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Bretagne. Cette dernière recommanda, « pour le cas où les gouvernements donneraient suite aux travaux de la conférence », de faire surveiller les mesures prises dans chaque État par un nombre suffisant de fonctionnaires publics, spécialement qualifiés et indépendants des patrons et des ouvriers; de provoquer, entre les divers pays, l'échange des rapports annuels de ces inspecteurs; de relever des statistiques intéressant la réglementation du travail, ainsi que les textes des décisions législatives ou administratives se rapportant aux questions discutées à Berlin; enfin, de renouveler, s'il y a lieu, des conférences internationales, pour se communiquer réciproquement les observations suggérées par la mise à exécution des délibérations de la conférence et pour examiner l'opportunité de les modifier ou de les compléter.

Quand on met en regard des conclusions auxquelles est arrivée la conférence de Berlin, le but qui lui avait été assigné dans la pensée du monarque qui l'avait convoquée, et qui consistait à contribuer à l'amélioration du sort des travailleurs en se mettant d'accord sur une série de mesures à appliquer dans les principaux pays industriels, on ne peut contester qu'au point de vue pratique elle n'ait abouti à un échec. Elle s'est bornée à l'expression d'une suite de vœux, sans prendre aucune disposition pour en assurer la réalisation. La généralité des délégués semblaient n'avoir d'autre souci que d'éviter tout engagement positif, et plusieurs d'entre eux étaient même porteurs d'instructions restrictives. C'était notamment le cas pour ceux de l'Angleterre, de la Belgique et de la France. Deux pays seulement, l'Allemagne et la Suisse, semblaient désireux d'arriver à un résultat pratique. Les autres étaient indifférents ou hostiles. Dans la plupart d'entre eux, l'opinion publique ne s'intéressait pas suffisamment à la question. A part l'Angleterre, la législation ouvrière n'y était guère développée et les lois qu'ils possédaient étaient fort mal appliquées. Il est à remarquer aussi que dans certains d'entre eux la classe ouvrière n'était pas suffisamment organisée pour défendre ses intérêts, ou, à raison du système électoral en vigueur, elle était dans l'impossibilité de faire entendre sa voix dans les assemblées délibérantes.

Certains critiques ont été jusqu'à refuser tonte utilité aux travaux de la conférence de Berlin. C'est se montrer trop rigoureux. Il est possible qu'il serait difficile de citer de nombreuses mesures qui aient été prises directement sous son inspiration, mais, d'autre part, on ne pourrait contester qu'elle n'ait exercé une influence morale. Le fait

seul qu'elle ait été réunie par le chef d'un grand pays industriel et que toutes les nations manufacturières de l'Europe y aient pris part, a dû nécessairement contribuer à faire reconnaître la légitimité d'une série de réformes réclamées depuis longtemps par les philanthropes et les ouvriers. Au surplus, on ne peut méconnaître que la dernière décade du siècle écoulé n'ait vu se produire, dans les différents pays d'Europe, un mouvement sérieux dans le domaine des lois protectrices du travail.

Les partisans de l'unification des lois protectrices des travailleurs n'avaient donc pas de raison pour perdre courage. Le but qu'ils se croyaient sur le point d'atteindre avait reculé, mais il n'avait pas disparu. Dans les années qui ont suivi la conférence de Berlin, la propagande en faveur de la législation internationale n'a, du reste, pas subi de défaillance. Les congrès ont continué à proclamer la nécessité des ententes internationales et leurs efforts ne sont pas restés sans résultats.

V. AUTRES TENTATIVES DE LA SUISSE DE RÉUNIR
UNE CONFÉRENCE INTERNATIONALE.

C'est toujours en Suisse que l'on observe l'action la plus énergiqué et la mieux secondée par les pouvoirs publics. Au printemps de 1892, le Conseil fédéral fut invité, tant par des associations ouvrières que par des unions de patrons appartenant à l'industrie de la broderie mécanique, d'entrer en négociations avec les pays où cette industrie est importante, notamment avec l'Autriche et l'Allemagne, en vue de régler par voie de traité certaines questions intéressant la production. Les ouvriers désiraient voir porter les délibérations sur la réglementation de la durée du travail et la fixation d'un minimum de salaire, tandis que les patrons voulaient les restreindre au premier objet.

Le Conseil fédéral, faisant droit à ces requêtes, chargea ses représentants à Berlin et à Vienne de pressentir les gouvernements allemand et autrichien au sujet de la conclusion éventuelle d'une entente sur ces questions, mais les réponses qu'ils reçurent ne laissèrent aucun espoir d'aboutir.

