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Ix. Ce qui devient de plus en plus difficile, c'est de marquer ses productions à un grand coin d'originalité.

x. L'originalité, aujourd'hui, viendra plutôt des impressions propres à des sujets nouveaux ou renouvelés, que de la manière de les traiter.

Ressource contre l'indifférence au bien.

1. Par une singularité propre aux siècles de lumières, qui sont beaucoup ceux des mœurs relâchées; les talens peuvent encore se signaler par les succès, où ils n'ont plus d'utiles résultats à obtenir.

11. Nous avons substitué à l'ancienne soumission de l'esprit, une grande souplesse d'imagination.

III. On se prête aux idées religieuses, et même aux idées philosophiques, comme au merveilleux de la poésie.

IV. L'esprit ne se rend pas; mais il mesure la force de celui qui l'attaque.

v. Le cœur ne reçoit pas une émotion réelle, mais il se livre à l'effet oratoire.

VI. Un beau sentiment est toujours applaudi dans nos spectacles; qui est-ce qui le recueille dans son cœur, pour en faire la règle de sa conduite?

VII. Eh bien! oserai-je dire aux poëtes, aux orateurs, profitez de cette passion, que votre génie nous inspire encore. Dans un habile gouvernement, on se sert des vices même pour aller au bien; et, dans les subversions publiques, les lois mêmes se prêtent aux caprices des peuples, pour les faire rentrer dans l'obéissance. Soyez sincères et ardens dans le culte de la vertu, à proportion que nous y sommes indifférens.

Sur Lamothe,

I. Parmi toutes les manières d'écrire, celle qui serait sage et correcte, au point de ne donner jamais lieu à la critique; naturelle, par le soin d'enlever l'empreinte du travail; qui seroit vive et élégante, sans mouvemens marqués dans le style; et presque sans autres ornemens que la précision des idées et la délicatesse des sentimens; parmi toutes les manières d'écrire, celle-là, en étonnant

moins, n'en plairait peut-être que davantagé; surtout aux gens du grand monde, par qui elle a été inspirée; mais qui ne peuvent se l'approprier, que lorsqu'ils ont aussi de l'art et du talent. Le premier et le plus parfait modèle de ce genre de style, parmi nous, est, ce me semble, Lamothe; écrivain justement décrié pour ses vers et ses paradoxes littéraires ; mais à qui il est juste de conserver une belle place parmi les prosateurs élégans.

Progression de l'esprit humain, depuis les quatorzième et quinzième siècles, jusqu'au dix

neuvième.

1. A la renaissance des lettres et des sciences, lorsque les nations voulurent sortir de la barbarie du moyen âge, ne pouvant encore apprendre que par la docilité; ne pouvant encore séparer le respect, de l'adulation, ni l'imitation de la servitude', elles se jetèrent, avec la plus laborieuse superstition, sur tous les monumens des antiquités grecque ou romaine. Pas un écrit sur lequel il n'ait été fait des volumes; pas une ligne

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de chacun de ces écrits qui n'ait été tournée et retournée dans tous les sens, et controversée jusqu'à n'être plus susceptible d'aucune lumière; car on a fini par abandonner toute cette erreur du travail, pour en revenir à la pure impression du simple bon sens. Mais il avait fallu tout cet abus de l'esprit, pour le ranimer, en l'exerçant; pour le rendre capable d'aller par lui-même. Telle fut l'occupation des quatorzième et quinzième siècles.

II. Le seizième fut assez fort pour se détacher des mots et s'élever aux idées, dans cette étude de l'antiquité, qu'on ne savait encore interroger, ni par la nature, sans laquelle rien n'est vrai, rien n'est bon; ni par la raison éternelle, qui seule peut faire loi. Alors apparurent, chez toutes les nations, des esprits, éminemment créateurs, qui commencèrent à exploiter et leur langue et leur temps: les seules sources de l'originalité de la pensée, et de l'action de la pensée individuelle sur l'esprit général.

Te dix-septième put se saisir d'une déjà épurée, et, par-là, devenue

féconde; il eut ses forces en lui-même; il prit des anciens le goût; mais pour en soutenir son propre génie; il se donna enfin les langues vivantes, en les élevant aux pensées qu'il leur confiait; il s'empara des institutions, des idées, des mœurs, des choses modernes, non pour les juger et les réformer, mais pour les ennoblir; il vénéra la philosophie et la littérature anciennes, sans s'y assujettir; se donnant de la liberté, sans se permettre l'audace; il créa ses sujets, ses formes, ses tons, ses manières; il créa en tout et partout; il fut riche, grand, original; il rendit aux nations l'esprit humain.

On n'a qu'un beau reproche à lui faire c'est de n'avoir pas su s'apprécier lui-même ; ainsi qu'on le constate dans cette fameuse querelle, où ceux qui exaltaient les anciens, ne gagnèrent leur cause, que par l'ingrate circonspection de leurs adversaires, qui ne voulurent pas comparer les grandeurs; proclamer des gloires nouvelles, en opposant un Descartes à un Aristote; un Corneille à un Sophocle; un Racine à un Virgile; un Molière à un Aristophane, un Plaute et un Térence ensemble: laissant cependant cer

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