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sans rois, sans princes, sans sacrifices, sans au- | Dieu, en parle. Elle nous dit bien que la beauté tel. (OSÉE, 3, 4.) des créatures fait connoître celui qui en est l'auQue les Juifs subsisteroient toujours néan- teur; mais elle ne nous dit pas qu'elles fassent moins en peuple. (JÉRÉM., 31, 36.)

ARTICLE XV.

On ne connoit Dieu utilement que par Jésus-Christ.

I.

La plupart de ceux qui entreprennent de prouver la divinité aux impies commencent d'ordinaire par les ouvrages de la nature, et ils réussissent rarement. Je n'attaque pas la solidité de ces preuves consacrées par l'Écriture sainte elles sont conformes à la raison; mais souvent elles ne sont pas assez conformes et assez proportionnées à la disposition de l'esprit de ceux pour qui elles sont destinées.

:

Car il faut remarquer qu'on n'adresse pas ce discours à ceux qui ont la foi vive dans le cœur, et qui voient incontinent que tout ce qui est n'est autre chose que l'ouvrage du Dieu qu'ils adorent. C'est à eux que toute la nature parle pour son auteur, et que les cieux annoncent la gloire de Dieu. Mais pour ceux en qui cette lumière est éteinte, et dans lesquels on a dessein de la faire revivre, ces personnes destituées de foi et de charité, qui ne trouvent que ténèbres et obscurité dans toute la nature, il semble que ce ne soit pas le moyen de les ramener, que de ne leur donner pour preuves de ce grand et important sujet que le cours de la lune ou des planètes, ou des raisonnements communs, et contre lesquels ils se sont continuellement roidis. L'endurcissement de leur esprit les a rendus sourds à cette voix de la nature, qui a retenti continuellement à leurs oreilles ; et l'expérience fait voir que, bien loin qu'on les emporte par ce moyen, rien n'est plus capable au contraire de les rebuter, et de leur ôter l'espérance de trouver la vérité, que de prétendre les en convaincre seulement par ces sortes de raisonnements, et de leur dire qu'ils doivent y voir la vérité à découvert.

Ce n'est pas de cette sorte que l'Écriture, qui connoît mieux que nous les choses qui sont de

cet effet dans tout le monde. Elle nous avertit, au contraire, que, quand elles le font, ce n'est pas par elles-mêmes, mais par la lumière que Dieu répand en même temps dans l'esprit de ceux à qui il se découvre par ce moyen: Quod notum est Dei, manifestum est in illis; Deus enim illis manifestavit. (Rom., 1, 19.) Elle nous dit généralement que Dieu est un Dieu caché: Verè tu es Deus absconditus (Is., 45, 15); et que depuis la corruption de la nature, il a laissé les hommes dans un aveuglement dont ils ne peuvent sortir que par Jésus-Christ, hors duquel toute communication avec Dieu nous est ôtée : Nemo novit patrem nisi filius, et cui voluerit filius revelare. (MATTH., 11, 27.)

C'est encore ce que l'Écriture nous marque, lorsqu'elle nous dit, en tant d'endroits, que ceux qui cherchent Dieu le trouvent; car on ne parle point ainsi d'une lumière claire et évidente: on ne la cherche point; elle se découvre et se fait voir d'elle-même.

II.

Les preuves de Dieu métaphysiques sont si éloignées du raisonnement des hommes, et si impliquées, qu'elles frappent peu; et quand cela serviroit à quelques uns, ce ne seroit que pendant l'instant qu'ils voient cette démonstration; mais, une heure après, ils craignent de s'être trompés. Quod curiositate cognoverint, superbiâ amiserunt.

D'ailleurs ces sortes de preuves ne peuvent nous conduire qu'à une connoissance spéculative de Dieu et ne le connoître que de cette sorte, c'est ne pas le connoître.

La Divinité des Chrétiens ne consiste pas en un Dieu simplement auteur des vérités géométriques et de l'ordre des éléments; c'est la part des païens. Elle ne consiste pas simplement en un Dieu qui exerce sa providence sur la vie et sur les biens des hommes, pour donner une heureuse suite d'années à ceux qui l'adorent; c'est le partage des Juifs. Mais le Dieu d'Abraham et de Jacob, le Dieu des Chrétiens, est un Dien d'amour et de consolation: c'est un Dieu qui remplit l'ame et le coeur qu'il possède : c'est un

Dieu qui leur fait sentir intérieurement leur misère et sa miséricorde infinie; qui s'unit au fond de leur ame; qui la remplit d'humilité, de joie, de confiance, d'amour; qui les rend incapables d'autre fin que de lui-même.

