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de Chypre à la Grande-Bretagne pour être administrée et occupée par elle, étaient récentes elles dataient du 4 juin et du 1er juillet de 1878.

Le gouvernement français entama, dès 1882, des négociations avec les États qui avaient obtenu l'exercice de la juridiction dans la Tunisie; mais il faut tenir compte de ce que la Tunisie conservait sa personnalité juridique dans les limites tracées par le traité de protectorat du 12 mai 1881 et de ce que la France s'était portée garante de l'exécution des conventions existant entre la régence et les différentes puissances.

Il n'y a pas grand intérêt à mentionner une clause des traités conclus en 1884 et en 1885 par des puissances européennes avec l'Association internationale du Congo. Un auteur s'en est occupé, c'est M. de Liszt, professeur à l'université de Berlin (1). « L'Angleterre, par le traité du 16 décembre 1884, écrit-il, et la Suède, par le traité du 10 février 1885, se sont réservé dans le Congo la juridiction de leurs consuls. L'entrée de l'État du Congo dans la communauté de droit international doit faire considérer cette réserve comme écartée. »

Une lecture attentive du traité du 16 décembre 1884 montre que le gouvernement britannique a voulu régler une situation tout à fait provisoire et qu'il a prévu et déterminé dans le texte même la disparition du droit qu'il stipulait.

En effet, le préambule disait qu'il convenait de régler et définir les droits des sujets britanniques et de pourvoir en ce qui les concernait à l'exercice de la juridiction civile et criminelle jusqu'à ce que l'Association eût pourvu d'une manière suffisante à l'administration de la justice à l'égard des étrangers ».

D.

Aux termes de l'article 4, le gouvernement anglais avait le droit de nommer des consuls et des agents consulaires dans les ports et dans les stations de l'Association.

D'après l'article 5, tout consul ou tout agent consulaire anglais pouvait établir un tribunal pour l'étendue du district qui lui était assigné et exercer seul et exclusivement la juridiction civile et criminelle à l'égard des personnes et de la propriété des sujets britanniques endéans le district, conformément aux lois britanniques.

L'article 6 proclamait l'obligation des sujets britanniques d'observer

(1) FRANS VON LISZT, Das Völkerrecht systematisch dargestellt. Troisième édition, 1904, p. 134.

REVUS DE DROIT INT. - 37° ANNÉE.

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les lois locales applicables aux étrangers, mais confiait la répression des infractions au tribunal consulaire.

Un auteur anglais, Henry Jenkyns, a montré que l'attribution de la juridiction consulaire ne s'accorde même pas avec la disposition de l'article 8 de la convention (1). En effet, aux termes de ce dernier article, le consul exerce si peu la juridiction civile qu'en cas de difficultés entre un sujet britannique et un sujet de l'Association, le consul doit faire tout ce qui sera possible pour arranger l'affaire à l'amiable et, s'il n'y parvient pas, il doit requérir l'assistance des autorités de l'Association elle-même.

Toutes ces clauses de la convention du 16 décembre 1884 sont choses du passé; le provisoire a pris fin et la réglementation du provisoire e:t tombée en désuétude. C'est seulement au point de vue historique qu'il y a quelque profit à les mentionner. Elles font songer aux constatations que faisait le gouvernement français dans l'Instruction spéciale du 29 novembre 1833 sur l'exercice de la juridiction consulaire en pays de chrétienté. L'exercice de la juridiction comprenant le droit de commandement, était-il dit, un souverain ne saurait l'assurer à ses consuls en pays étrangers qu'avec l'agrément et par délégation, en quelque sorte, du souverain territorial. D

(1) Sir HENRY JENKYNS, British rule and jurisdiction beyond the seas, 1902, p.

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NOTICES BIBLIOGRAPHIQUES.

11. Protection in the United States, by A. MAURICE LOW. Un volume de 167 pages. P. S. King & Son, London.

12.

Protection in France, by H. O. MEREDITH.
194 pages. P. S. King & Son, London.

