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Être avec les gens qu'on aime, cela » suffit: rêver, leur parler; ne leur parler >> pas; penser à eux, penser à d'autres objets, » mais au près d'eux; tout est égal. >>>

Il ne sait pas moins bien regretter ses , que les aimer.

amis, que

« devrait y avoir dans le cœur des Il » sources inépuisables de douleurs, pour de » certaines pertes. L'on pleure amèrement, » et l'on est sensiblement touché; mais l'on >> est ensuite si faible et si léger, que l'on se >> console. >>

Ainsi cette âme, pénétrée de ses regrets, se plaint à la nature, de ce qu'elle lui a permis de sortir de sa douleur!

Il lui appartient bien aussi d'être le législateur de la bienfaisance et de la reconnais

sance.

<< Il vaut mieux s'exposer à l'ingratitude, » que de manquer aux misérables.

» Si l'on a donné à ceux que l'on aimait, » quelque chose qu'il arrive, il n'y a plus » d'occasion où l'on doive songer à ses bien>> faits.

» Il y a du plaisir à rencontrer les yeux » de celui que l'on vient d'obliger.

» Celui-là peut prendre, qui goûte un plaisir aussi délicat à recevoir, que son >> ami en sent à lui donner.

» Une grande reconnaissance emporte >> avec soi beaucoup de goût et d'amitié » pour la personne qui nous oblige.»

J'ose dire que l'esprit, tout seul, n'eût pas trouvé ces maximes des belles âmes.

Ce n'est que dans les belles âmes, que naissent les sentimens les plus aimables. D'autres âmes peuvent éprouver toute la violence des passions: elles seules en connaissent la grâce. Je demande si l'on a jamais mieux exprimé tout ce qu'il y a de plus enchanteur dans l'amour, que dans cette pensée :

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« Si j'accorde que, dans la violence d'une » grande passion, on peut aimer quelqu'un plus que soi-même; à qui ferai-je plus de plaisir, à ceux qui aiment, ou à ceux qui >> sont aimés? »>

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Mais peut-être la vertu que La Bruyère montre le plus, est ce courage d'un écrivain fier et généreux, qui prend à partie tout ce qui outrage la vertu et les talens; tout ce qui opprime l'humanité; tout ce qui afflige le malheur. Il semble qu'il n'ait écrit que

pour ces grandes vengeances. Dans plusieurs endroits de son livre, il ose se rendre à luimême une belle justice. On sent, particulièrement, que c'est lui qu'il peint dans le portrait du philosophe, dont il oppose la tendre popularité à la dédaigneuse insensibilité du riche. Je vais, Clitiphon, à votre porte, etc. » Celui qui osait donner de lui-même cette image, devait être sûr de ne la voir jamais démentie.

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Né à l'époque du plus grand développement des arts, Fontenelle n'eut rien de commun avec tous ces grands hommes, au milieu desquels s'écoula une moitié de sa vie. Mort dans la plus grande effervescence du siècle philosophique, il parut présider à une révolution, où il fut encore surpassé par ses successeurs.

Cependant on revient tous les jours à une plus haute estime pour lui; on aperçoit, de plus en plus, combien on doit de reconnaissance et d'admiration à cet écrivain, que la nature avait doué de l'esprit le plus net et le plus fin qui fut jamais; qui n'était pas né, sans doute, pour dominer dans les arts; mais pour y porter des idées justes et neuves; n'était pas né, non plus, pour créer dans les sciences; mais pour les étendre par la pénétration de ses vues, et les orner de la lumière de ses pensées; qui, s'étant fait un style propre à sa manière de voir et de sen

tir, dissimule l'absence des qualités qui lui manquent; et fait briller davantage l'excellence de celles qui lui appartiennent; regagne, par la surprise qu'il excite, ce qu'il ne peut obtenir de l'enthousiasme; qui, n'étant que le premier des hommes d'esprit; mais placé dans un temps, et ayant à la fin adopté des sujets, où l'esprit trouve un heureux emploi, a laissé tous les autres bien loin de lui; pour prendre son rang parmi les philosophes les plus utiles, et parmi les écrivains originaux. Pour le bien apprécier, il faut le lire dans la maturité de l'âge et de l'esprit.

Le plus beau titre de gloire de Fontenelle, est son Histoire des Sciences et ses Éloges des Savans. Je ne puis écrire sur ces ouvrages, après les beaux morceaux de Thomas, dans l'Essai sur les Éloges; et de M. Garat, dans son Éloge de Fontenelle, couronné à l'Académie française, un des écrits éminens dans ce genre. La gloire se partage entre les deuxécrivains : il me semble que le tableau des sciences est plus beau, dans M. Garat; que l'appréciation du style de Fontenelle est meilleure, dans Thomas.

Je me bornerai ici à parcourir de moin

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