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le soutenant dans sa concurrence internationale et en le «<< contrôlant dans son action en tant que monopole.

Ensuite, il importe que le gouvernement entretienne des rapports plus étroits avec la vie économique de la nation, par exemple, en développant certains genres de plantation ou certaines exploitations de mines dans les colonies où la chose est possible, de façon que l'Angleterre puisse s'approvisionner chez elles de matières premières qu'elle doit maintenant acheter à l'étranger; dans le domaine social, il importe aussi que le paysan puisse devenir propriétaire, comme cela s'est fait déjà dans d'autres États par la création de homesteads; l'ouvrier doit être mis à l'abri de la maladie, des accidents, de la vieillesse par un système d'assurances dont les traits principaux pourraient être empruntés à l'Allemagne. Enfin, la conclusion de traités de commerce spéciaux avec les différents États serait susceptible d'assurer une plus grande liberté au commerce anglais. Ce point est particulièrement important en ce qui concerne les États-Unis, cette branche de l'empire qui s'est malheureusement détachée du tronc. Dans les dernières pages de son livre, l'auteur déplore l'obstination de George III qui provoqua la séparation des États américains de la mére-patrie. Aujourd'hui, l'adoption d'un système douanier préférentiel resserrerait les liens qui unissent les membres de l'empire britannique et permettrait, si on l'appliquait aux États-Unis, d'améliorer les relations commerciales de la Grande-Bretagne avec cette puissance; de ces rapports commerciaux naîtraient probablement des relations politiques plus étroites. « Une coopération pacifique, aboutissant à une réunion de tous les peuples de langue anglaise sur une base fédérale, tel devrait être notre but. » L'auteur va jusqu'à croire que les États-Unis sont naturellement appelés, par leur situation même, à diriger un jour les destinées des grands peuples de langue anglaise. Et ce point de vue ne lui paraît être qu'une simple interprétation de la succession même des faits.

Les idées autour desquelles pivote l'argumentation de M. Kirkup sont donc celles qu'on retrouve au fond de toutes les théories protectionnistes qu'a suscitées la campagne de M. Chamberlain. La crainte des trusts et du dumping qui en découle, la formation d'une puissante coalition de tous les intérêts anglais, c'est-à-dire de tous les intérêts des peuples de langue anglaise, tel est d'une part le mal qu'on dénonce, tel est d'autre part le remède qu'on préconise. Mais l'auteur se fait peut-être illusion sur la possibilité d'établir des communautés aussi fortes sur une base linguistique ou même raciale. Il arrive que les membres d'une même famille prennent des voies différentes pour aboutir à occuper des positions trés dissemblables à tous égards, parfois même hostiles l'une à l'autre. Si l'on ne peut partager toutes les idées de l'auteur, il est juste de reconnaître que M. Kirkup expose ses idées avec un grand talent de persuasion et la plus remarquable modération. D. WARNOTTE.

35. Précis élémentaire de législation financière à l'usage des étudiants des facultés de droit, par MARCEL MOYE, professeur à la faculté de droit de l'université de Montpellier. Un volume de 419 pages. L. Larose et Forcel, Paris.

M. M. Moye a eu pour but de présenter un résumé aussi complet que possible de la législation financière. Sans négliger les rapprochements des législations étrangères, il s'est placé particulièrement au point de vue des lois en vigueur en France. Son livre s'adresse spécialement au monde universitaire et aux étudiants, qui subissent au cours de leurs études des examens sur des matières financières. M. M. Moye a surtout envisagé le côté positif des questions qu'il étudie. Il s'est donc plutôt occupé « de législation financière que de science des finances ».

L'ouvrage de M. M. Moye est complet. Il n'a négligé aucun des grands principes financiers. Son travail se divise en quatre livres, consacrés successivement à la théorie générale des impôts, à la législation française des impôts, aux dettes de l'État et au budget de l'Etat. Ces divers objets sont exposés avec ordre et clarté, ce qui, dans une matière comme celle que traite l'auteur, constitue un précieux avantage.

M. M. Moye a soin d'indiquer les raisons pour lesquelles telle ou telle mesure fiscale a été imposée et quelle en est l'utilité. Ainsi, parlant des impôts, il nous expose les avantages et les inconvénients des impôts. directs et des impôts indirects. Les premiers ont, dit-il, l'avantage d'être d'une régularité et d'une solidité remarquables dans la rentrée. On a pu le constater aux époques critiques de l'histoire. Après les événements de 1848, les taxes de consommation étaient devenues improductives à raison de la stagnation des affaires, tandis que les contributions directes, non seulement résistèrent, mais purent supporter une surcharge de 45 p. c. sur leur montant global. Lors de la guerre de 1870-1871, les contributions indirectes donnérent des moins-values, tandis que les taxes directes tinrent bon. Enfin, l'Angleterre a pu faire face aux dépenses des guerres de Crimée et du Transvaal en faisant appel aux ressources de l'impôt direct de l'income-tax.

