Page images
PDF
EPUB

trages. L'application à récompenser le bien et | constance et ce mépris sont à leur esprit ce à se venger du mal, leur paroît une servitude que le bandeau est à leurs yeux 1. à laquelle ils ont peine de se soumettre.

XV.

La clémence des princes n'est souvent qu'une politique pour gagner l'affection des peuples.

* XVI.

Cette clémence, dont on fait une vertu, se pratique, tantôt par vanité, quelquefois par paresse, souvent par crainte, et presque toujours par tous les trois ensemble '.

XVII.

La modération des personnes heureuses vient du calme que la bonne fortune donne à leur humeur 2.

XVIII.

La modération est une crainte de tomber dans l'envie et dans le mépris que méritent ceux qui s'enivrent de leur bonheur : c'est une vaine ostentation de la force de notre esprit ; et enfin la modération des hommes dans leur

* XXII.

La philosophie triomphe aisément des maux passés et des maux à venir; mais les maux présents triomphent d'elle ".

* XXIII.

Peu de gens connoissent la mort; on ne la souffre pas ordinairement par résolution, mais par stupidité et par coutume; et la plupart des hommes meurent, parce qu'on ne peut s'empêcher de mourir 3.

XXIV.

Lorsque les grands hommes se laissent abattre par la longueur de leurs infortunes, ils font voir qu'ils ne les soutenoient que par la force de leur ambition, et non par celle de leur ame; et qu'à une grande vanité près, les héros sont faits comme les autres hommes 4.

XXV.

plus haute élévation, est un desir de paroître la bonne fortune que la mauvaise 5. Il faut de plus grandes vertus pour soutenir plus grands que leur fortune.

XIX.

* XXVI.

Le soleil ni la mort ne se peuvent regarder

Nous avons tous assez de force pour sup- fixement. porter les maux d'autrui.

* XX.

La constance des sages n'est que l'art de renfermer leur agitation dans leur cœur.

XXI.

XXVII.

On fait souvent vanité des passions, même

I Var. Ceux qu'on fait mourir affectent quelquefois des constances, des froideurs et des mépris de la mort, pour ne pas penser à elle; de sorte qu'on peut dire que ces froideurs et ces mépris font à leur esprit ce que le bandeau fait à leurs yeux. (1665-no 24.)

2 Var. La philosophie triomphe aisément des maux passés et de ceux qui ne sont pas prêts d'arriver, mais les maux présents

Ceux qu'on condamne au supplice affectent triomphent d'elle. (1665–no 25.) quelquefois une constance et un mépris de la mort, qui n'est en effet que la crainte de l'envisager; de sorte qu'on peut dire que cette

Var. La clémence, dont nous faisons une vertu, se pratique tantôt pour la gloire, quelquefois par paresse, souvent par crainte, et presque toujours par tous les trois ensemble. (1663❘ -Ir 46.)

› Var. La modération des personnes heureuses est le calme de leur humeur adoucie par la possession du bien. (1663– no 19.)

3 Var. Dans la première édition, cette réflexion se termine ainsi.....et la plupart des hommes meurent parce qu'on meurt. (4665-no 26.)

4 Var. Les grands hommes s'abattent et se démontent à la fin par la longueur de leurs infortunes; cela fait bien voir qu'ils n'étoient pas forts quand ils les supportoient, mais seulement qu'ils se donnoient la gène pour le paroître, et qu'ils soutenoient leurs malheurs par la force de leur ambition, et non pas par celle de leur ame; enfin, à une grande vanité près, les héros sont faits comme les autres hommes. (1665—no 27.)

5 Var. Il faut de plus grandes vertus et en plus grand nombre pour soutenir la bonne fortune que la mauvaise. (1665—no 28. )

[blocks in formation]

1 Var. Quoique toutes les passions se dussent cacher, elles ne craignent pas néanmoins le jour; la seule envie est une passion timide et honteuse qu'on n'ose jamais avouer. (4665—no 30. ) 2 Vur. La jalousie est raisonnable et juste en quelque manière, puisqu'elle ne cherche qu'à conserver un bien qui nous appartient, ou que nous croyons nous appartenir; au lieu que l'envie

est une fureur qui nous fait toujours souhaiter la ruine du bien des autres. (4665—no 31.)

