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Ce fut une sorte de Petite Église dans la grande. L'abbé de Saint-Cyran en fut l'initiateur; le grand Arnauld (Antoine) en fut le docteur invincible, intransigeant et inépuisable. Autour de lui se rangèrent à différentes époques Arnauld d'Andilly, son frère aîné, et, plus ou moins étroitement, tous les Arnauld, Nicole, Lancelot, Lemaître de Sacy, Nicolas Fontaine, Tillemont, tous théologiens ou savants ou moralistes très distingués. La société lutta contre les jésuites qui l'attaquaient et dont elle trouvait la morale relâchée ou accommodante. De là naquirent en 1656 les célèbres Provinciales de Pascal. Cette société, vue de très mauvais œil par Louis XIV qui dans toute Église dans l'Église voyait toujours un État dans l'État, subit une série de persécutions et finit par être violemment dissoute vers la fin du règne.

Port-Royal a eu une triple influence. Au point de vue, sinon religieux, au moins ecclésiastique, il a habitué ses amis, ses disciples, et même ses adversaires, à l'étude attentive des textes religieux, à lire l'Écriture, ce qu'on ne faisait pas assez auparavant, à chercher en un mot le christianisme dans sa source même.

Au point de vue littéraire, il a ramené la littérature au ton sérieux, à un certain souci de la dignité et de la morale, et par conséquent il l'a éloignée de la frivolité précieuse et de la vulgarité burlesque.

Ces effets se sont fait sentir à partir de 1660. Si l'on veut mesurer les distances, qu'on songe à Regnier et à Boileau. Boileau est un Regnier légèrement teinté de philosophie, et, avec moins de talent que son prédécesseur, il a le ton plus haut, la parole plus grave, et un peu plus d'étendue et profondeur dans l'esprit. C'est qu'entre les deux il y a Descartes, et surtout le Jansénisme.

Enfin Port-Royal a fait toute une révolution pédagogique. Les « Solitaires » réunissaient autour d'eux, d'après le vœu de Saint-Cyran, un certain nombre de jeunes gens des classes supérieures (l'un d'eux fut Racine), et rédigeaient pour eux des livres d'instruction et d'éducation. De là sont sortis la Grammaire générale, la Logique, une Méthode (grammaire) grecque, une Méthode latine, une Géométrie, un livre resté classique jusqu'au milieu du XIXe siècle sur les Racines grecques. Tous ces ouvrages clairs, simples pour le temps, dégagés des derniers restes de la tradition scolastique, inspirés du lumineux esprit de Descartes, adoptés ou imités partout dans la seconde moitié du XVII° siècle, réalisèrent un progrès immense dans l'enseignement et ne furent pas pour peu de chose dans la magnifique éclosion littéraire qui suivit. A tous ces titres et quoi qu'on doive penser ou qu'on puisse dire des doctrines jansénistes, Port-Royal a tenu une place immense dans l'histoire de la pensée française.

CHAPITRE V

PHILOSOPHES DU XVII SIÈCLE

Au même temps où la philosophie religieuse était portée par les hommes de Port-Royal à un si haut degré de pénétration et aussi de subtilité, la philosophie laïque, si l'on peut ainsi parler, était représentée par les plus grands hommes qu'elle ait jamais inspirés en France.

C'étaient Descartes, Gassendi, Pascal, un peu plus

tard Malebranche.

Descartes était un gentilhomme tourangeau, né à La

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LE MIRACLE DE LA SAINTE ÉPINE

Tableau consacré à Port-Royal par la famille de Pascal (1656).

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