Le Dieu des Chrétiens est un Dieu qui fait sentir à l'ame qu'il est son unique bien; que tout son repos est en lui, et qu'elle n'aura de joie qu'à l'aimer; et qui lui fait en même temps abhorrer les obstacles qui la retiennent et l'empêchent de l'aimer de toutes ses forces. L'amour-propre et la concupiscence qui l'arrêtent lui sont insupportables. Ce Dieu lui fait sentir qu'elle a ce fonds d'amour-propre, et que lui seul peut l'en guérir.

Voilà ce que c'est que de connoître Dieu en chrétien. Mais pour le connoître de cette manière, il faut connoître en même temps sa misère, son indignité, et le besoin qu'on a d'un médiateur pour se rapprocher de Dieu, et pour s'unir à lui. Il ne faut point séparer ces connoissances, parcequ'étant séparées, elles sont non seulement inutiles, mais nuisibles. La connoissance de Dieu, sans celle de notre misère, fait l'orgueil. La connoissance de notre misère, sans celle de Jésus-Christ, fait le désespoir. Mais la connoissance de Jésus-Christ nous exempte, et de l'orgueil, et du désespoir, parce que nous y trouvons Dieu, notre misère, et la voie unique de la réparer.

Nous pouvons connoître Dieu sans connoître nos misères; ou nos misères, sans connoître Dieu; ou même Dieu et nos misères, sans connoître le moyen de nous délivrer des misères qui nous accablent. Mais nous ne pouvons connoître Jésus-Christ sans connoître tout ensemble, et Dieu, et nos misères, et le remède de nos misères; parceque Jésus-Christ n'est pas simplement Dieu, mais que c'est un Dieu réparateur de nos misères.

Ainsi tous ceux qui cherchent Dieu sans Jésus-Christ ne trouvent aucune lumière qui les satisfasse, ou qui leur soit véritablement utile. Car, ou ils n'arrivent pas jusqu'à connoître qu'il ya un Dieu, ou s'ils y arrivent, c'est inutilement pour eux; parce qu'ils se forment un moyen de communiquer sans médiateur avec ce Dieu qu'ils ont connu sans médiateur. De sorte qu'ils tombent ou dans l'athéisme, ou dans le déisme,

qui sont deux choses que la religion chrétienne abhorre presque également.

Il faut donc tendre uniquement à connoître Jésus-Christ, puisque c'est par lui seul que nous pouvons prétendre connoître Dieu d'une manière qui nous soit utile.

C'est lui qui est le vrai Dieu des hommes, c'est-à-dire, des misérables et des pécheurs. Il est le centre de tout et l'objet de tout: et qui ne le connoit pas, ne connoit rien dans l'ordre du monde, ni dans soi-même. Car non seulement nous ne connoissons Dieu que par Jésus-Christ, mais nous ne nous connoissons nous-mêmes que par Jésus-Christ.

Sans Jésus-Christ, il faut que l'homme soit dans le vice et dans la misère; avec Jésus-Christ, l'homme est exempt de vice et de misère. En lui est tout notre bonheur, notre vertu, notre vie, notre lumière, notre espérance; et hors de lui, il n'y a que vice, misère, ténèbres, désespoir, et nous ne voyons qu'obscurité et confusion dans la nature de Dieu et dans notre propre nature.

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Il y a des miracles qui sont des preuves certaines de la vérité, et il y en a qui ne sont pas des preuves certaines de la vérité. Il faut une marque pour les connoître; autrement ils seroient inutiles. Or, ils ne sont pas inutiles, et sont au contraire fondements. Il faut donc que la règle qu'on nous donne soit telle, qu'elle ne détruise pas la preuve que les vrais miracles donnent de la vérité, qui est la fin principale des miracles.

S'il n'y avoit point de miracles joints à la fausseté, il y auroit certitude. S'il n'y avoit point de règle pour les discerner, les miracles seroient

inutiles, et il n'y auroit pas de raison de croire. | gnoit, et que les Juifs avoient obligation de le

Moïse en a donné une, qui est lorsque le miracle mène à l'idolâtrie ( Deut., 13, 1, 2, 5); et Jésus-Christ une: Celui, dit-il, qui fait des miracles en mon nom, ne peut à l'heure même mal parler de moi. (MARC, 9, 58.) D'où il s'ensuit que quiconque se déclare ouvertement contre JésusChrist ne peut faire de miracles en son nom. Ainsi, s'il en fait, ce n'est point au nom de Jésus-Christ, et il ne doit pas être écouté. Voilà les occasions d'exclusion à la foi des miracles, marquées. Il ne faut pas y donner d'autres exclusions dans l'ancien Testament, quand on vous détournera de Dieu; dans le nouveau, quand on vous détournera de Jésus-Christ.

