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toute votre splendeur, pour achever la joie de vos peuples, par votre vue; pour contempler votre gloire, dans ce riche développement de la prospérité publique; pour goûter les plus pénétrantes délices, dans ces cantiques de la reconnaissance, qui saluent votre marche triomphale; retentissent encore bien loin derrière votre passage; et se répéteront dans des temps, où vous ne serez plus.

FÉNÉLON ET MASSILLON.

* FÉNÉLON.

Qui n'a senti, qui n'adore les grâces de l'imagination, qui a produit ce beau livre ; un poëme sans versification, puisqu'il est plein de poésie; et, que, hors de la poésie, il n'y a pas un genre où il trouve sa digne place? Qui pourrait se refuser à ce charme d'innocence et de vertu, qui semble épurer l'âme du lecteur, à proportion du plaisir qu'il en reçoit? Mais a-t-on donné assez de bénédictions à cette politique, grande à force d'être simple; qui, s'élevant au-dessus, tout à la fois, et de ce fanatisme patriotique des anciens, lequel, en resserrant les liens des citoyens, rompait tous ceux des nations; et de ces insolens préjugés de la stupide féodalité, qui avaient voué les peuples à la bassesse et au mépris, s'appuie, toute entière, sur la sainte humanité; en fait le commen

cement et la fin de toute sagesse, de toute gloire, de toute puissance, parmi les hommes?

Un grand roi, qui donna à Fénélon la plus haute marque d'estime, qu'un roi et qu'un père puisse donner, ne vit dans ce livre, écrit pour son petit-fils, que la satire de son règne. Cette accusation était sans justice, et non sans fondement. Fénélon pouvait-il concevoir la pensée d'outrager son bienfaiteur, de flétrir son souverain? Mais son âme, libre et sincère, l'avait conduit, sans qu'il le voulût, à tracer, à l'ombre niême de ce trône, resplendissant de gloire et d'orgueil, une pathétique protestation en faveur des peuples, foulés par un gouverne ment, qui ne connaissait que la grandeur personnelle du monarque.

Où puisait-il une philosophie, encore si étrangère à son siècle? Ne suppose-t-elle pas autant d'étendue dans l'esprit, que de générosité dans le cœur? Aimable précepteur des rois, digne patron des peuples, c'est ta gloire particulière qu'on ne puisse rien séparer dans les perfections que tu réunis; et tout ressemble en toi à une nature céleste,

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mêlée, un moment, à la nature humaine. Tout ce que je puis apercevoir dans ton génie, ou plutôt dans ton âme; c'est qu'elle était une heureuse réunion de ce qu'il y eut de plus candide dans la simplicité antique, de plus pur dans la religion chrétienne, de plus juste dans la science moderne.

MASSILLON.

Louis XIV venait de mourir, après avoir vu toute la pompe de son règne, s'obscurcir et s'éteindre dans les deuils de sa famille et dans les désastres de son royaume. Ses dernières années n'avaient plus offert, de sa première gloire, qu'un majestueux souvenir. Un enfant de dix ans, seul rejeton de cette auguste tige, occupait déjà le trône, avant d'en pouvoir exercer la puissance et d'en connaître les devoirs. Après de longs et profonds malheurs, c'était la source de toutes les espérances. C'est à cette époque que Massillon, récompensé enfin par l'épiscopat, et touchant à la vieillesse, fut appelé pour venir, encore une fois, prêcher à la cour.

Il pouvait obtenir des triomphes flatteurs,

avec ses anciens chefs-d'oeuvre. Mais son cœur sensible et vertueux conçut une haute pensée. Il osa embrasser le projet de préparer un bon roi à la nation. Il fit de nouveaux discours, qui formèrent une suite d'instructions pour le jeune prince. Il a sans cesse cet enfant royal devant les yeux; il dépouille son style de son ancienne pompe; il en retranche même une certaine vigueur de raison, qui pouvait effaroucher un âge encore si tendre; il n'en conserve que la douceur et la grâce.

Mais ce tou simple et touchant lui suffit, pour le grand objet qu'il se propose. Il peint, des plus aimables couleurs, les vertus qu'il veut donner au jeune roi. C'est dans son cœur qu'il grave ses devoirs; il les associe à tous les penchans de son âge. Il n'oublie rien, surtout, pour développer sa sensibilité; et pour la tourner vers son peuple. Il lui porte les vœux que l'on forme pour lui; il lui fait goûter les premières douceurs de l'affection publique. Il lui présente la nation; et il le présente à elle; il lui peint, tour à tour, les malheurs et la gloire, qui environnent sa jeunesse. L'or

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