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chose, qu'il soit voulu ou non, est toujours une possession. Cependant, maints commentateurs estiment que la théorie de l'animus domini, telle que la concevait Savigny, se retrouve dans la notion de la possession en nom propre ou à titre de propriétaire, Eigenbesitz, définie par le paragraphe 872 du nouveau code : le possesseur en nom propre ou à titre de propriétaire n'est autre, dit-on, que le possesseur avec animus domini. M. Auerbach méconnait ce retour offensif de la vieille doctrine de l'animus domini dans le Bürgerliches Gesetzbuch et il démontre que le caractère de possession en nom propre se déduit, non de l'animus ou volonté subjective du possesseur, mais bien des circonstances extérieures dans lesquelles la possession a pris naissance : ce qui imprimera å la possession le caractère de Eigenbesitz, ce sera notamment la causa possessionis, s'il s'agit de meubles, et l'inscription dans les registres fonciers, s'il s'agit d'immeubles. La thèse de M. Auerbach n'est assurément pas faite pour nous déplaire, puisque nous l'avons nous-mêmes formulée naguère (1); mais ce qui nous a particulièrement séduit, dans la brochure de M. Auerbach, c'est l'argument historique déduit de l'influence de la conception germanique de la saisine sur la notion de la possession dans le droit commun allemand et dans les législations particulières du xvire et du XIXe siècle. G. C.

61. De l'organisation de la tutelle des mineurs et des modifications légales qu'afin de mieux les protéger peut suggérer l'étude des législations étrangères, par HENRI PASCAUD, conseiller à la cour d'appel de Chambéry. In- 16 de 209 pages. - Paris, Fontemoing, 1905.

Les publications juridico-sociales de M. le conseiller Pascaud sont toujours lues avec intérêt et grand profit. Celle-ci ne le cède en rien à ses devancières, et comme elle constitue une étude de législation comparée, il eût été impardonnable de ne la point signaler à l'attention des lecteurs de la Revue.

L'auteur expose successivement l'état des principales législations sur les points suivants : 1° les diverses sortes de tutelles y compris la tutelle des enfants naturels; 2o les conditions de capacité, de sexe et autres à exiger pour la nomination des tuteurs et avant leur entrée en fonction; 3' les excuses, dispenses, exclusions et destitutions en matière de tutelles; 4° la subrogée-tutelle; 5° le conseil de famille; 6° l'administration de la tutelle, les sûretés et garanties à fournir par le tuteur; 7° les comptes de tutelle.

Le titre du livre indique suffisamment que l'auteur ne se borne pas à nous tracer un tableau fidèle des diverses législations, mais qu'il prend soin de déduire toujours une conclusion de ses études comparatives. Voici notamment, à titre d'exemple, les réflexions personnelles de

(1) G. CORNIL, Traité de la possession dans le droit romain, p. 86.

M. Pascaud sur le principe même de l'organisation de la tutelle : « Les conclusions à dégager de cette revue législative, écrit-il aux pages 28 et suivantes, ont une haute importance. Nous y avons étudié deux systèmes tutélaires bien distincts. L'un que nous appellerons la conception autoritaire, étatiste ou germanique et qui fait nommer le tuteur soit par des autorités spéciales, soit quelquefois par les juges du droit commun, n'est pas sans assurer de sérieuses garanties à la société et même aux mineurs. L'autre, plus large et plus souple, auquel nous donnerons le nom de conception familiale, de conception latine si l'on veut, a le mérite de soustraire la famille à la prépondérance de l'Etat, de lui laisser une suffisante autonomie pour qu'elle puisse vivre de sa vie propre sans être astreinte à subir incessamment une intervention officielle. Lequel de ces deux modes de tutelle est préférable? Des nations nombreuses pratiquent le premier, et s'il suffisait, pour avoir raison de former une majorité, nous devrions nous y rallier. Mais de puissantes considérations militent en faveur du second système. Sans doute, à certains égards, l'institution de la tutelle a un caractère public et social: on ne saurait toutefois méconnaître que sous beaucoup d'autres rapports elle se rattache à l'organisation familiale, il faut donc savoir tenir compte de ce double aspect de la question; courber la famille sous la domination de l'Etat en toute circonstance ne constituerait pas une solution rationnelle. Puisque la famille forme la cellule primordiale de la société, il y a lieu de lui conserver une existence suffisamment libre pour qu'elle puisse se maintenir et se développer, sauf à excercer sur elle une surveillance nécessaire, et å se substituer à elle en cas d'inaccomplissement de la mission qui lui est dévolue. C'est dans cette mesure seulement que l'intervention de l'État est légitime, et voilà pour quels motifs nous nous refusons à faire de la tutelle un organe officiel et à enlever au conseil de famille les attributions que nos vieilles coutumes, nos mœurs, nos lois actuelles lui ont confié depuis des siècles. » G. C.

