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délit de croyance ou de pensée, ni magistrature indépendante tentée de former un État dans l'État. Du reste, monarchiste, absolutiste et aristocrate, il ne souhaitait ni liberté politique ni égalité sociale, et ses tendances auraient été à une autocratie bienveillante, tolérante, amie des arts et aussi peu pesante que possible sur les humbles. Aucune de ces idées n'était très profonde, et, ni comme philosophe ni comme politique, Voltaire n'a une grande valeur; mais, à toutes ses idées, Voltaire donnait un tel relief, une telle force de projection, une si impétueuse et si vive et si divertissante saillie, qu'elles faisaient balle à tout coup, si l'on peut dire, et comme certains projectiles, faisaient des brèches beaucoup plus larges qu'elles n'étaient grosses. On sait que cela tient à la manière dont on les lance. Jamais on ne vit un si ardent, un si vigoureux ni un si inépuisable vulgarisateur.

Diderot pensait beaucoup plus et avait beaucoup moins d'influence, parce qu'il avait beaucoup moins de talent. Non pas que ses contemporains se soient trompés sur lui, et unanimement ils lui avaient donné le beau nom de « philosophe », qu'après tout beaucoup ont porté qui le méritaient moins que lui. C'était un esprit inventeur et assimilateur, tout rempli d'idées qui étaient des autres et qu'il faisait siennes, et qui étaient de lui et qu'il abandonnait aux autres avec la plus magnifique prodigalité; échauffé, bouillonnant, fumeux et plein d'éclairs, toujours en mouvement, en agitation et en création continue; infatigable et fatigant écrivain, étonnant et délicieux causeur, et insupportable bavard; une extraordinaire force de la nature, puissante, éblouissante, intempérante et mal réglée. C'est lui, bien plus que Voltaire, bien plus que Montesquieu, bien plus que Rousseau, qui a porté tout le

siècle dans sa tête, philosophie, sciences, arts, lettres, histoire, législation et le reste. Il avait des théories sur l'éducation, sur l'art dramatique, sur la religion, sur l'histoire naturelle, sur la morale, sur la peinture, sur les métiers à broder, sur la sculpture, sur la politique, sur les romans anglais, sur l'architecture, sur la métaphysique, et la liste s'allonge à mesure qu'on veut la dresser. A rien de ce qu'il imaginait il n'a donné une expression définitive et arrêtée, mais que de « vues » sur toutes choses et que de soudaines « clartés de tout »>!

Essai sur le mérite et la vertu, Pensées philosophiques, Lettres sur les aveugles, Lettres sur les sourds et muets, Essai sur Sénèque, la Promenade du sceptique, de l'Interprétation de la nature, le Rêve de d'Alembert, Supplément au voyage de Bougainville, Réfutation de l'ouvrage d'Helvétius intitulé l'Homme, Entretien d'un philosophe avec la maréchale ***, voilà pour les études ou essais philosophiques;

Essai

sur les règnes de Claude et de Néron,

voilà pour l'histoire;

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de politique des souverains, voilà pour la sociologie; Plan d'une

en ne

sont pas mes ennemis, en detestant la superstition 1778. fev. Jemeurs en adorant dreu en aimant mes amis,

baissant

(

PROFESSION

DE FOI

DE VOLTAIRE (1778)

Volming

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Université pour le gouvernement de Russie, voilà pour la pédagogie; Entretien d'un père avec ses enfants, voilà pour la morale; Réflexions sur Térence, Éloge de Richardson, Entretiens sur le « Fils naturel », De la poésie dramatique, Dissertation sur la poésie rythmique, Paradoxe sur le comédien, voilà pour la critique littéraire; — Essai sur la peinture, Salons (genre littéraire qu'il a inventé), Pensées détachées sur la peinture, Lettres à Falconet, voilà pour la critique artistique;

Leçons de clavecin et principes d'harmonie, voilà pour l'esthétique musicale; les Bijoux indiscrets, Ceci n'est pas un conte, La Religieuse, Jacques le fataliste, le Neveu de Rameau, voilà pour les œuvres d'imagination; le Fils naturel, le Père de famille, Est-il bon? est-il méchant? voilà pour les œuvres dramatiques; - vingt volumes dans l'Encyclopédie qui contiennent toute une philosophie, toute une histoire de la philosophie et la description technique de tous les arts et métiers pratiqués en France à cette époque, une Histoire philosophique des Indes, qui est signée de Raynal et dont la moitié est de Diderot, - une vaste correspondance où particulièrement les Lettres à Mademoiselle Voland sont d'un très grand intérêt pour l'histoire anecdotique du temps et contiennent des pages pleines de verve, d'imagination, de feu et tournées en excellent style : tels sont seulement les principaux ouvrages de ce merveilleux improvisateur, et quand on les nommerait tous, il faudrait encore y ajouter des écrits qui ont paru sous un autre nom d'auteur, Diderot n'ayant jamais refusé d'assister de son infatigable plume quiconque la lui empruntait.

Comme philosophe, à travers toutes les contradictions où les improvisateurs tombent toujours et que n'évitent

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