
Où l'Amour feul fait mouvoir cent machines,
(*) Ancien directeur de l'opéra.
Plaindre Théfée et fiffler Arion. (*) Trop bien, hélas! à votre époux foumife, On ne vous voit tout au plus qu'à l'églife; Le fcélérat a de plus attenté
Par cas nouveau fur votre liberté.
Pour éclaircir pleinement ce mystère D'un peu plus loin reprenons cette affaire. Vous connaiffez la déeffe Cérès; Or en fon temps Cérès eut une fille, Semblable à vous, à vos fcrupules près, Belle, fenfible, honneur de fa famille, Brune furtout, partant pleine d'attraits: Ainfi que vous par le dieu d'hymenée La pauvre enfant fut affez mal menée. Le dieu des morts fut fon barbare époux: Il était louche, avare, hargneux, jaloux, Il fut cocu; c'était bien la juftice. Pirithois, &c.
(2) Voyez qu'il eft peu d'intrigues fecrètes.
Pluton fut tout. Certain de fon malheur, Peftant, jurant, pénétré de douleur, Le dieu donna fa femme à tous les diables; Premiers tranfports font un peu pardonnables. Bientôt après deyant fon tribunal
Il convoqua le fénat infernal;
A fon confeil vinrent les faintes ames De ces maris dévolus aux enfers.
(3) Et le galant vit fort à la romaine.
Mais ne craignez pour votre liberté ; Tous fes efforts feront pures vétilles; De par Vénus, vous reprendrez vos droits, Et mon amour eft plus fort mille fois
Que cadenas, verroux, portes ni grilles.
(*) Arion, opéra de Fufelier, joué fans fuccès en avril
1714.
A MADEMOISELLE LE COUVREUR (*).
O Du théâtre aimable fouveraine, Belle Chloé, fille de Melpomène, Puiffent ces vers de vous être goûtés! Amour le veut, Amour les a dictés. Ce petit dieu, de fon aile légère, Un arc en main, parcourait l'autre jour Tous les recoins de votre fanctuaire ; Car le théâtre appartient à l'Amour : Tous fes héros font enfans de Cythère. Hélas, Amour! que tu fus confterné, Lorsque tu vis ce temple profané, Et ton rival, de fon culte hérétique Etabliffant l'usage anti-physique, Accompagné de fes mignons fleuris, Fouler aux pieds les myrtes de Cypris!
Cet ennemi jadis eut dans Gomore Plus d'un autel, et les aurait encore,
(*) Cette pièce qui est du même temps que la précédente
a été imprimée d'abord comme adreffée à mademoiselle Ducles.
ᏚᎥ
par le feu fon
pays confumé
En lac un jour n'eût été transformé. Ce conte n'eft de la métamorphofe, Car gens de bien m'ont expliqué la chofe Très-doctement; et partant ne veux pas Mécroire en rien la vérité du cas.
Ainfi que Loth, chaffé de fon afile, Ce pauvre dieu courut de ville en ville; Il vint en Gréce, il y donna leçon Plus d'une fois à Socrate, à Platon; Chez des héros il fit fa réfidence, Tantôt à Rome, et tantôt à Florence; Cherchant toujours, fi bien vous l'obfèrvez, Peuples polis et par art cultivés. Maintenant donc le voici dans Lutèce,
Séjour fameux des effrénés défirs,
Et qui vaut bien l'Italie et la Gréce,
Quoi qu'on en dife, au moins pour les plaifirs. Là, pour tenter notre faible nature,
Ce dieu paraît fous humaine figure; Et n'a point pris bourdon de pélerin, Comme autrefois l'a pratiqué Jupin, Qui, voyageant au pays où nous fommes, Quittait les cieux pour éprouver les hommes. Il n'a point l'air de ce pefant abbé, Brutalement dans le vice absorbé,
Qui tourmentant en tout fens fon espèce, Mord fon prochain, et corrompt la jeunesse ;
Lui, dont l'œil louche, et le mufle effronté, Font friffonner la tendre volupté ;
Et qu'on prendrait, dans fes fureurs étranges, Pour un démon qui viole des anges. Ce dieu fait trop qu'en un pédant craffeux, Le plaifir même eft un objet hideux.
D'un beau marquis il a pris le vifage, Le doux maintien, l'air fin, l'adroit langage; Trente mignons le fuivent en riant; Philis le lorgne, et fonpire en fuyant. Ce faux Amour fe pavane à toute heure, Sur le théâtre aux mufes destiné, Où par Racine en triomphe amené, L'Amour galant choisissait fa demeure. Que dis-je ? hélas ! l'Amour n'habite plus Dans ce réduit. Désespéré, confus, Des fiers fuccès du dieu qu'on lui préfère, L'Amour honnête eft allé chez fa mère, D'où rarement il defcend ici bas.
Belle Chloé, ce n'est que fur vos pas Qu'il vient encor. Chloé, pour vous entendre,
Du haut des cieux j'ai vu ce dieu descendre Sur le théâtre; il vole parmi nous,
Quand fous le nom de Phèdre, ou de Monime, Vous partagez entre Racine et vous De notre encens le tribut légitime.
Si vous voulez que cet enfant jaloux De ces beaux lieux déformais ne s'envole,
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