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an dehors; fixez bien le degré de son élévation et de son intérêt; et alors prenez le ton qui s'y rapporte.

XIII. Amenez, s'il y a lieu, des accessoires intéressans; mais qu'ils se fondent dans votre discours, comme les grâces dans les mouvemens du corps, pour les embellir, sans les énerver; et ne croyez pas avoir bien fait, si les ornemens de votre cause n'en sont devenus des moyens.

XXIV. Il n'est qu'une manière d'orner les petits objets, c'est de les traiter avec simplicité, netteté, précision; avec cette justesse, qui annonce un homme supérieur à ce qu'il traite.

xxv. C'est attendre la perfection dans les choses difficiles et fastidieuses, que de nous en abréger l'intelligence.

XXVI. N'imitez pas les rhéteurs, qui détruiraient l'impression de l'éloquence même, par l'étalage des formules de l'art.

XXVII. Montrez toujours un sentiment qui sort de votre cœur, et une conviction qui remplit votre esprit.

XXVIII. C'est au comédien à changer de caractère, de moeurs, de passions, en revêtant de nouveaux personnages l'effet pour lui consiste à faire oublier l'homme.

XXIX. Celui de l'orateur est de le manifester toujours; tel qu'on le veut, tel qu'il doit être; sincère et noble, passionné du juste et de l'honnête.

xxx. N'employez jamais des moyens faux ou frivoles; l'éloquence, comme la probité, se reconnaît à la franchise.

XXXI. Pénétrez-vous de vos preuves; et énoncez-les, comme vous les avez conçues, et non comme vous les avez trouvées dans vos livres.

XXXII. Assurez-vous bien de vos doctrines; éprouvez-les au choc de la contradic

tion.

XXXIII. Amassez une vaste science; et employez-la avec discrétion.

XXXIV. Il est des erreurs qu'il faut savoir, tout aussi-bien que les vérités, afin de les détruire par elles-mêmes.

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xxxv. Réservez la doctrine des livres, pour étayer les nouveautés apparentes ; pour confondre l'ignorance présomptueuse; et quelquefois pour entraîner, par l'autorité; ceux qui résistent au sentiment et à la raison.

xxxvi. Je vous passe une moindre sévérité à vous-même, dans vos premiers essais. La timide correction ne fait rien attendre de l'esprit d'un jeune homme; de même qu'une prudence prématurée inquiète sur son caractère.

Le génie s'annonce souvent par des élans irréguliers, de même que la générosité par des indiscrétions.

XXXVII. Mais

de

par apercevez vos fautes plus fortes études; et justifiez, à la fin, l'indulgence, en cessant d'en avoir besoin.

XXXVIII. Une gravité, qui n'épouvante pas les grâces; une solidité soutenue; une sainte austérité dans les principes; mais de l'indulgence pour les faiblesses humaines; des ornemens décens, et non pas une sécheresse orgueilleuse; le dessein d'intéresser, et

non celui d'amuser; un genre de plaisanterie, qui ne soit que la raison armée d'une malice innocente: voilà les qualités que le bon goût permet et demande dans les écrits judiciaires.

XXXIX. Sans doute, il faut de la fermeté, il faut même de l'audace à celui qui doit quelquefois apporter de ces vérités, qui font pâlir celui qu'elles accusent et trembler pour celui qui les dit; mais le courage des grandes âmes n'est qu'un sang-froid intrépide.

XL. Si un acteur nous peint les passions sur la scène, c'est pour nous en inspirer un effroi salutaire; mais l'orateur effréné vient accomplir leurs excès, et délirer scandaleusement devant les lois.

XLI. Redoutable effet du zèle, qui détruit des services par des écarts; et fait, par un principe d'honneur, l'office de la bassesse soudoyée !

XLII. Préférez au futile honneur d'avoir fait beaucoup la glorieuse satisfaction d'avoir bien fait ; et ne déposez pas votre réputation sur le chemin de la fortune.

XLIII. Ne pensez jamais qu'on puisse être jurisconsulte sans philosophie, et orateur sans littérature.

XLIV. Les plus belles causes n'ont qu'un éclat éphémère; mais des discours, où le sujet a été vu en grand et développé avec intérêt, peuvent durer autant que la philosophie et l'éloquence, qui les ont dictés.

XLV. Songez bien qu'une honorable réputation est une heureuse séduction sur le public; il mêle une affection pour votre caractère à l'impression de vos paroles; il vous juge comme un objet aimé.

XLVI. Songez que l'admiration est un sentiment fort et subit, qu'il faut enlever à l'amour-propre des autres pour l'accorder plus libéralement, l'amour-propre a besoin d'être fléchi par l'attrait, plus doux, des qualités personnelles.

XLVII. L'envie et souvent la calomnie, dans toutes les carrières, viennent assaillir le talent, dès que la gloire commence à le récompenser.

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