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des petits, modération d'avarice et dè

convoitise.

Cette égalité, disent-ils, est une chimèrs de spéculation, qui ne peut exister dans la pratique mais si l'abus est inévitable 'ensuit-il qu il ne faille pas au moins le régler? C'est précisément parce que la force des choses tend toujours à détruire l'égalité, que la force de la législation doit toujours tendre à la maintenir.

Mais ces objets généraux de toute bonne institution doivent être modifiés en chaque pays, par les rapports qui naissent ant de la situation locale que du caractère des habitans; et c'est sur ces raj es rapports qu'il faut assigner à chaque peuple un systême particulier d'institution, qui soit le meilleur, hon peut-être en lui même, mais pour l'état auquel il est destiné. Par exemple, le sol est-il ingrat et stérile, ou le pays trop serré pour les habitans? tournez-vous du

côté de l'industrie et des arts, dont vous échangerez les productions contre les denrées qui vous manquent. Au contraire, occupez-vous de riches plaines et des cô teaux fertiles? dans un beau terrein, man quez-vous d'habitans? donnez tous vos soins l'agriculture qui multiplie les hommes

et chassez les arts qui ne feraient qu'achever de dépeupler le pays, en attroupant sur quelques points du territoire le peu d'habitans qu'il a (1). Occupez-vous des rivages étendus et commodes? couvrez la mer de vaisseaux, cultivez le commerce et la navigation; vous aurez une existence brillante et courte. La mer ne baigne-t-elle sur vos côtes que des rochers presque inaccessibles? restez barbares et ichtyophages, vous en vivrez plus tranquilles, meilleurs, peut-être, et sûrement plus heureux. En un mot, outre les maximes communes à tous, chaque peuple renferme en lui quelque cause qui les ordonne d'une manière particulière, et rend sa législation propre à lui seul. C'est ainsi qu'autrefois les Ĥébreux, et récemment les Arabes, ont eu pour principal objet la religion; les Atheniens, les lettres; Carthage et Tyr, le commerce; Rhodes, la marine; Sparte, la guerre; et Rome la vertu. L'auteur de

(1) Quelque branche de commerce extérieur, dit le M. d'A., ne répand guères qu'une fausse utilité pour un royaume en général; elle peut enrichir quelques parti culiers, même quelques villes; mais la nation entière n'y gagne rien, et le peuple n'en est pas mieux.

l'Esprit des Loix a montré dans des foules d'exemples, par quel art le législateur dirige l'institution vers chacun de ces objets.

Ce qui rend la constitution d'un état véritablement solide et durable, c'est quand les convenances sont tellement observées que les rapports naturels et les loix tombent toujours de concert sur les mêmes points, et que celles-ci ne font, pour ainsi dire, qu'assurer , accompagner, rectifier les autres. Mais si le législateur, se trompant dans son objet, prend un principe différent de celui qui naît de la nature des choses, que l'uu tende à la servitude et l'autre à la liberté, l'un aux richesses l'autre aux conquêtes; on verra les loix s'affaiblir insensiblement, la constitution s'altérer, et l'état ne cessera d'être agité jusqu'à ce qu'il soit détruit ou changé, et que l'invincible nature ait repris son empire.

CHAPITRE

POUR

Division des Loix.

X I I.

OUR ordonner le tout, ou donner la meilleure forme possible à la chose publi

que, it y a diverses relations à considérer. Premièrement, l'action du corps entier agissant sur lui-même, c'est-à-dire le rapport du tout au tout, ou du souverain à l'état et ce rapport est composé de celui des termes intermédiaires comme nous le verrons ci-aprés.

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Les loix qui réglent ce rapport portent le nom de loix politiques, et s'appellent aussi loix fondamentales, non sans quelque raison, si ces loix sont sages. Car s'il n'y a dans chaque état qu'une bonne manière de l'ordonner, le peuple qui l'a trouvée doit s'y tenir : mais si l'ordre établi est mauvais, pourquoi prendrait-on pour fondamentales des loix qui l'empêchent d'être bon? D'ailleurs, en tout état de cause, un peuple est toujours le maître de changer ses loix, même les meilleures ; car s'il lui plaît de se faire mal à lui-même, qui estce qui a droit de l'en empêcher ?

La seconde relation est celle des membres entr'eux ou avec le corps entier, et ce rapport doit être au premier égard aussi petit, et au second aussi grand qu'il est possible; en sorte que chaque citoyen soit dans une parfaite indépendance de tous les autres, c'est une excessive dépendance

de la cité ce qui se fait toujours par les mêmes moyens; car il n'y a que la force de l'état qui fasse la liberté de ses membres. C'est de ce deuxième rapport que naissent les loix civiles.

On peut considérer une troisième sorte de relation en re l'homme et la loi, savoir, celle de la désobéissance à la peine; et celleci donne lieu à l'établissement des loix criminelles, qui, dans le fond, sont moins une espèce particulière des loix, que la sanction de toutes les autres.

A ces trois sortes de loix, il s'en joint une quatrième, la plus importante de toutes, qui ne se grave ni sur le marbre, ni sur l'airain, mais dans les cœurs des citoyens; qui fait la véritable constitution de l'état; qui prend tous les jours de nouvelles forces; qui, lorsque les autres loix vieillissent ou s'éteignent, les ranime ou les supplée, conserve un peuple dans l'esprit de son institution, et substitue insensiblement la force de l'habitude à celle de l'autorité. Je parle des mœurs, des coutumes, et sur-tout de l'opinion partie inconnue à nos politiques, mais de laquelle dépend le succès de toutes les autres; partie dont le grand législateur s'occupe en secret

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