3 Var. Si nous n'avions point de défauts, nous ne serions pas si aises d'en remarquer aux autres. (4665—no 34.)

4 Var. La jalousie ne subsiste que dans les doutes: l'incertitude est sa matière; c'est une passion qui cherche tous les jours de nouveaux sujets d'inquiétude et de nouveaux tourments. On cesse d'être jaloux dès que l'on est éclairci de ce qui causoit la jalousie. (1663-no 33.) — La jalousie se nourrit dans les doutes. C'est une passion qui cherche toujours de nouveaux sujets d'inquiétude et de nouveaux tourments, et elle devient fureur sitôt qu'on passe du doute à la certitude. (1666-no 32. )

* XXXIV.

Si nous n'avions point d'orgueil, nous ne nous plaindrions pas de celui des autres. * XXXV.

L'orgueil est égal dans tous les hommes, et iln'y a de différence qu'aux moyens et à la manière de le mettre à jour.

XXXVI.

Il semble que la nature, qui a si sagement disposé les organes de notre corps pour nous rendre heureux, nous ait aussi donné l'orgueil pour nous épargner la douleur de connoître nos imperfections'.

* XXXVII.

L'orgueil a plus de part que la bonté aux remontrances que nous faisons à ceux qui commettent des fautes, et nous ne les reprenons pas tant pour les en corriger, que pour leur persuader que nous en sommes exempts.

'XXXVIII.

Nous promettons selon nos espérances, et nous tenons selon nos craintes.

XXXIX.

L'intérêt parle toutes sortes de langues, et joue toutes sortes de personnages, même celui de désintéressé.

XL.

[blocks in formation]
[merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][ocr errors]

Var. Ceux qui se sentent du mérite se piquent toujours d'être malheureux, pour persuader aux autres et à eux-mêmes qu'ils sont au-dessus de leurs malheurs, et qu'ils sont dignes

On n'est jamais si heureux ni si malheureux d'être en butte à la fortune. (1665-no 57.) On trouve dans la qu'on s'imagine 3.

Var. L'homme est conduit, lorsqu'il croit se conduire, et pendant que par son esprit il vise à un endroit, son cœur l'achemine insensiblement à un autre. (4665-no 47.)

a Var. L'attachement ou l'indifférence pour la vie, sont des goûts de l'amour-propre, dont on ne doit non plus disputer que de ceux de la langue, ou du choix des couleurs. (1663-no 32.) 3 Var. On n'est jamais si malheureux qu'on croit, ni si heureux qu'on avoit espéré. (1665-no 59.)-On n'est jamais si heureux ni si malheureux que l'on pense. (1666-no 30.)

même édition (no 60) la même pensée ainsi rédigée : « On se console souvent d'être malheureux par un certain plaisir qu'on trouve à le paroître. »

Var. Rien ne doit tant diminuer la satisfaction que nous avons de nous-mêmes, que de voir que nous avons été contents dans l'état et dans les sentiments que nous désapprouvons à cette heure. (4665.-no 38.)

3 Var. Quelque différence qu'il y ait entre les fortunes, il y a pourtant une certaine proportion de biens et de maux qui les rend égales. (4665—no 61.)

4 Var. Quelques grands avantages que la nature donne, ce n'est pas elle, mais la fortune qui fait les héros. ( 4663–no 62, }

posséder se console et s'adoucit par le mépris | perceptible ambition de rendre nos témoignages que l'on témoigne de ceux qui la possèdent; et considérables, et d'attirer à nos paroles un resnous leur refusons nos hommages, ne pouvant pect de religion. pas leur ôter ce qui leur attire ceux de tout le monde.

LVI.

Pour s'établir dans le monde, on fait tout ce que l'on peut pour y paroître établi.

LVII.

Quoique les hommes se flattent de leurs grandes actions, elles ne sont pas souvent les effets d'un grand dessein, mais des effets du hasard'.

LVIII.

Il semble que nos actions aient des étoiles heureuses ou malheureuses, à qui elles doivent une grande partie de la louange et du blâme qu'on leur donne.

LIX.

Il n'y a point d'accidents si malheureux dont les habiles gens ne tirent quelque avantage, ni de si heureux que les imprudents ne puissent tourner à leur préjudice.

LX.

LXIV.

La vérité ne fait pas tant de bien dans le monde, que ses apparences y font de mal. * LXV.

Il n'y a point d'éloges qu'on ne donne à la prudence; cependant elle ne sauroit nous assurer du moindre évènement 1.

LXVI.

Un habile homme doit régler le rang de ses intérêts, et les conduire chacun dans son ordre. Notre avidité le trouble souvent, en nous faisant courir à tant de choses à la fois, que pour desirer trop les moins importantes, on manque les plus considérables.

