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L'article 7 défend à tout fonctionnaire de l'autorité publique et à tout agent de la force publique de pénétrer dans les palais et locaux qui sont la résidence habituelle ou la demeure temporaire du pape ou qui sont occupés par un conclave ou par un concile œcuménique. Il ne leur est permis d'y pénétrer qu'avec l'autorisation du pape, du conclave ou du concile.

Les perquisitions et la saisie de documents ne peuvent s'opérer dans les offices du saint-siège et les congrégations pontificales.

Le pape a la liberté complète dans l'exercice de son ministère spirituel; dans la ville de Rome même, il peut faire afficher aux portes des basiliques et des églises les actes qui concernent ce ministère. Les agents ecclésiastiques qui participent à l'élaboration de ces actes purement spirituels échappent à toute poursuite; s'ils sont de nationalité étrangère, ils jouissent de toutes les garanties reconnues par les lois aux citoyens italiens.

Le pape correspond librement avec l'épiscopat et avec le monde catholique; il a le secret et l'inviolabilité des lettres; il peut établir dans ses édifices des bureaux de poste et des bureaux télégraphiques dont il désigne le personnel; il peut se servir sans frais du réseau télégraphique de l'État.

Il conserve à Rome et dans les sièges suburbicaires la direction exclusive des séminaires, des collèges et des institutions consacrées à l'éducation du clergé.

La protection et la garantie que le pape est dans l'impossibilité de donner à ses envoyés diplomatiques et à ceux des puissances font l'objet de l'article 11.

La loi des garanties se contente de prévoir le cas où le souverain pontife recevrait et accréditerait des envoyés ». Elle assimile les envoyés » འ des gouvernements étrangers aux agents diplomatiques pour tout ce qui concerne les immunités; elle fait une situation privilégiée aux envoyés du saint-siège pendant qu'ils traversent le territoire. Les envoyés des gouvernements étrangers près Sa Sainteté, dit l'article 11, jouissent dans le royaume de toutes les prérogatives et immunités qui appartiennent aux agents diplomatiques d'après le droit international. Aux offenses dirigées contre eux sont étendues les sanctions pénales des offenses faites aux envoyés des puissances étrangères près le gouvernement italien. Aux envoyés de Sa Sainteté près les gouvernements étrangers sont assurées, sur le territoire du royaume, les prérogatives et

l'immunité d'usage conformément au même droit quand ils se rendent au siège de leur mission ou qu'ils en reviennent. »

Ce sont autant de concessions de l'Italie qu'il lui est loisible de révoquer. Il faut repousser la thèse d'après laquelle les dispositions de la loi du 13 mai 1871 auraient été acceptées par la plupart des États et seraient entrées dans le droit des gens. Rien de semblable ne s'est fait. Selon les mots d'Émile Brusa, le pape est inviolable, mais c'est en vertu d'une loi nationale; il a le droit de légation, mais c'est en vertu d'une loi nationale; il jouit de l'immunité de résidence, mais c'est en vertu d'une loi d'un État particulier et non pas en vertu du droit international (1).

Pendant la vacance du saint-siège, aucune autorité ne peut, sous aucun prétexte, mettre obstacle à la liberté personnelle des cardinaux; le gouvernement doit protéger contre toute violence la réunion des conclaves et des conciles œcuméniques. Deux fois déjà depuis l'entrée en vigueur de la loi des garanties, l'interrègne s'est écoulé sans qu'il surgît la moindre difficulté. Le cardinal camerlingue a exercé ses fonctions; le sacré collège a tenu ses assemblées et reçu les hommages du corps diplo matique; le conclave a joui de la liberté extérieure la plus grande, et si, en 1903, le choix d'un nouveau pontife ne s'est pas fait sans quelque pression étrangère, c'est à une puissance catholique, à l'Autriche, que remonte la responsabilité.

(1) É. BRUSA, La juridiction du Vatican. Revue de droit international et de législation comparée, t. XV, p. 134.

DE L'AUTORITÉ ET DE L'EXÉCUTION
DES JUGEMENTS ÉTRANGERS EN FRANCE ('),

PAR

P. de PAEPE,

Conseiller honoraire à la Cour de cassation de Belgique, Membre de la Commission permanente instituée par le gouvernement pour l'examen des questions de droit international privé.

Deuxième article (1).

SOMMAIRE :

20. Avant de procéder à la revision du fond, le juge français doit examiner si le jugement étranger réunit les conditions voulues pour être reconnu comme tel en France. 21. Suivant la jurisprudence, il doit être exécutoire dans le pays où il a été rendu. 22. La doctrine penche vers la même solution que la jurisprudence.

23. Le juge français doit examiner si le jugement étranger a été rendu par un juge compétent. Suffit-il que le juge étranger ait été compétent d'après la loi de son pays? 24. La règle actor sequitur forum rei n'est pas la seule applicable en droit international. Critique d'un arrêt de la cour de Rennes, du 26 décembre 1876.

25. Le juge français doit examiner si la partie défenderesse a été régulièrement citée devant le juge étranger, et légalement représentée ou déclarée défaillante.

26. Il doit examiner si le jugement étranger n'est pas contraire à l'ordre public de la France. Le jugement étranger l'est s'il est en contradiction avec un jugement français passé en force de chose jugée ou avec un autre jugement étranger déclaré exécutoire en France.

27. Autres cas où le jugement étranger a été déclaré contraire à l'ordre public français.

28. A moins de dispositions contraires dans les lois politiques ou les traités, le juge français doit reviser le fond.

29. Les parties peuvent-elles renoncer à cette revision?

30. Le jugement d'exequatur, bien que rendu après revision du fond, ne remplace pas le jugement étranger: il le rend seulement exécutoire.

