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VIVEZ pour peu d'amis, occupez peu d'espace;
Faites du bien surtout, formez peu de projets.
Vos jours seront heureux; et, si ce bonheur passe,
Il ne vous laissera ni remords ni regrets.

***

PALAIS, nous durons moins que vous,
Quoique des élémens vous souteniez la guerre,
Et quoique du sein de la terre
Vous soyez tirés comme nous.

Frêles machines que nous sommes,
A peine passons-nous d'un siècle le milieu;
Un rien peut nous détruire, et l'ouvrage d'un Dieu
Dure moins que celui des hommes.

M.me DESHOULIÈRES.

LES DIVERS SENTIERS.

:

SORTANT du chemin de l'enfance,
Mille sentiers frappent mes yeux;
Je m'arrête le Temps s'avance,
Me pressant de choisir l'un d'eux.
« Pour te distinguer et pour plaire,
» Prends, me dit-il, le moins connu:
» Crois-moi, le pied ne marque guère
» Dans un sentier déjà battu.

» Celui que trace la Prudence
» Par tes yeux ne peut être vu :

Cerche celui de l'Innocence;

» Depuis long-temps il est perdu.
» Pour l'Amour, j'en donne la preuve
» A bien plus d'un nouveau venu,
» Souvent sa route, qu'on croit neuve,
>> Est un sentier déjà battu.

» Vois-tu celui de la Constance?
» C'est un chemin presque inconnu:
» Celui du Plaisir semble immense;
» Dans l'instant il est parcouru.
>> Si ce choix encor t'embarrasse,
» Prends le sentier de la Vertu:
>> Crains surtout d'en perdre la trace;
>> Car ce sentier n'est pas battu. >>

***

QUE vous êtes dispos, grâces aux destinées !
Combien, mon cher, avez-vous bien d'années?
Disais-je au vieux monsieur Anroux.

-Pas une, reprit-il. J'aime fort ses pensées :
Nous n'avons pas celles qui sont passées,
Et l'avenir n'est pas encore à nous.

LAMARTINIÈRE.

L'EXISTENCE est une pendule
Que par soi-même il faut guider.
Malheur à l'homme trop crédule
Qui la donne à raccommoder!

On croit qu'Esculape calcule
Lorsqu'il s'agit d'y regarder;
Mais il l'avance sans scrupule,
Ne pouvant pas la retarder.

Le temps, d'un insensible cours,
Nous porte au terme de nos jours:
C'est à notre sage conduite,
Sans murmurer de ce défaut,
A nous consoler de sa fuite

En le ménageant comme il faut.

RESIGNATION.

***

MALHERBE

LA vieillesse est un doux repos;
Mais il faut l'animer : les jeux de la jeunesse,
Ses plaisirs, ses rians propos
Emousseront pour moi le ciseau d'Atropos.

Vieillards, fuyez les tranquilles pavots; Chantez Bacchus, l'Amour et le dieu Délos : Songez que sur le Temps et la faux qui s'apprête Un jour heureux de plus est un jour de conquête, Et le prix des plus longs travaux.

DE TRESSAN.

NOTRE cœur est un gouffre immense.
Le rang, les honneurs, les plaisirs,
Et le crédit, et l'opulence,

Sont dévorés par les désirs.

Bientôt les vœux les plus rapides

Ont remplacé les vœux qu'il a vu s'accomplir.
C'est le tonneau des Danaïdes

Qu'on ne saurait jamais remplir.

Rorou.

QUE l'homme connaît peu la mort qu'il appréhende Quand il dit qu'elle le surprend !

Elle naît avec lui, sans cesse lui demande

Un tribut dont en vain son orgueil se défend.

Il commence à mourir long-temps avant qu'il meure: Il périt en détail imperceptiblement.*

Le nom de mort qu'on donne à notre dernière heure N'en est que l'accomplissement.

M.me DESHOULIÈRES.

Le monde nous séduit, et la vie est un songe:
L'homme sans y penser, croyant vivre, s'endort;
Le Temps sans faire bruit nous détruit et nous ronge,
Et l'on se réveille à la mort.

LAMONNOYE.

DANS l'univers tout aime, tout désire ; Du tendre Amour tout peint la volupté. Si le papillon vole avec légèreté,

Un autre papillon l'attire.

Les fleurs en s'agitant semblent se caresser,

Et le lierre à l'ormeau s'unit pour

l'embrasser.

Les oiseaux sont charmés de pouvoir se répondre;
Et le doux murmure des eaux
Est causé par plusieurs ruisseaux
Qui se cherchent pour se confondre.

FAVART.

L'AMOUR égale sous sa loi
La bergère ainsi que le roi.
Sitôt qu'il en fait sa maîtresse,
Sitôt qu'elle a pu l'engager,
La bergère devient princesse,
Ou le prince devient berger.

BUSSY-RABUTIN.

L'AIGUILLON de l'Amour c'est la difficulté ;
Ses charines sont détruits par la facilité

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