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réalité sociale d'aussi prés que possible dans la variété complexe et changeante de ses multiples aspects. Son premier procédé est donc l'observation. M. René Worms montre comment celle-ci prend des formes arrêtées statistique, monographie, enquête entre les mains des travailleurs contemporains. Il fait voir comment elle s'adapte aux conditions spéciales des recherches ethnographiques et historiques. Il établit que ce qu'on appelle l'expérimentation s'y ramène le plus souvent. C'est donc essentiellement par l'observation que se doit faire l'analyse du monde social. Mais la science à, en outre, à en opérer la synthèse. Elle dispose pour cela de plusieurs procédés : la recherche des causes, l'établissement des rapports de coexistence et de succession, la classification, l'induction. Chacun d'eux est décrit minutieusement par l'auteur. Il réduit à un rôle beaucoup moindre la déduction, l'analogie et l'hypothèse. En somme, son ouvrage actuel est un traité complet de la logique des sciences sociales. Il donne des exemples concrets de la manière dont celles-ci se constituent dans les cas particuliers, en même temps qu'il indique les principes directeurs qui ont présidé jusqu'à prẻsent et qui doivent présider dans l'avenir à leur élaboration.

Sur la façon dont M. René Worms s'est acquitté de la tâche par lui entreprise, rappelons en terminant quelques passages de l'appréciation qu'en faisait l'éminent professeur de philosophie à la Sorbonne, M. Emile Boutroux, au moment où il présentait ce second volume à l'Institut de France:

<< Il parait au moment même où est reconnue comme établissement d'utilité publique la Société de Sociologie de Paris, dont M. René Worms est le fondateur. Cette consécration de ses efforts paraitra légitime à ceux-là même qui n'en jugeraient que par l'ouvrage dont nous nous occupons. >>

Et plus loin:

<< Dès maintenant M. Worms a bien mérité des sciences sociales, en partie nouvelles, par un effort intelligent pour apporter de l'ordre, de la clarté et de la précision dans un ordre de recherches dont l'unité, l'extension et les limites sont très difficiles à déterminer. »

H. R.

38. Dizionario di definizioni giuridiche in Diritto romano e Diritto e procedura civile, Diritto commerciale, Diritto e procedura penale, Diritto amministrativo, con annotazioni, appendici e confronti col Codice civile italiano con gli altri Codici civili preesistenti nel Regno, e col Codice civile francese, per l'avvocato AUGUSTO MELE, vice presidente di Tribunale, con prefazione del prof. CARLO FADDA e con la collaborazione per la parte bibliografica del avvocato CAMILLO SOLI

ΜΕΝΑ.

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Cinq premières livraisons; gr. in-8°, xvi et 144 pages. F. Cavotta, S. Maria Capua Vetere, 1904-1905.

Ceci est le début d'une publication très considérable, un dictionnaire de définitions juridiques. Chaque terme juridique est défini de façon simple et élémentaire, et chaque définition est suivie de l'indication des sources et de la littérature. La première partie de l'ouvrage est consacrée exclusivement au droit romain, et l'on se rendra compte de son étendue quand on saura que les 144 premières pages n'épuisent pas la lettre a et s'arrêtent au mot actio protutelæ.

Les définitions très élémentaires seront surtout utiles aux néophytes qui y trouveront une source d'information simple et rapide. Quant aux renseignements bibliographiques et renvois aux sources, ce sont les savants et les publicistes qui en feront leur profit. Les indications du dictionnaire faciliteront singulièrement la tâche du publiciste, sans aller cependant jusqu'à lui épargner toute recherche personnelle, car un aussi vaste travail de documentation ne va pas sans quelques lacunes et inadvertances. Pour ce qui est du renvoi aux sources, on n'apercoit pas toujours clairement la méthode suivie dans le classement; ainsi, par exemple, au mot accessio possessionis, on s'attendrait à voir citée la loi 13, § 1-13 D. de adq. v. am. poss. 41, 2, qui traite ex professo de cette matière; au lieu de cela on ne trouve que les paragraphes 2, 4, 7 et 10 de cette loi, éparpillés confusément au milieu d'autres textes relatifs à la même matière. Quant aux renseignements bibliographiques, on pourrait leur reprocher de manquer parfois de spécialité; ainsi, pour nous en tenir au même mot accessio possessionis, la bibliographie, que nous y trouvons, ressemble bien plus à une bibliographie incomplète de la possession en général qu'à une bibliographie spéciale de l'accessio pos essionis. En d'autres endroits, les renseignements bibliographiques font complètement défaut sans qu'on s'explique la cause de cette omission; ainsi sous le mot acceptilatio.