Un volume de

Nous avons, dans les deux derniers numéros de la Revue (1), attiré l'attention de nos lecteurs sur les études dont le protectionnisme a été l'objet dans une série de volumes publiés sous la direction de M. W. H. Dawson. Nous terminerons aujourd'hui l'exposé des idées développées par les collaborateurs de ce dernier en analysant les travaux de M. M. Low sur le protectionnisme aux États-Unis et de M. H. O. Meredith sur le protectionnisme en France. Nous aurons eu ainsi l'occasion de faire ressortir comme elle le mérite la valeur de l'excellente publication de M. H. Dawson.

Le volume dans lequel M. A.-M. Low expose les effets du protectionnisme aux États-Unis est le troisième de la collection. Ce livre, contrairement aux précédents, témoigne d'une préférence marquée pour le protectionnisme. Quand les Etats-Unis commencérent à exister comme nation indépendante, dit l'auteur, ils restérent pendant un certain nombre d'années sous le régime du libre-échange. Ils ne tardérent cependant pas à estimer que le protectionnisme était indispensable au développement de leur industrie. Ce sentiment prit plus de force à mesure que le territoire s'accrut par des acquisitions nouvelles. Les annexions de la Louisiane (1804), de la Floride (1819), du Texas, de l'Orégon et d'une partie du Mexique (1846-1848) furent chacune suivies d'une accentuation du tarif dans un sens protectionniste.

A l'époque de la fondation des États-Unis, la masse de la population occupait surtout les parties du pays propres à l'industrie. Mais à mesure que l'occupation de l'ouest et des territoires agricoles se poursuivit, les industriels voulurent se réserver les marchés de ces régions; de là, la nécessité d'empêcher l'entrée des produits étrangers.

Au lendemain de la révolution, l'union américaine n'existait que sous forme de confédération. Chaque Etat réglait sa politique douanière comme il l'entendait. Le Congrés ne pouvait présenter que des recommandations. En fait, chaque État avait son tarif, mais il était modéré.

(1) Revue, deuxième série, t. VI, p. 672 et 679, et t. VII, p. 149.

On peut dire que de 1783 à 1789, le système en vigueur se rapprochait du libre-échange.

Pendant cette période, les États-Unis furent envahis par les produits anglais. En 1784 et 1785, la Grande-Bretagne importa pour 30 millions de dollars de produits et n'en reçut que pour 9 millions. Il en résulta que le numéraire américain se trouvait drainė vers l'étranger. Cette situation eut pour effet de faire attribuer au Congrès le droit d'établir un tarif général et celui d'abolir les douanes intérieures. Ces deux dispositions de la constitution ont grandement contribué à la prospérité industrielle des États-Unis. Elles ont permis de réserver à l'industrie nationale le marché intérieur « dont la valeur est équivalente à celle du commerce international du monde entier ».

Le préambule du premier tarif déclare que celui-ci est établi en vue d'encourager et de protéger l'industrie ». Il était fort bas. Les droits étaient, en moyenne, de 7 1/2 p. c. Ils furent bientôt majorés. En 1800, ils furent portés à 13 p. c. et, en 1808, à 28 1/2 p. c. ad valorem. L'industrie se développa et l'agriculture suivit. Pendant la guerre de 1812, les droits furent portés à 33 p. c. en moyenne. Ce fait, joint au petit chiffre des importations de cette époque, donna une grande impulsion à l'industrie. L'étranger ne tarda pas à prendre ombrage de cette prospérité. L'Angleterre, poursuivant un plan arrêté, pratiqua à l'égard des États-Unis, un système de dumping, qui causa un grand préjudice à l'industrie indigène. Ce mal dura jusqu'en 1824, année où fut adopté un tarif nettement protectionniste. Les droits furent élevés à 37 p. c. en moyenne. La situation s'améliora aussitôt. En 1828, le tarif fut porté jusqu'à 45 p. c. en moyenne. L'auteur cite des extraits d'historiens et d'écrivains reconnaissant les bienfaits du protectionnisme à la suite de

ces mesures.