D'abord donc qu'on voit un miracle, il faut, ou se soumettre, ou avoir d'étranges marques du contraire; il faut voir si celui qui le fait nie un Dieu, ou Jésus-Christ et l'Église.

III.

Toute religion est fausse, qui, dans sa foi, n'adore pas un Dieu, comme principe de toutes choses, et qui, dans sa morale, n'aime pas un seul Dieu, comme objet de toutes choses. Toute religion qui ne reconnoît pas maintenant JésusChrist est notoirement fausse, et les miracles ne peuvent lui servir de rien.

Les Juifs avoient une doctrine de Dieu, comme nous en avons une de Jésus-Christ, et confirmée par miracles; et défense de croire à tous faiseurs de miracles qui leur enseigneroient une doctrine contraire; et, de plus, ordre de recourir aux grands-prêtres, et de s'en tenir à eux. Et ainsi toutes les raisons que nous avons pour refuser de croire les faiseurs de miracles, il semble qu'ils les avoient à l'égard de Jésus-Christ et des apôtres.

Cependant il est certain qu'ils étoient très coupables de refuser de les croire, à cause de leurs miracles, puisque Jésus-Christ dit qu'ils n'eussent pas été coupables s'ils n'eussent point vu ses miracles: Si opera non fecissem in eis quæ nemo alius fecit, peccatum non haberent. (JOAN., 15, 24.) Si je n'avois fait parmi eux des œuvres que jamais aucun autre n'a faites, ils n'auroient point de péché.

Il s'ensuit donc qu'il jugeoit que ses miracles étoient des preuves certaines de ce qu'il ensei

croire. Et, en effet, c'est particulièrement les miracles qui rendoient les Juifs coupables dans leur incrédulité. Car les preuves qu'on eût pu tirer de l'Écriture, pendant la vie de Jésus-Christ, n'auroient pas été démonstratives. On y voit, par exemple, que Moïse a dit qu'un prophète viendroit; mais cela n'auroit pas prouvé que JésusChrist fùt ce prophète: et c'étoit toute la question. Ces passages faisoient voir qu'il pouvoit être le Messie; et cela, avec ses miracles, devoit déterminer à croire qu'il l'étoit effective

ment.

IV.

Les prophéties scules ne pouvoient pas prouver Jésus-Christ pendant sa vie. Et ainsi on n'eût pas été coupable de ne pas croire en lui avant sa mort, si les miracles n'eussent pas été décisifs. Donc les miracles suffisent, quand on ne voit pas que la doctrine soit contraire; et on doit y croire.

Jésus-Christ a prouvé qu'il étoit le Messie, en vérifiant plutôt sa doctrine et sa mission par ses miracles que par l'Écriture et par les prophéties.

C'est par les miracles que Nicodême reconnoît que sa doctrine est de Dieu : Scimus quia à Deo venisti, magister; nemo enim potest hæc signa facere quæ tu facis, nisi fuerit Deus cum eo. (JOAN., 3, 2.) Il ne juge pas des miracles par la doctrine, mais de la doctrine par les miracles.

Ainsi, quand même la doctrine seroit suspecte, comme celle de Jésus-Christ pouvoit l'être à Nicodême, à cause qu'elle sembloit détruire les traditions des Pharisiens; s'il y a des miracles clairs et évidents du même côté, il faut que l'évidence du miracle l'emporte sur ce qu'il pourroit y avoir de difficulté de la part de la doctrine : ce qui est fondé sur ce principe immobile, que Dieu ne peut induire en erreur.

Il y a un devoir réciproque entre Dieu et les hommes. Accusez-moi, dit Dieu dans Isaïe. (Is., 1, 18.) Et en un autre endroit : Qu'ai-je dû faire à ma vigne que je ne lui aie fait? (Ibid., 5, 4.)