Quoi qu'il en soit des imperfections forcément inhérentes à une publication de cette envergure, il n'en est pas moins certain que le dictionnaire de définitions juridiques sera accueilli avec reconnaissance par les jurisconsultes, car il facilitera à ceux-ci des recherches souvent fastidieuses.

G. C.

39. Translatio iudicii. Eine Studie zum römischen Zivilprozess, par PAUL KOSCHAKER, docteur en droit. In-8° de XII et 331 pages. Gratz, Leuschner & Lubensky, 1905.

Les romanistes se souviennent sans doute que lorsque, par suite de décès ou autrement, un changement se produisait dans la personne soit

du juge, soit de l'une des parties litigantes, il y avait lieu à translatio iudicii. Est-ce qu'en pareil cas l'obligation, qui s'était formée par le contrat judiciaire, subsiste malgré le changement de personne? Y a-t-il succession dans cette obligation, ou bien la translatio iudicii constituet-elle un nouveau contrat judiciaire suivi d'un novum iudicium? Question neuve dans sa spécialité; mais aussi question grosse de conséquences pratiques importantes. L'auteur l'examine avec la scrupuleuse minutie qui convient à un jurisconsulte élevé à la bonne école des romanistes allemands. Le livre, préparé dans le séminaire de M. le professeur Hanausek de Gratz, est dédié à Ludwig Mitteis, et l'on peut dire que le jeune auteur fait honneur aux maîtres sous l'égide desquels il s'est placé.

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G. C

40. Findet Vorteilsanrechnung beim Schadensersatzanspruch statt? (Zur sog. compensatio lucri cum damno), par Dr WOLFGANG STINTZING, professeur à Leipzig.- In-8° de 85 pages. Leipzig, A. Deichert (Georg Böhme), 1905

Il arrive parfois qu'un événement dommageable procure cependant aussi certains avantages au préjudicié. Alors surgit la question de savoir s'il n'y a pas lieu de déduire du montant du préjudice subi, le montant des avantages recueillis ne faut-il point faire la compensatio lucri cum damno? Tout le monde sait que cette question est vivement discutée à propos de l'expropriation pour cause d'utilité publique, lorsque les parcelles conservées par l'exproprié acquièrent une plus-value par l'effet de l'expropriation même.

M. le professeur Stintzing aborde la question de la compensatio lucri cum damno dans le droit civil allemand, et l'on peut dire qu'il l'épuise. Après l'avoir discutée en théorie, il passe en revue toutes les applications pratiques dont elle serait susceptible, pour aboutir enfin à cette conclusion qu'elle doit être extirpée radicalement du droit civil.

G C

41. Traité de science et de législation pénitentiaires, par PAUL CUCHE, professeur à la faculté de droit de Grenoble. In-8° de II et 510 pages. Paris, Pichon et Durand-Auzias, 1905.

Dans les cours universitaires de droit pénal, on ne se préoccupé pas assez de la pénologie: on enseigne soigneusement comment un jugement peut être rendu, et l'on fait connaître aux étudiants l'étiquette des peines qui seront prononcées; mais on néglige trop les détails de l'exécution de la sentence, on laisse trop ignorer le régime des peines. Il y a lå une

lacune fàcheuse, que M. le professeur Cuche essaie de combler en offrant aux étudiants français une excellente systématisation de la science pénitentiaire. Mais, quoi qu'en dise son auteur dans la préface, le livre que nous avons sous les yeux n'a pas seulement la portée d'un modeste manuel de coordination et de vulgarisation. C'est, en même temps, un traité scientifique de haute valeur et de note très personnelle, malgré sa scrupuleuse objectivité. L'auteur passe successivement en revue: 1° les peines éducatrices, pour les jeunes délinquants; 2 les peines d'intimidation pure ou d'avertissement, pour les infractions légères et certains délinquants d'occasion; 3° les peines réformatrices, pour les délinquants pervertis, mais corrigibles; 4° les peines éliminatoires, pour les incorrigibles. Cette classification indique déjà par elle-même d'une manière générale les tendances du livre, tendances que l'auteur a d'ailleurs pris soin de préciser dans une excellente introduction à la science pénitentiaire..

C'est cette introduction qui intéressera surtout ceux-là même qui ne se confinent point dans la spécialité de la pénologie. Voici, cueillis au hasard, de courts extraits, qui montrent combien la lecture de ces belles pages peut être profitable à quiconque se pique de sociologie.

