Page images
PDF
EPUB

taines places sans rivalité, telles que celle d'Homère, qui ouvre ces listes du génie, et celle de Tacite, qui les ferme. La haute critique, seule, resta faible dans ce beau siècle ; peut-être parce qu'elle a besoin, à la fois, et d'une pleine indépendance, et d'une longue possession des lumières; deux avantages qui manquaient encore.

IV. Il fut donné au dix-huitième siècle de tout réunir, pour faire de tout un emploi nouveau. Le génie ne lui manqua pas; inférieur dans les parties d'école, il fut grand dans les voies propres qu'il sut s'ouvrir. Il refit, en quelque sorte, les sciences par les

découvertes et les méthodes. Comme il eut une philosophie à lui, il eut une éloquence d'un nouveau caractère; et que le goût même place entre celle des anciens et celle des modèles parmi les modernes. Cette gloire appartient particulièrement aux philosophes français; qui n'ont qu'une vaste part dans la conquête commune des vérités, mais qui ont servi excellemment les progrès de leur siècle, par l'influence suprême de leur style. Qui pourrait nier cela des belles

[graphic]

productions d'un Fontenelle, d'un Montesquieu, d'un Voltaire, d'un Buffon, d'un Rousseau? Ajoutons encore, car il faut savoir parler comme une postérité, déjà acquise, et qui professe la justice; et dédaigner la vaine détraction des derniers échos des préjugés et de l'envie; ajoutons encore, de plusieurs écrivains d'un ordre moindre, mais toujours d'un ordre éternel; que leur réputation, toujours mieux affermie, rapproche incessamment de ceux dont la prééminence est incontestée.

La poésie, n'étant pas le principal instrument de ce siècle, se contenta de ne pas dégénérer; du moins dans les nouveaux genres et les nouvelles couleurs, dont elle s'enrichit. L'érudition s'éclaira et s'agrandit par l'esprit philosophique. Cet esprit philosophique, né des richesses accumulées par les siècles, de tous les progrès, du versement des sciences des unes dans les autres ; s'élevant jusqu'au talent; tenant même de l'invention par la force et l'étendue de ses aperçus, a été, non la première gloire de ce siècle, mais le moyen le plus actif de ses succès. C'est par lui que toutes les parties

de la science humaine se sont recherchées, rattachées, refondues; et qu'elles ne tendent plus qu'à cette savante concentration, qu'une institution politique peut seule leur donner, et qui sera le dernier degré de leur puis

sance.

C'est de lui que la science humaine a reçu sa plus belle destination, par l'entreprise de l'amélioration sociale. La philosophie du dix-septième siècle avait semblé composer avec tous les préjugés, et borner la destinée des nations à l'état de choses existant, qu'elle n'avait pas eu le courage d'examiner. Celle du dix-huitième n'a voulu relever que des vérités; ou, pour parler moins témérairement, et par-là plus philosophiquement, de ses scrutations de la vérité; elle ne les a pas toujours faites avec justesse, avec candeur, ni même avec d'heureux résultats; il s'en faut bien elle a poussé partout cette enquête, sans la terminer nulle part; elle a tout remué dans le domaine du goût, comme dans celui de la science; dans la polique comme dans la morale; elle a tout

:

[graphic]

peu refait, encore moins affermi; it que tout préparer pour un siè

cle encore plus riche, plus fort, plus heureux. Ce fut un mal dans le bien; mais le remède est dans la chose même. Après l'exemple de l'audace, elle donne le besoin de la sagesse dans le courage. Laissons s'accomplir l'œuvre commencée; il serait déjà trop tard, pour l'arrêter; ce n'est plus que les saines acquisitions de la philosophie, qu'il faut opposer aux erreurs de la philosophie.

Sur le talent philosophique.

1. Il y a une aptitude naturelle à la philosophie, comme à la poésie et à l'éloquence. Vous distinguerez l'homme né pour ce genre de mérite, à un profond amour, à un juste discernement de ce qui est vrai, bon et utile;

A une sorte d'instinct qui le porte vers de grandes pensées;

A un besoin, non moins impérieux, de ne les chercher que dans la nature des choses; de les dégager de l'illusion naturelle, avec laquelle elles se produisent, d'abord, de l'exagération, qui n'en ferait que de funestes

erreurs;

Au soin de ne les offrir à la pratique, qu'après les avoir assorties à l'ordre positif où elles doivent entrer; qu'après avoir vérifié leurs principes, prévu et assuré leurs effets.

I. Les théories sans preuves, les systèmes purement hypothétiques, sont à la philosophie, ce qu'est la déclamation à l'éloquence, et le bel esprit à la poésie.

III. Il y a une réunion nécessaire de force et de netteté, d'étendue et de justesse, dans les vues du philosophe.

IV. C'est par-là qu'elles obtiennent, tôt ou tard, cet attrait qui y attache et y rappelle les bons esprits.

v. C'est par ce riche et solide fonds, que l'homme, digne des recherches philosophiques, est presque toujours un bon écrivain; qu'il sait éclairer, animer, embellir ses idées de tout ce qui peut leur donner tout leur prix.

vi. Les défauts d'un homme né philosophe, sont encore des mérites, et donnent,

« PreviousContinue »