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XI. La critique ne doit s'appliquer qu'où elle peut verser le baume d'une juste louange dans la plaie d'une utile blessure.

XII. Dans le polémique, deux grands défauts, celui de raisonner faux, et celui d'avoir trop raison.

XIII. Si les ouvrages étendus exigent plus de puissance et de diversité dans le talent, les petits, ne pouvant se passer de tout leur mérite, demandent plus de perfection et de goût. Ils doivent se sentir de la bonne veine, comme certains événemens de notre vie s'imputent à notre bonne fortune.

XIV. Pour que chaque sujet ait son éloquence, il faut que l'éloquence reste fidèle à chaque sujet.

xv. Traitons les talens, comme les puissances; honorons-les par quelque chose de franc et de libre dans nos hommages.

XVI. Dans tous les genres de louange, rien ne reste que la vérité, rien n'honore que la justice.

XVII. Qu'y a-t-il d'aimable dans la louange,

si elle ne nous gagne par des tons de vérité et de persuasion ?

XVIII. Lorsque le tour périodique ne naît pas de l'espèce de la pensée et ne la décrit pas, il n'est dans l'oreille même qu'une cadence, sans harmonie. C'est au sentiment de votre pensée à vous donner le ton, le mouvement et la forme de votre phrase.

XIX. Malheur à tout écrivain qui étale toujours son art, ne voit rien, ne sent rien qu'avec son art! Tel est Fléchier, au préjudice d'un beau talent.

xx. Décourageons toujours la médiocrité, par l'indifférence, son lot légitime; mais toujours des hommages pour tout ce qui a l'empreinte du talent; et pardonnons-lui d'avoir été surpassé ou de pouvoir l'être par le génie.

XXI. Une des punitions de la flatterie envers les grands, est de s'en faire une servitude.

XXII. La louange de cérémonie est la plus emphatique, parce qu'on s'occupe plus de lui donner de la pompe que de l'illusion.

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XXIII. La servitude, qui la prodigue, se venge adroitement par l'exagération, qui la décrie devant le public, en dupant son objet.

XXIV. Dans le beau discours de Racine sur Corneille, l'orateur présente le poëte et le monarque, présidant ensemble à leur siècle; il fait marcher de front ces deux grandeurs c'est le premier exemple de la dignité littéraire.

XXV. C'est déjà outrager les talens, que de ne pas les sentir.

XXVI. Les arts et les lettres languissent et périssent, quand ils sont déshérités de cet enthousiasme public, qu'ils ont l'ambition de donner, le besoin de recevoir.

XXVII. La mauvaise foi ne peut s'accommoder de la saine logique.

XXVIII. L'invective n'est point l'injure. L'injure est un outrage contre le droit, la raison, la convenance.

L'invective est bien aussi un outrage; mais pour la noble et légitime défense des autres, de soi-même, de la société entière;

c'est une accusation franche et énergique; et quand elle est exercée par un ministère, une sainte véhémence.

XXIX. L'invective est du domaine de la haute éloquence.

xxx. L'invective appartient à l'oppression, comme la plainte à la douleur.

XXXI. Ceux qui ne sont touchés que de la gloire du bien dire, ne savent pas qu'on n'a de l'éloquence que par la passion du bien faire.

XXXII. On aime à voir un orateur devenir un moment, lui-même, le sujet de son discours. C'est sa gloire d'exciter cet intérêt, et un de ses droits d'oser s'y confier.

XXXII. Il est des écrits si vénérables, par leurs motifs et leur objet, qu'on y aime des négligences de style; elles sont là comme des signes d'abandon et de candeur.

XXXIV. Si quelque chose a le droit de soumettre la puissance, c'est la voix du génie.

xxxv. Rien ne fait fortune comme les livres que la malignité adopte.

XXXVI. Point de grands succès, si l'on n'est porté par la passion actuelle du public.

xxxvII. L'âme et l'esprit réagissent sans cesse l'un sur l'autre; mais ils sont rarement dans la juste proportion.

XXXVIII. Dans les beaux-arts, on apprend à sentir, comme à penser ; c'est un don que les hommes bien organisés reçoivent des hommes de goût.

XXXIX. Les défauts ne nuisent qu'aux succès: malgré les défauts, les hautes beautés donnent la gloire.

XL. Un homme qui se sera plus recueilli dans ses études, que dans ses impressions, pourra être un écrivain penseur, mais non un penseur original.

XLI. Il y a des écrivains qui sont les plus sévères censeurs des défauts qu'on leur reproche à eux-mêmes.

XLI. II

y

a des savans, des artistes, des

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