* LXVII.

La bonne grâce est au corps ce que le bon sens est à l'esprit.

LXVIII.

Il est difficile de définir l'amour: ce qu'on en

La fortune tourne tout à l'avantage de ceux peut dire est que, dans l'ame, c'est une passion qu'elle favorise ".

LXI.

Le bonheur et le malheur des hommes ne dépend pas moins de leur humeur que de la fortune.

LXII.

La sincérité est une ouverture de cœur. On la trouve en fort peu de et celle gens; l'on que voit d'ordinaire, n'est qu'une fine dissimulation pour attirer la confiance des autres.

LXIII.

L'aversion du mensonge est souvent une im

› Var. Quoique la grandeur des ministres se flatte de celle de leurs actions, elles sont bien souvent les effets du hasard ou de quelque petit dessein. ( 1665—no 66.)

» Var. La fortune ne laisse rien perdre pour les hommes heureux. ( 1665-no 69.)

Var. L'auteur s'est essayé plusieurs fois avant d'arriver à une précision si parfaite. Voici comment il s'exprimoit dans sa première édition : « On élève la prudence jusqu'au ciel, et il n'est sorte d'éloges qu'on ne lui donne; elle est la règle de nos actions et de notre conduite, elle est la maîtresse de la fortune,

elle fait le destin des empires; sans elle on a tous les maux,

avec elle on a tous les biens; et comme disoit autrefois un poète, quand nous avons la prudence, il ne nous manque aucune divinité: Nullum numen abest, si sit prudentia. (JUVĖNAL, Sat. x), pour dire que nous trouvons dans la prudence tout le secours que nous demandons aux dieux. Cependant la prudence la plus consommée ne sauroit nous assurer du plus petit effet du monde, parce que travaillant sur une matière aussi changeante et aussi inconnue qu'est l'homme, elle ne peut exécuter sûrement aucun de ses projets : d'où il faut conclure que toutes les louanges dont nous flattons notre prudence, ne sont que des effets de notre amour-propre, qui s'applaudit en toutes choses et en toutes rencontres. » ( 4665—no 73. ) Dès la seconde édition, l'auteur se corrigea ainsi : « Il n'y a point d'éloges qu'on ne donne à la prudence. Cependant, quelque grande qu'elle soit, elle ne sauroit nous assurer du moindre évènement, parcequ'elle travaille sur l'homme, qui est le sujet du monde le plus changeant. » (1666—no 66 ; —1671,1675—no 65.) Enfin, dans sa dernière édition, l'auteur refit cette pensée telle qu'elle est aujour d'hui. Ces différents essais offrent une étude de style bien digne d'être méditée.

[merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][ocr errors][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small]

Il n'y a que d'une sorte d'amour, mais il y leure, une lassitude de la guerre, et une crainte en a mille différentes copies. de quelque mauvais évènement 3.

LXXV.

L'amour, aussi-bien que le feu, ne peut subsister sans un mouvement continuel; et il cesse de vivre dès qu'il cesse d'espérer ou de craindre.

LXXVI.

Il est du véritable amour comme de l'apparition des esprits: tout le monde en parle, mais peu de gens en ont vu.

Var. Il n'y a point d'amour pur et exempt du mélange des autres passions, que celui qui est caché au fond du cœur, et que nous ignorons nous-mêmes. (1665—no 79. )

* Var. Qui n'ont jamais fait de galanterie. (4663—no 83.)

* LXXXIII.

Ce que les hommes ont nommé amitié, n'est

Var. La justice n'est qu'une vive appréhension qu'on ne nous ôte ce qui nous appartient : de là vient cette considération et ce respect pour tous les intérêts du prochain, et cette scrupuleuse application à ne lui faire aucun préjudice : cette crainte retient l'homme dans les bornes des biens que la naissance ou la fortune lui ont donnés ; et sans cette crainte, il feroit des courses continuelles sur les autres. (4665—1o 88.)—On blame l'injustice, non pas par l'aversion que l'on a pour elle, mais pour le préju dice que l'on en reçoit. (1663-no 90.)

Var. Ce qui rend nos inclinations si légères et si changeantes, c'est qu'il est aisé de connoître les qualités de l'esprit, et difficile de connoître celles de l'ame. (1663 — no 93.)

3 Var. La réconciliation avec nos ennemis, qui se fait au nom de la sincérité, de la douceur, et de la tendresse. (1665— n• 93.)

[ocr errors]
« PreviousContinue »