Le mouvement poétique fut très vif et même passionné pendant tout le XVIIe siècle, mais particulièrement dans la première moitié de cette période, parce que plus tard, d'une part de plus grands prosateurs attirèrent à eux une partie de l'attention, d'autre part le mouvement poétique lui-même se concentra un peu dans le théâtre, au détriment de la poésie proprement dite. Les poètes de 1610 à 1630 environ sont très curieux. Il ne faut pas croire, à cause du grand nom de Malherbe, qu'ils constituèrent une école classique. C'est le contraire. La littérature de 1600 à 1630 fut une littérature romantique, et particulièrement la poésie fut une poésie romantique où dominaient l'imagination, le caprice et la On voit par ta rigueur tant de blondes jeunesses, Et celui qui, chétif, aux misères succombe, Sans vouloir autre bien que le bien de la tombe, Salut, La paraphrase du couplet de Prudence sur le massacre Que je porte d'envie à la troupe innocente Virent dès le matin leur beau jour accourci ! De ces jeunes guerriers la troupe vagabonde Ce furent de beaux lis, qui, mieux que la nature, Mais Malherbe fut peut-être le seul qui ne fût pas satisfait de ses débuts poétiques. Peut-être, comme je l'ai indiqué, par suite de son commerce avec du Vair, plus probablement par suite de ses propres réflexions, il se mit à mépriser toutes les fausses beautés de la poésie contemporaine, à condamner Desportes, à biffer d'abord les trois quarts de Ronsard, puis Ronsard tout entier, par bravade, à n'avoir quelque indulgence que pour Bertaut et à faire de toutes pièces toute une législation poétique d'une extrême rigueur et dont voici les principaux traits : Mettre plus de « raison » dans la poésie, c'est-à-dire en proscrire obscurité, négligence, trivialité, imagination artificielle. L'obscurité vient d'une composition mal surveillée : il faut composer une pièce avec une extrême diligence et ne rien laisser à l'imprévu; - ou d'une syntaxe incertaine jamais un tour n'est assez net; ou d'inversions pénibles : jamais d'inversions. La négligence est cause de la diffusion il faut, dans une clarté parfaite, être concis, ramassé et fort (voilà pourquoi il a quelque faible pour Bertaut). La trivialité est négligence encore. Il faut s'entendre : la syntaxe populaire est nette, franche et directe. Elle est bonne. C'est pour elle (ce semble) qu'il renvoie aux crocheteurs du port aux foins comme à des maîtres de la langue. Mais pour les mots il fait un choix : il ne veut ni d'archaïsmes, comme Ronsard, ni de « dialectes » ni de mots techniques, comme Ronsard encore. Enfin l'imagination artificielle, ce sont les allégories froides, si estimées des poètes de l'ancienne France et que la Pléiade n'a point proscrites et que d'Aubigné prodigue encore; ce sont les métaphores recherchées et prolongées, qui sentent le travail de l'auteur sur les mots et par conséquent l'artifice; c'est l'abus de l'esprit et même l'esprit en vers, l'esprit étant un jeu et non une émotion ou un mouvement naturel. Contradiction dont il ne s'est pas aperçu, il maintient la mythologie, qui est tout ce qu'il y a de plus artificiel comme imagination artificielle. En résumé, il y a dans la doctrine de Malherbe une sorte, non de proscription, encore qu'il le crût, mais de redressement et d'épuration de la doctrine classique contenue déjà dans Ronsard. Malherbe, c'est Ronsard continué, Ronsard rectifié, Ronsard combattu. : Ronsard continué tendance au grand, poésie majestueuse et sévère, grands genres littéraires et mépris des petits genres, mythologie. : Ronsard rectifié moins de prolixité, moins de négligences, point d'obscurités, point d'inversions (Ronsard les avait déjà combattues), moins d'imitation (Malherbe à |