Page images
PDF
EPUB

poque où nous sommes; elle a développé dans mon esprit une vue, qui part du même. principe, et va au même but. Je t'en dois l'hommage; je la mets sous la protection de ta gloire.

Ombre sacrée, je t'implore; reprends ton courage, auguste vieillard. Ne répugne pas d'apparaître encore à ce parti, sous le règne duquel tu marchas à un échafaud; complais toi encore à un service pour cette nation, qui te fut si chère. Viens leur dire : Les nations périssent, quand elles entrent dans un grand événement, sans avoir, à l'avance, conjuré ce qu'il a de sinistre. O Français de tous les partis, êtes-vous assez sûrs de bien manoeuvrer dans la tempête, pour ne pas chercher un port, à l'approche de l'orage! J'ai vu, dans les jours de sa détresse et de son héroïque piété, cet enfant proscrit de tant de rois, cette victime consacrée de votre révolution, qui avait eu le malheur de repousser mon conseil, accabler mon cœur de son profond regret. Tremblez de tomber dans des catastrophes, où celui qu'on vous donne, vous reviendrait aussi, comme un repentir!

NAPOLÉON BONAPARTE.

OBSERVATIONS PRELIMINAIRES.

Je m'étais proposé de placer, après les deux portraits, qu'on va lire, un discours, intitulé: Considérations sur les deux règnes de Bonaparte. Mais le sujet m'ayant conduit à creuser dans des faits, à offrir des principes et des vues, sur lesquels il me paraît que le moment utile de la pleine vérité n'est pas loin, mais aussi n'est pas encore arrivé, je crois devoir en différer la publication. Je m'interdirai toujours l'honneur du courage, lorsque l'évidence d'un service public n'en sera pas l'unique et pur motif.

Je regrette, à plusieurs égards, de ne pouvoir faire lire cet écrit, à la suite des deux portraits il m'aurait dispensé des explications, que je vais donner ici.

On pourrait supposer que j'ai entendu dénigrer toutes les personnes, qui ont tenu, de près ou de loin, à ce gouvernement.

Je m'empresse de déclarer qu'il en est plusieurs, auxquelles je tiens, par ce que je ne leur dois pas, seul l'estime, l'affection, le respect; et j'espère qu'on n'admettra pas que j'aie choisi le moment d'une persécution politique, pour manquer envers eux à mes propres sentimens.

Autre chose est le jugement de l'histoire, ou ce qu'on croit tel, sur un gouvernement; autre chose serait la réprobation de ceux qui sont entrés, ou qui se sont trouvés dans ce gouvernement.

Nous aurions dû, au moins, apprendre de toutes nos révolutions, qu'elles sont des forces majeures, qui emportent les hommes; et que ce n'est pas seulement une indulgence, où tous sont intéressés; que c'est encore le bon sens, qui nous prescrit de n'y juger personne, sans la considération de toutes les circonstances, qui ont pu peser sur sa conduite.

Comment aurais-je fait cette méprise, puisque l'écrit, dont je crois devoir suspendre la publication, est spécialement destiné à relever, non-seulement la France, mais l'Europe, de l'abjection d'un joug

[graphic]

aussi extraordinaire? Ce qui ne se pouvait que par une étude approfondie de toutes les causes. J'y pose cette règle, où chacun peut se retrouver, comme il lui convient qu'aujourd'hui nous n'avons plus qu'une manière de nous apprécier : c'est de voir ce que nous étions, avant le règne de Napoléon; et ce que nous sommes, depuis. Je ne connais plus de Bonapartistes, que ceux qui, y croyant ou n'y croyant pas, font encore un moyen de fortune des doctrines serviles; et par elles, prolongent les habitudes serviles, notre dernier danger, notre dernière honte; notre dernière inconséquence même, dans le régime libéral, qui nous est maintenant assuré.

J'éprouve une peine, encore plus vive, à ne pouvoir, dès ce moment, manifester mon opinion sur l'armée française, qui entrait dans le cadre de mon écrit supplémentaire. Je voulais, le premier, offrir à son malheur, mon sincère hommage. Mais n'aurais-je pas à me féliciter de n'avoir plus à prendre ma part dans la justice qui lui est due, qu'à la suite de tous ceux, ministres ou représentans, qui débattent les inté

[graphic]

rêts publics dans nos tribunes nationales?

Si ces illustres guerriers ne se jugeaient pas en dehors des accusations contre une abominable tyrannie, j'oserai le dire, ce seraient eux-mêmes, qui se feraient injure. Une armée reçoit nécessairement sa direction, son esprit, ses devoirs même du gouvernement, auquel elle appartient. Telle est, non pas l'excuse, mais l'honorable principe du dévouement que la nôtre a tant signalé pour son chef. Ce qu'elle conserve, après la chute de son chef, c'est d'avoir été, sous tous les aspects, la plus belle armée, parmi les armées anciennes et modernes ; celle à qui il est à désirer qu'aucune ne puisse jamais être comparée : car malheur au monde, si une autre conquête du monde devait se reproduire! Une chose la relèvera toujours, dans sa catastrophe, sans exemple, comme ses exploits; c'est la manière, dont elle l'a acceptée, et celle dont elle la supporte; c'est le caractère, éminemment patriotique, qu'elle a repris, lorsque, ren-due à elle-même, elle s'est retrouvée dans ses inclinations originaires. Un pays, qui a une telle armée, dispersée parmi ses ci

« PreviousContinue »