A propos de l'histoire sociale de la peine, l'auteur formule une critique générale fort juste, dans les termes suivants : « J'ai voulu simplement réagir — dans un domaine où cette réaction m'apparaissait comme particulièrement opportune - contre une tendance qu'il est néfaste d'apporter à l'étude des sciences sociales et qui consiste à découper la vie des sociétés en stratifications successives, en états sociaux simples et homogénes, régulièrement superposées comme les différentes couches ligneuses d'un arbre. On aboutit ainsi à des constructions aux contours très nets, aux lignes harmonieuses, mais de pure fantaisie. En matière sociale, il faut se résoudre à admettre la complexité, parce qu'elle est partout, et la simplicité nulle part. Là où nous croyons à première vue reconnaître une succession, bien souvent il y a eu concomitance. Ces sentiments et ces besoins, que nous pensons être nouveaux, existaient probablement dans le passé le plus lointain, mais avec un relief différent. Il nous est facile de le montrer ici, et cette démonstration sera, je crois, une bonne préparation à l'étude des fonctions de la peine au début du XXe siècle. »

En un autre endroit, parlant de la méthode de la science pénitentiaire, qu'il conçoit comme une science purement expérimentale, M. Cuche écrit: Lorsqu'on renonce à transporter dans l'organisation des systèmes répressifs les opinions philosophiques que l'on professe sur le fondement du droit de punir, lorsqu'on se place uniquement sur le terrain des résultats, la préférence doit toujours s'établir en faveur des solutions qui, sans heurter le sentiment public et les mœurs, réalisent le maximum de protection sociale... De bonnes statistiques, une observation appro

fondie, et autant que possible faite sur place, des institutions pénales étrangères, la connaissance du milieu social pour lequel on travaille, enfin, un certain sens pratique que l'expérience contribue à former, mais qui ne s'acquiert pas toujours par elle, telles sont les conditions ou éléments qu'il faut s'efforcer de réunir pour résoudre scientifiquement une question pénitentiaire, et si l'on se refuse à donner à une pareille solution la qualification de scientifique, il faudra, je crois, la dénier à la plupart des conclusions proposées par les économistes. La science pénitentiaire n'est pas plus impuissante que d'autres à formuler des lois, c'est-à-dire à affirmer un lien de causalité entre deux phénomènes. Mais il ne s'ensuit pas que dans une pratique ultérieure la position des mêmes causes entraînera toujours les mêmes effets. Les sciences, dites exactes, comportent seules un pareil degré de certitude: il ne faut pas l'espérer dans les matières sociales, car la complexité des états sociaux ne permet pas toujours de reconnaître si les causes que l'on pose ne sont pas neutralisées par d'autres, qui agissent en sens inverse, par de multiples influences ambiantes, telles que le tempérament national, l'opinion publique, les circonstances politiques, etc., dont l'action est d'autant plus difficile à surprendre et à doser qu'elle s'exerce d'une façon profonde et permanente sur le milieu où nous vivons. L'importance de cette remarque, d'ailleurs banale, se révéle dès qu'on cherche à emprunter à une législation étrangère une institution répressive pour la transporter en France.

«

<< Si la science pénitentiaire abandonne ainsi toute prétention à imposer des dogmes, si elle se tient à l'écart de toute école philosophique, spiritualiste ou matérialiste, déterministe ou indéterministe, toutes également métaphysiques, qu'elles le veuillent ou non, dans leurs affirmations ou leurs négations, il en résulte qu'elle n'est point intéressée dans les conflits de doctrines pénales qui ont surgi à la suite des premières découvertes des anthropologistes italiens, et cela est vrai pour la politique criminelle tout entière dont la science pénitentiaire n'est qu'une simple branche. Cette neutralité est un des caractères essentiels de l'orientation imprimée à la lutte contre le crime par les initiateurs de la Kriminalpolitik, fondateurs de l'Union internationale de droit pénal.

<< Il est, d'ailleurs, prouvé par les faits que le progrès des institutions répressives, dans ces vingt dernières années, s'est opéré en dehors de toute influence d'école, sans qu'aucune chapelle scientifique soit autorisée à lui imposer son étiquette ou à le couvrir de son patronage. Il est l'œuvre de criminalistes praticiens, dont beaucoup peut-être auraient pu être rangés parmi les adhérents de l'école classique, mais que leur bon sens et leur désir de faire le bien ont tenus écartés de tout apriorisme et de toute discussion stérile, lorsqu'il s'est agi de travailler efficacement à la diminution de la criminalité. Que l'on songe aux lois françaises sur la relégation, la libération conditionnelle, la condamnation avec sursis; à

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