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LV. On a le droit d'être hardi, quand on dit la vérité: c'était la maxime de Montausier; non pour se justifier de l'avoir dite; mais pour honorer ceux qui la lui disaient.

LVI. Point de belle renommée, si elle n'est descendue jusqu'au peuple. Quand le peuple voyait passer la cour de Louis XIV, il demandait : « Où est cet honnête homme qui dit toujours la vérité? » Quel éloge du duc de Montausier!

LVII. De dignes seigneurs, dans une cour, se regarderaient comme des députés de la nation auprès du monarque, pour remplir sa vie privée de l'exemple de toutes les vertus et de tous les conseils de l'honneur.

LVIII. Les disgrâces, que leur obtiendrait une telle conduite, compteraient dans l'illustration de leurs races.

LIX. Ce qui sauve la vertu, au milieu des hasards qu'elle veut courir, c'est le courage qu'elle met dans ses actions, dans ses pa

roles.

LX. Rien qui soit plutôt renversé, dans une cour, qu'une vertu timide et incertaine.

LXI. La vieillesse consacre enfin le génie et la vertu ce repos où elle condamne le grand homme; cette borne qu'elle pose dans sa gloire; et ces vestiges du temps, empreints sur son front, qui semblent reculer ses beaux faits dans le lointain du passé, désarment les préventions, les inimitiés, même l'envie; et dans la reconnaissance des contemporains, on aperçoit déjà la justice des siècles : plus de ces restrictions d'une admiration avare; on veut tout expier; il semble qu'on ait peur que le grand homme ne descende dans la tombe, avec un cœur mécontent: heureux donc le vieillard, qui peut encore jouir de ces acclamations, si long-temps refusées; et pour qui elles ne deviennent pas un fracas importun, dont on opprime sa caducité!

LXII. C'est améliorer les mœurs que de les anoblir. Elles valurent mieux dans les brillantes années de Louis XIV, qu'avant et après.

LXIII. L'émulation d'étre et de paraître, ressort social, singulièrement propre au caractère français, en acquérant même la

puissance du trône, et par l'exemple et pour la récompense, entraîna tout d'un mouvement commun; soumit l'opinion de l'Europe à la France, de même que toutes les volontés de la France à son monarque; et, principe unique des grandes choses de ce règne, nous en donne aujourd'hui toute l'explication.

LXIV. L'intolérance, en matières politiques, atteste la domination d'une tyrannie ou l'ascendant d'une faction.]

LXV. Tout gouvernement, qui affecte de craindre certaines opinions, ne fait que les

accréditer.

LXVI. Tout gouvernement, qui sévit contre certaines opinions, en crée, seul, tout le danger, en les fanatisant par la persécution.

LXVII. L'ancienne monarchie française était une bigarrure de toutes les institutions. sociales, que le temps avait amenées. Elle s'était sans cesse modifiée par ses pertes, par ses acquisitions; elle tenait, à la fois, aux vieux préjugés, aux nouvelles opinions;

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aux idées religieuses, aux idées philosophiques. Elle n'était plus de son temps, et ne voulait pas aller avec son temps. Il fallait qu'elle sût remonter au dé brouillement de la féodalité, où son plan avait été formé; ou qu'elle se posât dans une nouvelle organisation nationale. N'ayant pas voulu faire elle-même le changement, il s'est fait par sa ruine. Cela était du cours des choses.

LXVIII. Les révolutions sont les crises d'un corps vigoureux : rien de lent, rien de faible, n'est de leur régime ; c'est le lutteur sur l'arène; sa force ne se soutient que par l'irritation de ses organes.

LXIX. A chaque époque, et dans chaque nation, il y a une masse d'idées absurdes et de viles intentions, qui cherchent toujours le moment de leur explosion. Il convient de la laisser se faire plus tôt, pour qu'elle s'achève plus vite.

LXX. Ceux qui s'effraient des mauvais ouvrages, pour la sûreté des vérités démontrées, des principes sortis de l'expérience, ne font, par cette pusillanime défiance, qu'une injure à la philosophie.

LXXI. A l'éternelle surprise des chefs et des valets de gouvernement, les peuples ne veulent pas comprendre, que leur obéissance doive se rapporter plutôt à l'avantage de quelques privilégiés, qu'au bien com

mun.

LXXII. La véritable impartialité ou la noble modération, est cette force d'esprit, qu'on ne puise que dans l'énergie même de son âme.

LXXIII. Elle consiste à s'arrêter, pour juger; à tout voir, pour bien voir; à ne voir dans les objets que ce qui y est; à ne rien changer, ne rien affaiblir dans leurs tableaux; à se tenir au-dessus des préventions des autres, et de ses propres affections, par un besoin dominant de la vérité, de la justice, du respect du public, et de soi

même.

LXXIV. Les factions, tout en se ravivant les unes par les autres, tombent à la fin par l'impuissance du corps politique, à supporter ces tourmentes contraires.

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