Les impôts directs permettent aussi de maintenir la proportion qui doit exister entre l'impôt et les facultés du contribuable. Ils peuvent être gradués avec la plus grande facilité suivant les richesses mêmes qu'ils frappent. Ils sont également les plus rationnels, parce qu'ils se rapprochent le plus de la justice qui doit régner dans les systèmes fiscaux. Enfin, leurs frais de perception sont moins élevés que ceux des contributions indirectes. Ils offrent, par contre, l'inconvénient de devoir être limités à un rendement assez faible, et de rester stationnaires ou de n'augmenter que très lentement.

Quant aux impôts indirects, ils ont le désavantage de mettre obstacle au développement de l'industrie et du commerce. Ils manquent ensuite de proportionnalité, en pesant d'un poids particulièrement lourd sur les

petites bourses. Ils coûtent cher à percevoir et provoquent la contrebande. Leurs avantages sont cependant sérieux. Ils sont payés avec facilité. On a même pu user de l'expression anesthésie fiscale pour désigner l'état d'âme du contribuable qui paie sans s'en douter. Les taxes indirectes constituent à peu près le seul moyen d'obtenir des ressources fiscales des trés petits revenus. Enfin, il faut dire qu'ils sont nécessaires à raison de leur productivitė: portant sur l'ensemble des revenus nationaux, ils donnent beaucoup à l'État, même avec un taux très faible. Les gros budgets ne peuvent s'en passer.

Les impôts directs et indirects doivent donc coexister, dit l'auteur. << L'idéal économique serait plutôt vers la prépondérance des taxes directes, en raison de leur plus grande équité, mais les considérations budgétaires font presque toujours déborder, au contraire, les impôts indirects. >

Le livre de M. M. Moye constitue une excellente introduction à l'étude des sciences financières et l'on ne peut qu'en recommander la lecture à ceux qui désirent s'initier au droit financier.

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DANIEL CRICK.

35. Instituts Solvay. Travaux de l'Institut de sociologie. Actualités sociales. - Misch et Thron, éditeurs. Bruxelles et Leipzig, 1904 et 1905.

L'Institut de sociologie, créé à Bruxelles par l'initiative généreuse de M. Ernest Solvay, le puissant industriel belge qui a consacré de si féconds efforts au développement de la science et du haut enseignement, a publié, depuis un an, sous le titre d'Actualités sociales, une série d'études qui méritent d'être signalées, bien que ne rentrant pas toutes dans le cadre de notre Revue. Un premier volume, dégageant de diverses études de M. Solvay des Principes d'orientation sociale a ouvert une série, où ont pris place successivement les publications économiques et sociales suivantes : « Que faut-il faire de nos industries. à domicile?» (M. Ansiaux); « L'assurance et l'assistance mutuelle au point de vue médical » (M. Querton); « L'augmentation du rendement de la machine humaine » (M. Querton); « L'entraînement et la fatigue au point de vue militaire », avec une préface du Dr Richet (J. Joteyko); << Le procés du libre-échange en Angleterre » (M. D. Crick); « Le charbon dans le Nord de la Belgique, au point de vue technique, juri dique, économique et social» (MM. De Leener, Wodon et Waxweiler).

Ces Actualités constituent une collection de vulgarisation, mais de vulgarisation vraiment scientifique, faite par des techniciens, qui condensent pour le profit du grand public les résultats d'études spéciales et approfondies. Elles ont pour objectif principal de « rechercher entre des

solutions diverses, celle qui assure à l'activité des hommes le rendement maximum, de dégager les facteurs qui modifient la productivité des groupes ou des individus, pour découvrir les moyens de l'accroître rationnellement ». C'est en ces termes que le distingué directeur de l'Institut, M. Waxweiler, professeur à l'université de Bruxelles, en caractérise l'esprit et la portée. La dernière publication de l'Institut est due à M. Théate, et porte pour titre : Les sociétés anonymes: abus et remèdes.

C'est un fait connu que depuis trois quarts de siècle, l'importance et le nombre des sociétés anonymes se sont accrus d'une façon absolument extraordinaire.