31. Les effets légaux du jugement étranger sont déterminés par la loi étrangère. Critique de deux arrêts de la Cour de cassation, du 9 février 1892.

32. Le juge français appelé à se prononcer sur la demande d'exequatur ne peut avoir égard à des conclusions nouvelles, notamment à des demandes reconventionnelles ou en garantie.

33. Sans avoir été rendu exécutoire, le jugement étranger peut servir de base à des actes conservatoires, et particulièrement à une saisie-arrêt.

() Voir plus haut, p. 5.

34. De la force probante des aveux, des reconnaissances et des autres faits constatés par les jugements étrangers.

35. Le jugement d'exequatur est soumis aux mêmes voies de recours que les autres jugements. De l'opposition et de la tierce opposition.

36. Quand la voie de l'appel est-elle ouverte contre le jugement d'exequatur?

37. Ce jugement peut être rétracté sur requête civile, conformément à l'article 480 du code de procédure civile.

20. Le devoir principal du juge saisi de la demande d'exequatur est ordinairement de reviser, en fait et en droit, le jugement étranger. Mais, avant de procéder à cette revision, il doit examiner si le jugement étranger réunit les conditions voulues pour être reconnu comme tel en France.

Même dans le système qui affranchit les jugements étrangers, au moins ceux qui concernent exclusivement les étrangers, de la revision du fond, le juge saisi de la demande d'exequatur doit examiner si le jugement est produit dans les formes prescrites par la loi du pays où il a été rendu; si, d'après cette loi, il a été prononcé par le juge compétent; si la partie défenderesse a été régulièrement citée devant le juge étranger et légalement représentée ou déclarée défaillante; si le jugement étranger est exécutoire dans le pays où il a été rendu, et si, dans le pays où l'exécution en est demandée, il n'est pas contraire à l'ordre public.

21. Dans un arrêt du 23 février 1866 (1), la cour d'appel de Paris dit que les tribunaux ont le droit et le devoir de vérifier si l'acte qu'on leur présente réunit les conditions nécessaires pour constituer un jugement valable et définitif dans le lieu où il est rendu; s'il est passé en force de chose jugée, de sorte qu'il soit susceptible de recevoir dans le pays d'où il vient l'exécution qu'on demande pour lui en France ».

Dans un arrêt du 11 mai 1869 (2), elle dit au contraire que la loi permet de déclarer exécutoires en France les jugements étrangers, sans distinguer entre ceux qui ont ou n'ont pas la force de chose jugée; que la faculté d'exécution n'est alors conférée que dans l'état où est le jugement et sans préjudicier aux voies de recours dont il est susceptible. Mais l'arrêtiste fait remarquer avec raison que cette solution est trop absolue; que, comme le dit l'arrêt du 23 février 1866,

(1) SIREY, 1866, II, 300. Voir sur cet arrêt, qui dispense de l'examen du fond, notre premier article, n° 11.

(2) SIREY, 1870, II, 10; DALLOZ pér., 1871, II, 119.

il faut que le jugement étranger soit susceptible de recevoir dans le pays où il a été rendu l'exécution qu'on demande pour lui en France.

En effet quand cet arrêt exige que le jugement étranger passé en force de chose jugée soit définitif, il n'entend pas, par là, qu'il ne soit plus susceptible d'opposition ni d'appel : il suffit que le jugement étranger soit exécutoire dans le pays où il a été rendu.

Par un arrêt du 17 août 1877 (1), la cour d'appel de Paris refuse de rendre exécutoire un jugement rendu par défaut en Angleterre, parce que, la voie ordinaire de l'opposition restant encore ouverte, il n'a réellement aucun caractère définitif, ni acquis l'autorité de la chose jugée. Par un arrêt du 30 novembre 1869 (2), la cour de Bordeaux décide, en termes formels, qu'un jugement étranger peut être déclaré exécutoire en France, bien qu'il n'ait pas acquis l'autorité souveraine de la chose jugée et qu'il ne soit pas à l'abri de tout recours; qu'il suffit que ce jugement soit définif et susceptible d'exécution dans le pays où il a été rendu. L'arrêt porte qu'il résulte de documents officiels fournis au ministère public, après consultation demandée et délivrée par les conseillers en droit de la couronne, expédiée par l'ordre du ministre anglais des affaires étrangères, que les jugements par défaut ou contradictoires rendus par le tribunal du banc de la reine ont indistinctement et égaltment un caractère définitif, et qu'il n'y a entre eux aucune différence quant à leur effet légal, que, spécialement, le jugement rendu par ce tribunal le 10 août 1866, entre Horace Clarkson et Halvoë-Andréas Bontzen, représenté par son avocat, lequel n'a rien dit à la barre sur les conclusions du demandeur, qu'il soit contradictoire ou par défaut, devait être considéré comme définitif; qu'il n'est pas nécessaire, ainsi que l'a décidé le tribunal, que ce jugement soit devenu souverain pour servir de base à une saisie arrêt en France; qu'il suffit, en effet, aux termes de la jurisprudence et de la doctrine, qu'il soit devenu définitif et qu'il puisse engendrer, pour celui qui l'a obtenu en Angleterre, le droit de le ramener à exécution sur les facultés du débiteur condamné ». La cour d'appel de Paris s'est prononcée dans le même sens, par des arrêts du 19 août 1884 (3) et du 19 mars 1902 (4).

(1) CLUNET, 1877, p. 425.

(2) DALLOZ pér., 1871, II, 121.

(CLUNET, 1885, p. 87.

() CLUNET, 1903, p. 634. Voir encore dans le même sens tribunal civil de la Seine, 10 mars 1880 (CLUNET, 1880, p. 192); 8 février 1881 (CLUNET, 1881, p. 430); 18 janvier 1902 (CLUNET, 1902, p. 812).

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