Et je n'ai plus que la volonté bonne : De vous promettre à chacune un couplet. S'il renonça aux ballets, il ne renonça pas aux rondeaux, et sur l'ordre du roi, à ce qu'il dit lui-même, il « mit les Métamorphoses d'Ovide en rondeaux ». Il faut s'entendre. Rien ne serait plus absurde que de traduire en rondeaux les Métamorphoses d'Ovide, et Benserade, même déclinant, avait trop d'esprit pour le faire; mais il n'est pas absurde de faire des réflexions, sous forme de rondeaux, sur les plus piquantes des métamorphoses d'Ovide, et c'est ce que Benserade a fait. Par exemple, sur Orphée déchiré par les femmes de Thrace il fera ce petit commentaire : C'est un peu trop de sauter au collet Peut-être eût-il donné dans le filet, Et leur opprobre eût été moins complet. Orphée cut tort aussi. Ce n'est pas laid D'être un époux trié sur le volet, Et que la foi conjugale renomme; Mais de souffrir plutôt qu'on vous assomme Que d'y manquer, je suis votre valet! C'est un peu trop. Les Métamorphoses eurent peu de succès. Elles parais saient trop tard, au moment où ces jeux aimables étaient un peu démodés. Cela n'empêche point que Benserade n'ait été cinquante ans au moins un homme d'esprit, ce qui n'est pas un cas fréquent. Il fut le dernier des précieux et le plus continuellement en verve de tous. SainteBeuve l'a appelé un « Voiture prolongé ». Il n'a eu d'autre tort que de le prolonger trop longtemps, c'est-àdire de continuer d'avoir de l'esprit à une époque où l'on exigeait du génie. « Desipere in loco », dit Horace, ce qui veut dire qu'il faut avoir le genre de folie que votre temps préfère. Les « burlesques » ne sont guère que des précieux d'un genre inférieur, faisant rire à moindres frais et tantôt outrant, tantôt parodiant les procédés des précieux. Eux aussi furent très en vogue au temps du règne des précieux et surtout au temps où le règne des précieux finissait. Les représentants les plus fameux de ce genre furent Scarron, d'Assoucy et, si l'on veut, Le Pays, qui, à vrai dire, ne fut qu'un demi-burlesque. Scarron est resté très célèbre pour son Énéide travestie, qui ne vaut presque rien, et pour son Roman comique, qui est excellent. Le Roman comique, avec le Page disgracié, de Tristan l'Hermite, la Vraie histoire comique de Francion, de Sorel, les Caquets de l'accouchée, et le Roman bourgeois de Furetière, représente au XVII siècle le roman réaliste, si peu en faveur à cette époque et qui, au siècle suivant et au XIX, aura une si grande faveur. Les mœurs réelles des bourgeois, des provinciaux, des petites gens, des hommes de lettres et des comédiens de province y sont peintes avec vérité, quoique avec verve, et forment un tableau aussi instructif qu'amusant. Comme « livre simplement plaisant », ainsi que Montaigne le disait trop dé 1 daigneusement de Rabelais, le Roman comique est du reste digne d'éloge, et telle narration y est d'un entrain, d'un mouvement et d'une couleur digne d'un très grand maître. Scarron a écrit aussi beaucoup de nouvelles imitées des auteurs espagnols, très inégales, quelques-unes très intéressantes. C'est dans l'une de celles-ci, intitulé les Hypocrites, que l'on trouve une première esquisse déjà assez poussée, de Tartuffe. Il a écrit encore, à l'imitation également des auteurs espagnols, un certain nombre de comédies, qu'on appellerait aujourd'hui comédies bouffes. Celle qui eut le plus de succès est Jodelet, ou le maître valet; celle que la postérité a retenue et que l'on hasarde quelquefois sur la scène est Don Japet d'Arménie. Toutes contiennent des passages amusants; aucune n'a une véritable valeur. Ce qu'on ne lit pas assez dans Scarron, ce sont ses satires, qui annoncent parfaitement Boileau et même Molière. Ce sont déjà des satires moitié morales, moitié littéraires, tout à fait dans le goût des deux grands maîtres. Il y en a une contre les critiques dont on sera bien aise que nous citions quelques vers. Scarron s'adresse à Mlle de Scudéry : Que ne nous donnez-vous le naïf caractère, Ille ego fum Vates rabido data præda dolori. Daret delineauit et Celauit ad viuum Egid. Menagius. PAUL SCARRON Pour le repos public, du moins il me le semble, Scarron n'a pas fait assez de vers comme ceux-là et en a beaucoup trop fait où une grosse verve triviale, servie par une facilité lamentable, lui valait des succès éphémères. Notez que lui-même quelquefois exprimait son mépris pour le burlesque. Mais c'était un genre à la mode et qui était très demandé par les libraires. Scarron a trop tra vaillé pour le gain. C'est lui qui a particulièrement inspiré à Boileau ses imprécations contre les écrivains mercenaires. Boileau était assez riche pour en parler à son aise. D'Assoucy, d'un degré au-dessous de Scarron, faisait des chansons bouffonnes et des vers de circonstance qui sont toujours très mauvais quand ils ne sont pas des répliques à de méchantes attaques; car, dans ce cas, d'Assoucy ne manque ni de verve ni de mordant. Où il est très digne d'être lu, c'est dans ses souvenirs de voyages et d'aventures, qu'il a intitulés les Aventures de M. d'Assoucy. On y trouve de la bonne humeur, une jolie manière de conter, du naturel, de l'esprit facile, une naïveté assez aimable et un très vif sentiment de la nature, des charmes du voyage à pied, qui, toute proportion observée, fait quelquefois songer à Rousseau. C'était le Villon du XVIIe siècle, avec d'aussi mauvaises mœurs, moins le vol, |