Ce phénoméne a eu des conséquences heureuses en ce sens, qu'il a aidé puissamment au développement de l'industrie et du commerce pendant cette période.

Mais il a produit aussi des effets extrêmement funestes. La constitution et le fonctionnement des sociétés anonymes ont donné lieu, en effet, à de très graves et à de très nombreux abus. Des spéculateurs peu scrupuleux se sont servi de cette forme d'association pour attirer dans des affaires peu sûres ou tout à fait véreuses les capitaux du public. Chacun sait combien, en ces dernières années, il a été ainsi causé de ruines, surtout dans le monde de la petite épargne.

A l'exemple de plusieurs grands pays d'Europe, le gouvernement belge est entré dans la voie des réformes. Il a élaboré et soumis au Sénat un projet de revision des lois de 1873-1886 sur les sociétés commerciales. Il s'agit donc là d'une question toute d'actualité. Dans son travail, l'auteur, M. Th. Théate, qui est attaché à la rédaction de la Revue pratique des sociétés, l'étudie avec une compétence exceptionnelle.

Après avoir expliqué le mécanisme des sociétés anonymes d'après la législation belge, il s'applique à montrer les défauts du régime actuel et ȧ rechercher les moyens qui seraient les plus propres à l'améliorer.

Son étude se divise en deux parties principales, traitant respectivement de la constitution et du fonctionnement des sociétés anonymes. La première partie renferme de nombreux passages d'un intérêt tout particulier. Nous citerons, entre autres, ceux qui se rapportent aux points suivants : les conditions de constitution; la nature et les caractères des différents titres sociaux les plus usités : actions de capital, de jouissance, privilégiées, parts de fondateur, etc.; les fraudes diverses commises dans la réalisation des conditions de constitution: souscriptions fictives, exagérations de la valeur des apports en nature, attribution d'avantages excessifs aux fondateurs, versements fictifs, etc.; les manœuvres employées habituellement par les promoteurs des sociétés anonymes pour lancer avantageusement dans le public les titres de leur association; les sanctions civiles et pénales établies par la loi, en vue d'assurer l'accomplissement des conditions de constitution, l'insuffi

sance de ces sanctions et les réformes à introduire dans cet ordre d'idées.

Dans la seconde partie, l'auteur étudie les divers points principaux relatifs à l'organisation et à la marche des sociétés anonymes, qui ont donné lieu à des abus et qui réclament des réformes, tels sont l'augmentation du capital, la surveillance de la gestion des administrateurs, les assemblées générales, l'émission des obligations et les inventaires et bilans.

Considéré dans son ensemble, le travail de M. Théate est très remarquable. On y reconnaît la marque d'une méthode sûre, d'une connaissance approfondie du sujet et aussi le souci manifeste d'être toujours aussi clair, aussi exact et aussi précis que possible. Chacune des questions soulevées, bien que traitée sobrement, comme il convient pour une œuvre de vulgarisation, est étudiée dans ses détails essentiels.

En définitive, on peut dire que par le livre de M. Théate, la matière si délicate et si complexe des sociétés anonymes est mise à la portée de tous. Ceux, si nombreux de nos jours, qui ont ou sont susceptibles d'avoir des rapports avec des associations de cette espèce, ont le plus grand intérêt à lire cet ouvrage, car ils y trouveront de sérieuses et très utiles leçons de choses.

37. Philosophie des sciences sociales, par RENÉ WORMS, docteur en droit et és lettres, agrégé de philosophie et des sciences économiques, directeur de la Revue internationale de sociologie. Tome II: Méthode des sciences sociales. Un volume in-8°, 1904. Paris, V. Giard & E. Brière.

En 1903, M. René Worms commençait la publication d'un ouvrage en trois volumes sur la philosophie des sciences sociales ('). Il traitait, dans le tome premier, de l'objet de ces sciences. Le tome second, que nous signalons en ce moment, est consacré à leur méthode. Le tome troisième sera relatif à leurs conclusions.

Dans le présent volume, l'auteur examine tout d'abord les méthodes. a priori qui ont été préconisées par divers sociologues, tous partis de l'idée que leur science devait se constituer à l'image d'une des sciences antérieurement existantes (mathématique, physique, biologie, psychologie, économie politique, etc.) et il montre comment ces tentatives, quoique renfermant chacune un principe partiellement juste, ont dû échouer par suite de leur étroitesse. Ensuite, il passe à l'étude de la méthode a posteriori, seule capable, suivant lui, de mener à bien les sciences sociales. Cette méthode, répudiant toute vue préconçue, suit la

(1) Revue, deuxième série, t. V, p. 304.

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