Le Sud réclama alors une réduction de tarif. Il craignait que l'Europe ne lui achetât plus son coton, son tabac et son riz. Le Sud n'avait pas de manufactures à protéger à ce moment. En 1833, il fut convenu que tous les droits dépassant 20 p. c. seraient réduits de 10 p. c., tous les deux ans, pendant un laps de six années; le surplus serait supprimé l'année suivante. La période de réduction fut occupée par des troubles financiers et commerciaux. Une grande partie de la crise était attribuable à la spéculation et aux mauvaises méthodes suivies par les banques et le commerce. On fut néanmoins heureux de retourner au protectionnisme en 1842 Les droits furent fixés à 35 p. c. en moyenne. L'activité reparut et les recettes douanières augmentèrent. Les protectionnistes chantaient victoire.

Cependant, en 1846, les droits furent abaissés à 23 p. c. en moyenne. Ce tarif, connu sous le nom de tarif Walker, réduisit les droits sur les produits manufacturés et plaça des droits plus élevés sur les matières premières. Il fit donc l'inverse de la méthode généralement suivie. L'effet

de ce tarif est encore fort discuté de nos jours. Les libre-échangistes font valoir la grande prospérité des années qui suivirent. Les protectionnistes répliquent que ce développement est dû à la découverte de l'or en Californie, à la construction des chemins de fer, à la guerre du Mexique, à la demande de céréales en Europe, par suite des guerres et de la famine en Irlande. Walker justifiait son tarif en disant que le protectionnisme favorisait l'industrie aux dépens de l'agriculture, des ouvriers et des marchands.

En 1854, commença une période de dépression qui se prolongea jusqu'à l'adoption d'un tarif protectionniste. Les importations avaient pris une grande extension et elles consistaient en produits similaires à ceux que les Etats-Unis pouvaient produire. Le chômage ne tarda pas à s'étendre. Malgré cela, le tarif fut encore abaissé en 1857. Ce dernier resta en vigueur jusqu'en 1861, année où le parti républicain porta au pouvoir son premier président, A. Lincoln. Un tarif protectionniste y fut alors substitué et fut maintenu pendant trente-trois ans, jusqu'à l'arrivée du président Cleveland. En 1892, celui-ci établit un tarif modéré.

A partir de 1861, le protectionnisme devint la doctrine des républicains. Les démocrates se firent les champions du tarif modéré. Jusque-là, la ligne de démarcation entre les deux partis n'avait pas encore été aussi nette. Il fallait, à ce moment, de l'argent pour faire face aux dépenses de la guerre civile. Quand celle-ci fut terminée, on en réclama pour payer les dettes de la guerre. Le tarif fut haussé à mesure que la guerre se prolongeait. Les exportations des États-Unis ne s'en développèrent pas moins. Elles passérent de 377 millions de livres sterling en 1860 à 846 millions de livres sterling en 1870. En 1870 et 1872, le tarif fut revise. On plaça sur la liste des importations libres des objets qui n'étaient pas fabriqués dans le pays (25 p. c. du total des importations; en 1875, la proportion s'éleva à 33 p. c.). En 1883, une nouvelle revision eut lieu en vue de réduire les recettes douanières et de faire droit aux réclamations de l'opposition.

En 1884, les démocrates revinrent au pouvoir avec Cleveland. On désirait une réforme du tarif dans l'intérêt de la masse. Malheureusement, M. Cleveland n'avait pas la majorité dans les deux Chambres, et il ne put rien faire. En 1889, les républicains reprirent le dessus, et, dés 1890, le bill Mac-Kinley fut adopté. Grâce à celui-ci, l'industrie des tôles fines et celle de la fabrication des boutons en verre purent s'implanter en Amérique. Le pays ne se montra pas aussi enchanté de ce tarif que les protectionnistes, et, en 1892, il rendit la majorité à M. Cleveland.

On constata alors qu'il s'était formé une tendance protectionniste dans le parti démocrate. Dans les conventions, on avait adopté, il est vrai, des résolutions en faveur d'un « tarif fiscal » (revenue tarif), mais il était entendu qu'il devait être de nature à constituer une « protection indirecte» (incidental protection). C'était le résultat de l'influence des

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