ridicule dans l'adoration où il est de lui, il se retira à quarante ans, vers 1628, dans ses terres de Touraine, d'où il ne sortait que pour venir un peu à l'Académie française, et il mourut dans un âge très avancé, en 1670. Il a laissé une espèce de drame incohérent intitulé les Bergeries, qui contient des morceaux admirables, des odes très languissantes, des stances, des sonnets, des traductions des Psaumes, une Vie de Malherbe, des Lettres, etc. Ses stances sont ce qu'il a écrit de meilleur. Le sentiment de la nature est extrêmement vif chez lui, comme du reste, quoi qu'en aient dit ceux qui n'ont lu que Boileau, chez la plupart des poètes du XVIIe siècle. Tout le monde connaît ses charmantes stances sur la Retraite : « Tirsis, il faut penser à faire la retraite...» Il a d'autres rêveries, devant la nature champêtre, qui sont exquises : La nuit viendra bientôt mettre fin à nos peines; Traînent devers les bourgs les coutres renversés... Il salue l'avènement du printemps d'un chant de triomphe plein d'allégresse et d'ivresse joyeuse : Déjà les fleurs qui bourgeonnent S'il ne soupire d'amour. Il ne manque même pas de force et de vigueur à la rencontre. Dans ses odes, il y a tel morceau qui touche au sublime. Non seulement la Consolation de Racan à M. de Bellegarde peut être mise en comparaison avec la Consolation de Malherbe à M. du Périer, mais elle lui est par instant très supérieure. Racan fait observer à M. de Bellegarde que son frère mort doit voir sans regret le pauvre monde qu'il a quitté : Mais puisque ses travaux ont trouvé leur asile, Il voit ce que l'Olympe a de plus merveilleux : Il avait surtout un sens incroyable de l'harmonie. Ses vers peignent par les sons autant que par les paroles. Il n'a en cela qui le surpasse dans toute la littérature française que le seul La Fontaine. C'était un homme très simple, dans chaque vers de qui l'on sent la sincérité. Il est de la famille de ceux qui ont chanté comme on respire, et cela donne à toute son œuvre, même aux endroits faibles, quelque chose de doucement ingénu, de frais et de bon qui enchante et qui retient. On comprend comment les grands partisans du « naturel », les poètes de 1660, ont sans cesse associé son nom à celui de Malherbe. Ils n'y ont jamais manqué. Boileau : Racan pourrait chanter à défaut d'un Homère... La Fontaine : Ces deux rivaux d'Horace, héritiers de sa lyre, ce qui n'est pas modeste, mais ce qui est exact; et encore: Malherbe avec Racan parmi les chœurs des anges Ont emporté leur lyre, et j'espère qu'un jour C'est, en effet, que deux poètes ne se sont jamais mieux « complétés » que Racan et Malherbe, l'un ayant toutes les grâces simples et aimables où l'autre atteint rarement, l'autre ayant les grands élans et les imposantes fiertés dont son ami n'était capable que par rencontre. Ils sont bien les deux « maîtres et guides » de la poésie classique du XVIIe siècle. Autour d'eux et après eux, jusqu'en 1830, régnait une littérature et en particulier une littérature poétique qui n'était rien moins que classique. Théophile de Viau, dont la réputation fut si grande, qui fut souvent opposé à Malherbe, qu'à la fin du siècle La Bruyère mettait encore en parallèle avec Malherbe, pour lui préférer Malherbe, il est vrai, mais pour lui reconnaître chemin faisant un talent très distingué, était un poète irrégulier, nonchalant, négligé, diffus souvent, mais doué de la plus charmante imagination du monde. Il eut une vie désordonnée, coupable même, quoique moins sans doute que ses ennemis ne s'acharnèrent à le faire croire, très courte du reste, car il est mort à l'âge où Malherbe commençait à écrire. Il est certain qu'il n'avait pas le goût très sûr et incontestable qu'il a écrit Pyrame et Thisbé. Il faut confesser qu'il aime la pointe |