Les hommes doivent à Dieu de recevoir la religion qu'il leur envoie; Dieu doit aux hommes de ne pas les induire en erreur. Or, ils seroient induits en erreur, si les faiscurs de miracles an

C'est ce que l'on a vu dans tous les combats de la vérité contre l'erreur, d'Abel contre Caïn, de Moïse contre les magiciens de Pharaon, d'Élie contre les faux prophètes, de JésusChrist contre les Pharisiens, de saint Paul contre Barjésu, des apôtres contre les exorcistes, des chrétiens contre les infidèles, des catholiques contre les hérétiques; et c'est ce qui se verra aussi dans le combat d'Élie et d'Énoch contre l'Antechrist. Toujours le vrai prévaut en miracles.

nonçoient une fausse doctrine qui ne parût pas | chrétien; catholique, hérétique; calomniés, cavisiblement fausse aux lumières du sens com- lomniateurs; entre les trois croix. mun, et si un plus grand faiseur de miracles n'avoit déja averti de ne pas les croire. Ainsi, s'il y avoit division dans l'Église, et que les ariens, par exemple, qui se disoient fondés sur l'Écriture comme les catholiques, eussent fait des miracles, et non les catholiques, on eût été induit en erreur. Car, comme un homme qui nous annonce les secrets de Dieu n'est pas digne d'être cru sur son autorité privée, aussi un homme qui, pour marque de la communication qu'il a avec Dieu, ressuscite les morts, prédit l'avenir, transporte les montagnes, guérit les maladies, mérite d'être cru; et on est impie si on ne s'y rend, à moins qu'il ne soit démenti par quelque autre qui fasse encore de plus grands miracles. Mais n'est-il pas dit que Dieu nous tente? Et ainsi ne peut-il pas nous tenter par des miracles qui semblent porter à la fausseté?

Il y a bien de la différence entre tenter et induire en erreur. Dieu tente; mais il n'induit point en erreur. Tenter, c'est procurer les occasions qui n'imposent point de nécessité. Induire en erreur, c'est mettre l'homme dans la nécessité de conclure et suivre une fausseté : c'est ce que Dieu ne peut faire, et ce qu'il feroit néanmoins, s'il permettoit que, dans une question obscure, il se fit des miracles du côté de la fausseté.

On doit conclure de là qu'il est impossible qu'un homme cachant sa mauvaise doctrine, et n'en faisant paroitre qu'une bonne, et se disant conforme à Dieu et à l'Église, fasse des miracles pour couler insensiblement une doctrine fausse et subtile cela ne se peut. Et encore moins, que Dieu, qui connoît les cœurs, fasse des miracles en faveur d'une personne de cette

sorte.

V.

Il y a bien de la différence entre n'être pas pour Jésus-Christ, et le dire; ou n'être pas pour Jésus-Christ, et feindre d'en être. Les premiers pourroient peut-être faire des miracles, non les autres: car il est clair des uns qu'ils sont contre la vérité, non des autres; et ainsi les miracles sont plus clairs.

Les miracles discernent donc les choses douleuses, entre les peuples juif et païen, juif et

Enfin, jamais en la contention du vrai Dieu, ou de la vérité de la religion, il n'est arrivé de miracle du côté de l'erreur, qu'il n'en soit aussi arrivé de plus grand du côté de la vérité.

Par cette règle, il est clair que les Juifs étoient obligés de croire Jésus-Christ. Jésus-Christ leur étoit suspect; mais ses miracles étoient infiniment plus clairs que les soupçons que l'on avoit contre lui. Il falloit donc le croire.

Du temps de Jésus-Christ, les uns croyoient en lui, les autres n'y croyoient pas, à cause des prophéties qui disoient que le Messie devoit naître en Bethleem, au lieu qu'on croyoit que Jésus-Christ étoit né dans Nazareth. Mais ils devoient mieux prendre garde s'il n'étoit pas né en Bethleem; car ses miracles étant convaincants, ces prétendues contradictions de sa doctrine à l'Écriture, et cette obscurité, ne les excusoient pas, mais les aveugloient.

Jésus-Christ guérit l'aveugle-né, et fit quantité de miracles au jour du sabbat, par où il aveugloit les Pharisiens, qui disoient qu'il falloit juger des miracles par la doctrine.

Mais, par la même règle qu'on devoit croire Jésus-Christ, on ne devroit point croire l'Antechrist.

Jésus-Christ ne parloit ni contre Dieu, ni contre Moïse. L'Antechrist et les faux prophètes, prédits par l'un et l'autre Testament, parleront ouvertement contre Dieu et contre Jésus-Christ. Qui seroit ennemi couvert, Dieu ne permettroit pas qu'il fît des miracles ouvertement.

Moïse a prédit Jésus-Christ, et ordonné de le suivre. Jésus-Christ a prédit l'Antechrist, et défendu de le suivre.