62. - De la jurisprudence en matière d'astreintes, par ALEXANDRE VERNEREY, avocat. In-8° de 148 pages. — Dijon, Imprimerie régionale, 1904.

La question de savoir si le juge a le droit de prononcer des condamnations pécuniaires n'ayant d'autre but que de contraindre indirectement le débiteur à exécuter en nature son obligation est une question fort obscure et fort discutée dans l'état actuel du droit français. M. Vernerey, aprės avoir passé en revue les circonstances dans lesquelles la pratique judiciaire a consacré le droit des tribunaux de prononcer des astreintes, dégage de cette analyse de la jurisprudence la définition suivante de l'astreinte (p. 45): « Un procédé employé par le juge, consistant dans une menace qui a pour but de contraindre le débiteur à l'exécution en nature de l'obligation, en sanctionnant éventuellement, d'une façon

coercitive et comminatoire, au moyen d'une condamnation pécuniaire, l'injonction qu'il a faite. Le droit des juges de prononcer des astreintes ne peut-il se déduire des termes mêmes de l'article 1036 du code de procédure civile, qui autorise les tribunaux à « prononcer des injonctions » ? D'ailleurs, la jurisprudence qui consacre le système des astreintes ne fait que perpétuer une tradition solidement établie dans l'ancien droit français, et l'auteur pense que, dans les matières que n'ont point traitées les codes modernes, les traditions anciennes ont conservé leur force d'autrefois.

Cette thèse, exposée de façon très claire et très simple, a fourni à l'auteur l'occasion de faire l'analyse et la critique non seulement de la jurisprudence en matière d'astreintes, mais aussi des diverses théories justificatives du système des astreintes ainsi que des objections suscitées par ce système. La monographie de M. Vernerey a donc l'incontestable mérite de nous mettre sous les yeux l'état actuel de la délicate question des astreintes. G. C.

63. De l'évolution de l'idée de tribunal permanent d'arbitrage à travers les àges et de son avenir, par HENRY POIGNAND DU FONTENIOUX, avocat à la cour d'appel. In-8° de 204 pages. · Poitiers, Société française d'imprimerie et de librairie, 1904.

Le sujet de cette thèse de doctorat est fait pour attirer l'attention des lecteurs de la Revue. L'auteur, ayant réuni une quantité considérable de matériaux, fournit, peut-on dire, une revue kaleidoscopique de tout ce qui a été fait et se fera dans la voie de l'arbitrage international. A ses yeux, les principales lacunes de l'œuvre de la conférence de la Haye se résument en ce que la cour d'arbitrage n'est pas obligatoire et que ses décisions manquent de sanction; mais à ces maux il espère un remède : << La cour permanente, écrit-il (p. 167), peut être rendue obligatoire par l'emploi répété de la clause compromissoire et des traités d'arbitrage permanent, par lesquels les Etats s'obligent à recourir à elle, dans partie des cas ou bien dans tous sans exception, et aussi par l'alliance pacigėrante de tous les États. D'autre part, la sanction tant rêvée peut être résolue par une nouvelle organisation internationale, une confédération d'Etats, même un État fédératif. Nous essayerons de prouver que la cour permanente doit un jour devenir obligatoire et que l'organisation d'une confédération d'Etats faisant respecter ses décisions n'est pas une idée chimérique, mais bien un idéal possible, quoique lointain. »>

G. C.

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