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EMPIRE.

NAPOLEON BONAPARTE.

Lorsque la Providence met sa main dans la foule, pour y choisir et pour en retirer les hommes extraordinaires qu'elle a prédestinés à changer la face des empires, elle leur communique et elle leur attribue tout ensemble la puissance matérielle et la puissance intelligente de la société, et elle ne les fait apparaître, de loin en loin, sur la scène du monde que dans des circonstances qu'elle semble avoir préparées tout exprès pour leur élévation et pour leur chute.

Tels furent Alexandre, César et Napoléon.

La Grèce était à bout de rhéteurs et de poëtes, de corruption, de guerres civiles et de grands hommes, lorsque le monde asiatique s'ouvrit, avec toutes ses richesses, avec ses religions ridicules et méprisées, ses satrapes énervés, ses populations pourries avant d'être mûres, ses gouvernements usés et ses limites indéfinies, à l'ambition du jeune Alexandre.

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Alexandre.

L'Univers romain, travaillé par le dégoût d'une liberté orageuse et par le besoin de l'unité depuis les conquêtes de l'Asie, de l'Espagne, de la Gaule et de l'Angleterre, n'attendait qu'un maître, et il se donna encore plus à César que César ne voulut de lui. Les légions de vétérans accoutumées à vaincre sous César, ne connaissaient plus que les faisceaux et le nom de César. Rome aussi n'aspirait qu'à lui remettre le sceptre du monde, que ses débiles mains ne pouvaient plus porter.

Napoléon, à son tour, s'empare habilement des forces vives de la Révolution qui, lasses de bouillonner au fond de leur cratère et de retomber sur elles-mêmes, cherchaient à se répandre au dehors et débordaient vers la conquête. Il est maître parce qu'il veut l'être, parce qu'il peut l'être et parce qu'il sait l'être. Il absorbe, dans le despotisme de son empire, les consciences, les intelligences et les libertés. Il a de l'audace parce qu'il a du génie, et peut-être il a du génie parce qu'il a de l'audace. Il méprise les hommes, parce qu'il les juge. Il aime la gloire, parce que tout le reste ne peut remplir le vide immense de son âme. Il dévore le temps, il dévore l'espace parce qu'il lui faut vivre plus vite, marcher plus vite que les autres hommes. Il pèse le monde dans sa main, et il le trouve léger, et le front à demi penché dans l'abîme, il se met à rêver l'éternité de sa dynastie et la monarchie universelle.

Mais après avoir élevé si haut les conquérants, la Providence éteint d'un souffle l'éclat de leur diadème, et elle les donne en spectacle à l'univers, pour lui montrer que, malgré leur gloire et la sublimité de leur domination, ils sont hommes et que, comme tous les hommes, ils sont sujets à des chutes sans relevée, et bornés par le néant.

Ainsi, Alexandre meurt à la fleur de son âge, rassasié de triomphes et de voluptés, dans l'ivresse d'un festin royal. César tombe au pied de la statue de Pompée, frappé d'un poignard républicain, lorsqu'il allait se faire couronner par le sénat, empereur perpétuel de Rome, après avoir rangé sous ses lois toute la terre. Enfin, Napoléon ne s'arrête dans la course de son ambition, que lorsqu'on l'eut acculé sur un rocher solitaire, environné de tous côtés par les vagues de l'Océan.

Napoléon était l'un de ces hommes prodigieux qui se sentent nés et qui sont faits pour le gouvernement des peuples et des empires. Il fant que ces hommes-là meurent ou qu'ils règnent.

Ils sortent à peine d'être simples soldats et ils commandent comme

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