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Ce dangereux enfant, si tendre, si cruel,
Porte en sa faible main le destin de la terre,
Donne, avec un souris, ou la paix ou la guerre,
Et, répandant partout ses trompeuses douceurs,
Anime l'univers, et vit dans tous les cœurs.

VOLTAIRE (Henriade).

L'AMOUR à nous vaincre est preste;
Mais la défaite d'un cœur
Lui devient souvent funeste;
Il meurt dès qu'il est vainqueur.
Ainsi, quand le frelon blesse,
Il succombe à son effort:
Son aiguillon, qu'il nous laisse,
Est la cause de sa mort.

AMOUR, Amour, quand tu nous tiens,

On peut bien dire : Adieu prudence.

***

LA FONTAINE (Fab. 1, Liv. VI).

Tourmens d'Amour.

D'UN autre recevoir la loi;

Jamais n'être maître de soi;

Promettre ce qu'on ne peut faire ;
Craindre beaucoup plus qu'on n'espère ;
De longs entretiens superflus;

Sentir assez, dire encor plus;
S'attaquer bien, mal se défendre ;
S'abandonner, puis se reprendre;
Portr. et Caract.

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Être fou raisonnablement;

Être gai sérieusement;

Peu de repos, bien des caprices;
Peu de plaisirs, bien des supplices;
Se pardonner pour s'offenser;
Se rappeler pour se chasser;
Raccommodemens, puis injures;
Nouveaux sermens, nouveaux parjures;
la guerre tour à tour;

La paix,
En raccourci, voilà l'Amour.

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Si la fièvre d'amour avait, quand il nous berce,
Ses jours intermittens comme la fièvre tierce,
On serait, ces jours-là, honteux jusqu'à l'excès
Des sottises qu'on fait quand on est dans l'accès.

J.-B. ROUSSEAU ( Flatteur). (Voyez l'Hymne à l'Amour, Tome X).

ATHÉE.

Le cœur qui n'aima point fut le premier athée.

VOLTAIRE.

CET impie en santé croit son corps éternel;

Mais il croit qu'à la mort son esprit est mortel (1).

ASSELIN.

(1) Dieu explique le monde, et le monde le prouve; mais l'athee

nie Dieu en sa présence.

RIVAROL.

DANS tout pays l'athée est funeste aux états;
Et, s'il ne l'est lui-même, il fait des scélérats.

FÉNÉLON.

DIEU t'a fait pour l'aimer, et non pour le comprendre: Invisible à tes yeux, qu'il règne dans ton cœur.

VOLTAIRE (Henriade).

Loin de rien décider sur cet Être suprême,
Gardons, en l'adorant, un silence profond.
Le mystère est immense, et l'esprit s'y confond;
Pour dire ce qu'il est, il faut être lui-même (1).

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N'ont pu créer mon âme, essence de lumière.
Je pense : ma pensée atteste plus un Dieu
Que tout le firmament et ses globes de feu.
Voilé de sa splendeur, dans sa gloire profonde,
D'un regard éternel il enfante le monde :

(1) Ce Dieu que tu ne peux ni définir ni comprendre, mais que le sens intime te démontre, et que l'univers et ses lois mathématiques te prouvent :

Que tu l'appelles Destin, tu n'erres point; il est celui de qui tout dépend:

Que tu l'appelles Nature, tu n'erres point; il est celui de qui tout est né :

Que tu l'appelles Providence; tu n'erres point; c'est dans ses conseils que le monde déploie ses moyens,

LINNÉE.

Par le fatras d'un éloge burlesque;

Et, sans s'armer d'un courroux pédantesque,
Sait, ménageant un trop faible cerveau,
De la raison gouverner le flambeau ;
Des passions il excuse l'ivresse ;

Et pardonnant ce qui n'est que faiblesse,
Au vice seul, que sans cesse il poursuit,
Montre avec soin la lumière qui fuit.
Tel un roi juste, ennemi des entraves
Où le tyran fait gémir ses esclaves,
Veut seulement ses sujets vertueux,
Sans oublier qu'il est homme comme eux.
A ses projets ses peuples applaudissent;
D'éloges vrais tous les lieux retentissent;
On le chérit, et son aimable aspect

Dans tous les cœurs joint l'amour au respect.
Tel un ami, compatissant et tendre,
Sait pardonner plus souvent que reprendre;
Toujours heureux, il jouit à son tour
Des droits charmans d'un mutuel amour.

***

LORSQUE dans le malheur un ami nous console,
Tout paraît s'embellir, tout flatte notre espoir;
A sa voix qui conseille, et sait tout émouvoir,
L'espérance renaît, et le chagrin s'envole.

CARDONNE-BASsuel.

DEUX vrais amis vivaient au Monomotapa ;
L'un ne possédait rien qui n'appartînt à l'autre ;
Les amis de ce pays-là

Valent bien, dit-on, ceux du nôtre.

il s'arme,

Une nuit que chacun s'occupait au sommeil,
Et mettait à profit l'absence du soleil,
Un de nos deux amis sort du lit en alarme ;
Il court chez son intime, éveille les valets :
Morphée avait touché le seuil de ce palais.
L'ami couché s'étonne ; il preud sa bourse,
Vient trouver l'autre, et dit: Il vous arrive peu
De courir quand on dort ; vous me paraissiez homme
A mieux user du temps destiné pour le somme:
N'auriez-vous point perdu tout votre argent au jeu?
En voici. S'il vous est venu quelque querelle,
J'ai mon épée, allons. Vous ennuyez-vous point
De coucher toujours seul? Une esclave assez belle
Etait à mes côtés; voulez-vous qu'on l'appelle?
Non, dit l'ami; ce n'est ni l'un ni l'autre point:
Je vous rends grâce de ce zèle.

Vous m'êtes en dormant un peu triste apparu;
J'ai craint qu'il ne fût vrai; je suis vite accouru.
Ce maudit songe en est la cause.

QU'UN ami véritable est une douce chose!
Il cherche vos besoins au fond de votre cœur:
Il vous épargne la pudeur

De les lui découvrir vous-même.

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