Les miracles de Jésus-Christ ne sont pas pré

Ce qui fait croire les faux, c'est le défaut de charité : Eo quòd charitatem veritatis non receperunt ut salvi fierent, ideò mittet illis Deus operationem erroris, ut credant mendacio. (2 Thess., 2, 10.)

dits par l'Antechrist; mais les miracles de l'Ante- | que vous n'êtes pas de mes brebis. (JOAN., 10, 26.) christ sont prédits par Jésus-Christ. Et ainsi, si Jésus-Christ n'étoit pas le Messie, il auroit bien induit en erreur; mais on ne sauroit y être induit avec raison par les miracles de l'Antechrist. Et c'est pourquoi les miracles de l'Antechrist ne nuisent point à ceux de Jésus-Christ. En effet, quand Jésus-Christ a prédit les miracles de l'Antechrist, a-t-il cru détruire la foi de ses propres miracles?

Il n'y a nulle raison de croire à l'Antechrist qui ne soit à croire en Jésus-Christ; mais il y en a à croire en Jésus-Christ, qui ne sont point à croire à l'Antechrist.

VI.

Les miracles ont servi à la fondation, et ser

Lorsque j'ai considéré d'où vient qu'on ajoute tant de foi à tant d'imposteurs qui disent qu'ils ont des remèdes, jusqu'à mettre souvent sa vie entre leurs mains, il m'a paru que la véritable cause est qu'il y a de vrais remèdes; car il ne seroit pas possible qu'il y en eût tant de faux, et qu'on y donnât tant de croyance, s'il n'y en avoit de véritables. Si jamais il n'y en avoit eu, et que tous les maux eussent été incurables, il est impossible que les hommes se fussent imaginé qu'ils pourroient en donner; et encore plus

viront à la continuation de l'Église jusqu'à l'An- que tant d'autres eussent donné croyance à ceux techrist, jusqu'à la fin.

C'est pourquoi Dieu, afin de conserver cette preuve à son Église, ou il a confondu les faux miracles, ou il les a prédits; et par l'un et l'autre, il s'est élevé au-dessus de ce qui est surnaturel à notre égard, et nous y a élevés nousmêmes.

Il en arrivera de même à l'avenir : ou Dieu Il en arrivera de même à l'avenir : ou Dieu ne permettra pas de faux miracles, ou il en procurera de plus grands: car les miracles ont une telle force, qu'il a fallu que Dieu ait averti qu'on n'y pensât point quand ils seroient contre lui, tout clair qu'il soit qu'il y a un Dieu; sans quoi ils eussent été capables de troubler.

qui se fussent vantés d'en avoir. De même que, si un homme se vantoit d'empêcher de mourir, personne ne le croiroit, parcequ'il n'y a aucun de remèdes qui se sont trouvés véritables par la exemple de cela. Mais comme il y a eu quantité connoissance même des plus grands hommes, la croyance des hommes s'est pliée par-là, parceque, la chose ne pouvant être niée en général, puisqu'il y a des effets particuliers qui sont véritables, le peuple, qui ne peut pas dissont les véritables, les croit tous. De même, ce cerner lesquels d'entre ces effets particuliers qui fait qu'on croit tant de faux effets de la lune, c'est qu'il y en a de vrais, comme le flux

de la mer.

Et ainsi, tant s'en faut que ces passages du treizième chapitre du Deuteronome, qui portent qu'il ne faut point croire ni écouter ceux qui feront des miracles, et qui détourneront du service de Dieu; et celui de saint Marc: Il s'é-vrais; levera de faux christs et de faux prophètes, qui feront des prodiges et des choses étonnantes, jusqu'à séduire, s'il est possible, les élus mêmes (MARC, 15, 22), et quelques autres semblables, fassent contre l'autorité des miracles, que rien n'en marque davantage la force.

VII.

Ce qui fait qu'on ne croit pas les vrais miracles, c'est le défaut de charité: Vous ne croyez pas, dit Jésus-Christ parlant aux Juifs, parce

a tant de faux miracles, de fausses révélations, Ainsi il me paroît aussi évidemment qu'il n'y de sortileges, etc., que parcequ'il y en a de vrais; ni de fausses religions, que parcequ'il y rien de tout cela, il est comme impossible que en a une véritable. Car s'il n'y avoit jamais eu les hommes se le fussent imaginé, et encore eu de très grandes choses véritables, et qu'ainsi plus que d'autres l'eussent cru. Mais comme il y elles ont été crues par de grands hommes, cette impression a été cause que presque tout le monde s'est rendu capable de croire aussi les fausses. Et ainsi, au lieu de conclure qu'il n'y a point de vrais miracles, puisqu'il y en a de faux, il faut dire, au contraire, qu'il y a de vrais miracles, puisqu'il y en a tant de faux;

a

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