Trois ans plus tard, une nouvelle manifestation se produisit en Suisse en faveur de la législation internationale du travail. Le 21 juin 1895, les chambres fédérales adoptèrent un vou invitant le Conseil fédéral

à reprendre les négociations en vue d'arriver à une réglementation internationale des questions concernant la protection ouvrière. Mais il résulta des impressions recueillies par le Conseil fédéral lors de la réunion annuelle des ambassadeurs suisses à Berne que le moment ne se prêtait pas à une tentative de ce genre. Le Conseil fédéral se décida donc à attendre une occasion plus favorable et chargea, dans l'entretemps, M. Decurtins de rédiger un aperçu de l'état de la législation ouvrière à l'étranger.

La réunion d'une conférence n'ayant aucune chance de succès, on émit l'idée de créer un bureau international pour la protection ouvrière. A cet effet, le Conseil fédéral adressa, sous la date du 1er juin 1896, à ses représentants à Amsterdam, Berlin, Bruxelles, Copenhagen, Londres, Madrid, Paris, Rome, Stockholm, Saint-Péterbourg et Vienne, une circulaire les priant de s'informer si les gouvernements étrangers ne seraient pas disposés à entrer en négociations avec la Suisse au sujet de la création d'un bureau international pour la protection ouvrière. Ce bureau aurait été chargé de rassembler les lois et les statistiques. ouvrières de tous les pays, de publier des rapports annuels sur les progrès de la législation sociale et de servir d'office d'information. On lit, dans le rapport du Conseil fédéral qui expose les résultats de cette tentative, que d'aucun côté, il n'est venu de réponse laissant espérer qu'il y ait le moindre espoir de voir reprendre en ce moment avec quelque chance de succès la question de la réglementation internationale de la protection ouvrière. Au contraire, il fut objecté qu'il serait inopportun de rouvrir ce débat à présent, que l'on ne voulait pas se lier par des ententes internationales, etc. En ce qui concerne spécialement la création d'un bureau international, un grand pays a déclaré qu'il accueillait cette idée avec faveur; un petit se montre disposé à prendre part à l'étude de cette question; deux grands pays ne sont pas opposés au projet en principe, mais estiment que le moment n'est pas encore venu d'entrer en discussion à ce sujet. Les autres pays sont opposés au projet ou indécis pour des raisons de principe ou d'ordre intérieur ou pour le motif qu'ils n'ont pas grande confiance dans l'utilité d'un bureau international».

Le rapport du département fédéral du commerce, de l'industrie et de l'agriculture pour l'année 1899 s'occupa de nouveau de la question d'un bureau international. Il nous apprend que le Conseil fédéral ne perd pas cet objet de vue, et qu'il s'intéresse aux discussions qui ont eu lieu

dans différents parlements étrangers au sujet de la création d'un Office international pour la protection des ouvriers. Il résultait, toutefois, des renseignements reçus, que de nouvelles démarches de la part de la Suisse ne rencontreraient pas l'accueil souhaité. Le Conseil fédéral s'abstint donc d'agiter la question.

(A continuer.)

DES LOIS FONDAMENTALES DE L'EMPIRE RUSSE.

COMMENTAIRE DU TOME I, 4r0 PARTIE, ARTICLES 1 ET SUIVANTS DU RECUEIL DES LOIS),

PAR

LEO BERLINN,

avocat à la cour d'appel de Saint-Pétersbourg (1).

1. Sine ira et studio.

2. D'une conversation avec un ambassadeur, au commencement du siècle dernier :

Le haut dignitaire: Chez nous, il n'y a pas de lois.

L'ambassadeur : Et sur quoi donc basez-vous vos décisions?

Le haut dignitaire: Oh! pour cela nous n'avons pas besoin de lois : nous nous appuyons sur les précédents, ou nous déclarons que notre décision ne constituera pas un précédent.

3. Le particulier : Et où est la loi qui défend cela?

Le juge: Quelle loi vous faut-il? On vous a dit qu'il ne faut pas vous réunir, que la police ne le permet pas la voilà votre loi! (Voir Revue juridique, 1905, no 4).

4. Ainsi, en cent ans, pas un seul pas en avant.

L'AUTEUR.

I

En nos jours d'espérances et de troubles, qu'il me soit permis de présenter un extrait des lois, à l'instar des secrétaires des tribunaux d'autrefois, dont le devoir était, entre autres, de citer devant l'instance les lois applicables dans le cas qui était soumis aux juges. Pour être compris, il nous faut avant tout convenir de ce qu'on doit entendre par loi. Il ne faut pas croire que la loi soit une conception exclusivement juridique nous la rencontrons aussi dans les sciences naturelles; c'est

(1) Cet article a paru, en langue russe, dans la Revue juridique de Saint-Pétersbourg, du 20 mars 1905, no 12. Traduit par M. EUGÈne Hins.

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